Date : 20010919
Dossier : IMM-4869-00
Référence neutre : 2001 CFPI 875
Entre :
RAVINDER KAUR
GURPREET SINGH
JASVIR KAUR
TIRATH SINGH
Partie demanderesse
- et -
LE MINISTÈRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA
Partie défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD :
[1] La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 2 août 2000 par la Section du statut de réfugié statuant que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention et que leurs revendications n'ont aucun minimum de fondement.
[2] La demanderesse principale, Ravinder Kaur, âgée de 23 ans, ainsi que ses deux enfants mineurs Jasvir Kaur, âgé de deux ans, et Tirath Singh, âgé de trois ans, et son frère Gurpreet Singh, âgé de 18 ans, sont tous citoyens de l'Inde. La demanderesse principale a été désignée comme représentante de ses deux enfants mineurs et de son frère sourd et muet. Tous appuient leurs revendications sur celle de la demanderesse principale qui invoque une crainte bien fondée de persécution en raison de son appartenance à un groupe social particulier.
[3] La Section du statut de réfugié fonde principalement sa conclusion d'absence de crédibilité de la demanderesse sur l'omission par cette dernière d'inclure dans son Formulaire de renseignements personnels ( « FRP » ) l'allégation qu'elle avait été violée par la police lorsqu'en détention. Au début de l'audience, la demanderesse a fait amender son FRP pour y ajouter l'incident en question. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi elle ne l'avait pas indiqué plus tôt, la demanderesse répond :
Conseiller So why did not you tell it before so that I can send to the ... to the Refugee Board the corrections that these are the main elements which should be included in the statement?
Demanderesse I was afraid. I was afraid. I thought if somebody gets to know, then among the Indian people it's a bit ... it's very shameful for me.
Conseiller So why you decided to tell today?
Demanderesse So that I should get justice.
Plus loin, la demanderesse témoigne de sa visite chez le médecin après son arrestation :
Tribunal And what did you tell the doctor at the hospital?
Demanderesse I told that I ... my head is hurting and I'm feeling dizzy.
Tribunal Did you speak about the rape?
Demanderesse No.
Tribunal Why?
Demanderesse Because they're Indian people also, then they insult people that this happen to.
[4] La Section du statut de réfugié trouve incroyable le fait que la demanderesse n'ait pas au moins tenté de s'assurer de sa santé physique après l'incident, mais elle ne commente pas sur l'explication suivante de la demanderesse :
Tribunal But what did you do? Did you comb your hair? Did you open a door? Anything, any details of what you did after you left the police station.
Demanderesse I didn't do anything. I was as if I was crazy. And my father said what has happened to you, but I didn't tell him anything. And then I came back and I hugged my children and I started crying. And I started hitting my head against the wall.
[. . .]
. . . And everybody was saying tell us what has happened to you, but I didn't tell anything. And I said I don't want to stay and I want to ... I wanted, then I tried to kill myself. And then my mother said that who is going to look after your little children. And then I thought I'm not going to stay here any more.
[5] La réaction décrite par la demanderesse pourrait très bien être assimilée à celle d'une victime de viol, compte tenu surtout du contexte social et culturel révélé par la preuve documentaire. Comme les explications de la demanderesse portaient sur des éléments centraux à sa revendication, je suis d'avis que la Section du statut de réfugié a erré en omettant de considérer les circonstances sociales et culturelles qui, selon les allégations de la demanderesse, l'empêchaient de parler de l'incident, vu la honte et la peur qu'elle éprouvait à la suite de son viol. À mon sens, la Section du statut de réfugié aurait dû à tout le moins commenter ces explications à première vue raisonnables (voir Hue c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (8 mars 1988), A-196-87, [1988] A.C.F. no 283 (C.A.F.) (QL)).
[6] Je considère l'erreur de la Section du statut de réfugié suffisamment grave, dans les circonstances, pour justifier l'intervention de cette Cour. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Section du statut de réfugié est cassée et l'affaire est retournée pour nouvelle audition par la Section du statut de réfugié différemment constituée.
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 19 septembre 2001