Date : 19980908
Dossier : IMM‑1555‑98
ENTRE :
KARAMJIT SINGH SANGHA,
demandeur,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE REED
[1] Le demandeur cherche à obtenir l'annulation d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). Le litige porte sur une question étroite. Il est allégué que la Commission n'a pas procédé à l'analyse qu'exige le paragraphe 2(3) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.
[2] Cette disposition prévoit :
Une personne ne perd pas le statut de réfugié pour le motif visé à l'alinéa (2)e) si elle établit qu'il existe des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures de refuser de se réclamer de la protection du pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d'être persécutée.
L'alinéa 2(2)e) prévoit qu'une personne perd le statut de réfugié au sens de la Convention quand les raisons qui lui faisaient craindre d'être persécutée dans le pays qu'elle a fui cessent d'exister (c'est-à-dire, quand survient un changement dans la situation du pays). L'analyse à laquelle la Commission doit procéder conformément au paragraphe 2(3) dans ces circonstances est décrite dans la décision Arguello-Garcia c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1997), 21 Imm.L.R. (2d) 285 (C.F. 1re inst.).
[3] Le centre du litige porte sur l'interprétation des motifs de la Commission. Il est convenu que la Commission n'a pas procédé à l'analyse prévue au paragraphe 2(3). La question à trancher est de savoir si la Commission a conclu que le demandeur était à un moment donné un réfugié au sens de la Convention, mais qu'il a cessé de l'être à cause d'un changement dans la situation du pays, ou bien si la Commission a conclu que le demandeur n'avait jamais été un réfugié au sens de la Convention et qu'en conséquence, elle n'avait pas à procéder à l'analyse prévue au paragraphe 2(3).
[4] Les motifs de la Commission contiennent une ambiguïté du fait qu'elle a déclaré que le demandeur avait une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Delhi ou à Bombay [TRADUCTION] « avant qu'il ne quitte l'Inde ». L'avocat du demandeur soutient qu'est implicite dans ce libellé la conclusion de la Commission que le demandeur n'avait pas eu auparavant de PRI à Delhi ou à Bombay, mais que cette possibilité s'était offerte à lui à la suite d'un changement dans la situation du pays. Les parties pertinentes de la décision de la Commission sont les suivantes :
[TRADUCTION] Le tribunal estime, à la suite de l'examen attentif des éléments de preuve dont il dispose, qu'une possibilité de refuge intérieur s'offrait au revendicateur à Delhi ou à Bombay au milieu de l'année 1996 quand il a quitté l'Inde. Nous concluons également que le revendicateur n'appartient à aucune des catégories de personnes à risque s'il doit retourner à l'un de ces deux endroits aujourd'hui. Compte tenu de cette conclusion et du degré d'intérêt que la police a manifesté envers le revendicateur par le passé, nous sommes d'avis qu'il n'existe pas de risque raisonnable qu'il subirait de la persécution s'il devait déménager à Delhi ou à Bombay, même si la police devait entendre parler de lui lors de son retour en Inde et de son installation dans l'une de ces villes.
[...]
L'avocat du revendicateur a soutenu qu'il existe des raisons impérieuses pour lesquelles le revendicateur ne devrait pas être renvoyé en Inde aujourd'hui, compte tenu de ses persécutions antérieures et du contenu du rapport médical dont dispose le tribunal. Toutefois, étant donné sa conclusion que le revendicateur bénéficiait d'une possibilité de refuge intérieur avant qu'il ne quitte l'Inde, le tribunal conclut que le revendicateur n'est pas visé par le paragraphe 2(3) de la Loi sur l'immigration.
[5] Il n'y a rien dans les motifs qui donne à penser que la Commission, en utilisant les mots « avant qu'il ne quitte l'Inde » ou « quand il a quitté l'Inde », voulait dire qu'elle concluait qu'il y avait eu auparavant une période au cours de laquelle le demandeur ne bénéficiait pas d'une PRI à Delhi ou à Bombay. Il n'y a rien non plus dans la transcription de l'audience ni dans l'argumentation présentée à la Commission qui pourrait étayer une telle interprétation des motifs de la Commission. Il est manifeste que la Commission a eu recours aux descriptions temporelles en question parce que le demandeur n'est allé à Delhi que tout juste avant de partir pour le Canada. En effet, l'avocat actuel du demandeur a soutenu devant la Commission que, dans la mesure où un changement dans la situation du pays était pertinent, la période de temps à prendre en compte se situait entre la date où le demandeur a quitté l'Inde et la date de l'audience devant la Commission. Il a allégué que les conditions pour le demandeur s'étaient aggravées. Ni la transcription ni les arguments présentés à la Commission n'étayent le moindrement l'interprétation que l'avocat du demandeur recommande en l'espèce à la Cour d'adopter.
[6] Pour ces motifs, la demande est rejetée.
« B. Reed »
Juge
Vancouver (Colombie-Britannique)
Le 8 septembre 1998.
Traduction certifiée conforme
Martine Brunet, LL.B.
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
EN DATE DU : 4 septembre 1998
NO DU GREFFE : IMM-1555-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : KARAMJIT SINGH SANGHA
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (C.-B.)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE REED
en date du 8 septembre 1998
ONT COMPARU :
M. Paul Sandhu pour le demandeur
Mme Brenda Carbonell pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Kang & Company
North Delta (C.-B.) pour le demandeur
Morris Rosenberg pour le défendeur
Sous-procureur général
du Canada