Date : 20030923
Dossier : IMM-1141-03
Référence : 2003 CF 1096
ENTRE :
SENGHOUAT TAE
partie demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA
partie défenderesse
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de la Section d'appel de l'immigration (la « section d'appel » ) rejetant l'appel de la partie demanderesse pour défaut de compétence. Cette décision fut fondée sur la conclusion que la demanderesse n'est pas un « parent » du demandeur, son époux, selon l'article 4(3) du Règlement sur l'immigration (1978), DORS/78-172 (le « règlement » ). Cette conclusion repose essentiellement sur l'analyse des témoignages contradictoires des époux. De ce fait, le tribunal concluait qu'il n'y avait pas de preuve crédible de contact ou de communication entre le couple avant le mariage. Compte tenu de ce manque de preuve, il était impossible de croire à l'évolution d'une relation sérieuse ayant mené à la décision de se marier par amour et avec l'intention de faire vie commune.
[2] Hors, une revue de la preuve au dossier révèle que le tribunal est demeuré silencieux sur plusieurs éléments de preuve, lesquels démontraient que les époux avaient eu des communications avant le mariage, entre autres, les factures d'interurbains, les avis de transferts de fonds par lesquels le demandeur a envoyé de l'argent à son épouse au Cambodge et des photos du demandeur et de son épouse lors du voyage du demandeur au Cambodge en avril et mai 2002.
[3] Le tribunal devait à tout le moins expliquer la raison pour laquelle il n'attribuait aucun poids à cette preuve qui portait sur l'élément central du dossier, soit la nature de la relation entre les époux. Comme l'indiquait le juge Evans dans Cepeda-Gutierrez c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ), [1998] A.C.F. no 1425 (QL) :
_ 17 Toutefois, plus la preuve qui n'a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l'organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l'organisme a tiré une conclusion de fait erronée "sans tenir compte des éléments dont il [disposait]" : Bains c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)(1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst). Autrement dit, l'obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés. Ainsi, une déclaration générale affirmant que l'organisme a examiné l'ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont elle n'a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l'organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu'elle passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d'inférer que l'organisme n'a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait. (mon soulignement)
[4] Il s'agit d'une erreur du tribunal qui justifie l'intervention de la Cour.
[5] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accordée. La décision de la section d'appel est cassée et le dossier est retourné à la section d'appel pour une réaudition devant un panel nouvellement constitué.
« Danièle Tremblay-Lamer »
juge
Montréal (Québec)
Le 23 septembre 2003
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1141-03
INTITULÉ : SENGHOUAT TAE
partie demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA
partie défenderesse
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 23 septembre 2003
MOTIFSDE L'ORDONNANCE : L'HONORABLE JUGE TREMBLAY-LAMER
DATE DES MOTIFS : Le 23 septembre 2003
COMPARUTIONS:
Me Kathleen Gaudreau POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Me Michel Pépin POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Me Kathleen Gaudreau POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec)