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Date: 19980604


Dossier: IMM-55-98

Entre :

     VANDANA GUPTA,

     Partie requérante,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     Partie intimée.

     MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ:

[1]      Cette requête de la part de la requérante porte appel de la décision du protonotaire, Me Richard Morneau en date du 12 mars 1998, par laquelle il rejetait la demande de prorogation de la requérante pour déposer et signifier son dossier.

[2]      Il est constant que le 7 janvier 1998, la requérante, se représentant seule à cette époque, a déposé une demande d"autorisation et de contrôle judiciaire à l"encontre d"une décision rendue par la Section du statut en date du 17 décembre 1997. Selon la règle 10 des Règles de 1993 de la Cour fédérale en matière d"immigration ("les Règles") la requérante avait jusqu"au 6 février 1998 pour mettre sa demande d"autorisation en état, ce qu"elle n"a pas fait dans les délais. En conséquence, le 17 février 1998, l'intimé a fait parvenir à la requérante copie d"une lettre adressée à l"Administrateur de la Cour fédérale demandant de bien vouloir statuer sur la demande d"autorisation.

[ 3]      Le 25 février 1998, soit près de trois semaines après l"expiration du délai prévu, la requérante, maintenant par le biais de son procureur, a signifié à l"intimé une requête en prorogation de délai. Dans son affidavit au soutien de cette requête, la requérante attribue le retard à son ignorance des délais prévus aux règles.

[4]      Le protonotaire qui a entendu cette requête écrite en vertu des dispositions de l"ancien article 324 des Règles de la Cour fédérale l'a rejetée en se fondant sur les motifs exprimés dans les observations de l'intimé. Dans ses observations l"intimé a fait valoir qu"il est de jurisprudence constante que la requérante doit fournir une explication raisonnable pour le délai et convaincre la Cour que sa demande de contrôle judiciaire repose sur des arguments sérieux. L'intimé soumet que l"ignorance des délais prescrits par les règles ne constitue pas une explication raisonnable.

[5]      La requérante fonde son appel sur deux motifs. Premièrement, son opposition quant à l"exercice du pouvoir du protonotaire et, deuxièmement, son opposition quant à la validité du pouvoir en question.

[6]      Quant au premier motif, la requérante allègue que le protonotaire se devait de ne rendre aucune décision aux fins d"une requête en vertu de l"article 324 sans s'assurer que la requérante était au courant de tous les faits et de lui permettre de présenter des observations écrites eu égard aux observations de l"intimé. Or, l'intimé a lui-même obtenu une prorogation de délai suite à la directive d"un juge de cette Cour sans que la requérante en soit informée. Donc, prétend la requérante, le protonotaire ne pouvait procéder sans que la requérante ait pris connaissance de ce qui s"était "tramé en son absence".

[7]      La directive en l"espèce en était une de mon collègue le juge Teitelbaum qui a déjà entendu une requête de la part du procureur de la requérante attaquant cette directive et il l"a rejetée du banc. Évidemment, il ne m"appartient pas d'entendre des arguments à l"encontre de cette décision. De plus, la directive n"est pas pertinente dans le sens qu'elle n"a absolument rien à voir avec le défaut de la requérante de se conformer à la règle 10 précitée.

[8]      Quant au deuxième motif, la requérante soumet que le paragraphe 46(1) de la Loi sur la Cour fédérale ("la Loi") permet au comité des Règles, et plus particulièrement à l"alinéa 46(1)(h), de donner pouvoir au protonotaire d"exercer une autorité ou une compétence - même d"ordre judiciaire - sous la surveillance de la Cour. La requérante allègue donc que le comité en question ne pouvait pas, à partir des Règles, déléguer son pouvoir au juge en chef ou au juge en chef adjoint tel que le veut l'article 336 des Règles de la Cour fédérale . En effet, l"alinéa 336(1)(g) attribue au protonotaire le pouvoir de statuer sur toute demande interlocutoire qui lui a été nommément confiée sur directive spéciale ou générale du juge en chef ou du juge en chef adjoint. L"ordonnance du protonotaire s"appuie sur la règle 21(2) établie par le juge en chef selon les dispositions de l"article 84 de la Loi sur l"immigration. Cet article autorise le juge en chef à établir des règles régissant la pratique et la procédure relatives aux demandes d"autorisation.

[9]      La requérante soumet que l"octroi d"une compétence judiciaire, au surplus, ne relève ni de la pratique ni de la procédure. En conséquence, le pouvoir en question ne pouvait être validement confié au protonotaire puisque cette délégation ou cette autorité ne relevait pas des attributions du juge en chef mais relevait uniquement du comité constitué aux fins de la Loi sur la Cour fédérale .

[10]      Ce deuxième argument, basé sur le principe bien connu delegatus non potest delegare, si ingénieux puisse-t-il paraître, a déjà été considéré et rejeté par le juge en chef adjoint de cette Cour dans l"affaire Iscar Ltd. v. Karl Hertel GmbH et al.1. Le juge Jérome a dit qu'il ne s"agit pas ici d"une deuxième délégation de pouvoir. Il apparaît clairement à l"alinéa 46(1)(h) de la Loi sur la Cour fédérale que le Parlement ne voulait pas accorder simplement un pouvoir procédural au protonotaire. Il lui accordait une compétence d"ordre judiciaire. L'exercice de cette compétence nécessite une règle de la Cour fédérale, en l"occurrence la règle 336, qui autorise le protonotaire à disposer de toute demande interlocutoire que lui assigne le juge en chef ou le juge en chef adjoint. Fondamentalement, la compétence du protonotaire d"entendre les demandes interlocutoires vient directement de l'article 46 précité. Le pouvoir d"exercer cette compétence se fonde sur la règle 336(1)(g) précitée, par contre la compétence du protonotaire ne trouve pas son fondement dans les Règles de la Cour mais dans la Loi elle-même, soit l'alinéa 40(1)(h).

[11]      Tel que précité, le procureur de la requérante s"est également plaint du fait que le protonotaire ne lui a pas fourni l"occasion de déposer une réponse ou une réplique aux observations de l"intimé. La règle 324 ne prévoit pas de réponse ou de réplique. La règle 324 ne prévoit que des observations écrites de la part des deux parties en cause. Le juge Strayer, alors qu"il était juge de cette Cour, a dit très clairement dans l"affaire Lioubimenko2, que la règle 324 n'ouvre pas un droit de réplique à l"autre partie.

[12]      En conséquence, cet appel est rejeté.

O T T A W A, Ontario

le 4 juin 1998

    

     Juge

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1      27 F.T.R. 186, 14 avril 1989.

2      IMM-93-94, 8 avril 1994.

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