Ottawa (Ontario), le 30 janvier 2006
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’REILLY
ENTRE :
et
THE OSHAWA GROUP LIMITED, SOBEYS INC., ALIMENTATION BLANCHETTE ET CYRENNE INC., MARCHÉ ALAIN LARIVIÈRE INC., MARCHÉ JIMMY INC., MARCHÉ RÉAL CHARTIER INC., 9063-8867 QUÉBEC INC., faisant affaires sous le nom de MARCHÉ JULIEN, ARSENE GAUDREAULT INC., et 2959-1120 QUÉBEC INC., faisant affaires sous le nom de GROSSISTE DE L'ENCAN
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1]
La demanderesse a
intenté contre les défenderesses une action en violation de marque de commerce.
N'ayant pas obtenu gain de cause en première instance, elle a interjeté appel
devant la Cour d'appel fédérale, qui l'a déboutée de son appel le
25 octobre 2005. La Cour d'appel fédérale m'a renvoyé l'affaire en
tant que juge du fond pour que je donne des directives à l'officier taxateur au
sujet des dépens ou que je règle moi-même toute question non encore résolue
portant sur les dépens. J'ai demandé aux parties de me soumettre des
observations écrites sur ces questions.
I. Questions en litige
[2]
La Cour d'appel
fédérale m'a explicitement demandé de donner des directives au sujet des
incidences de l'offre de règlement faite par les défenderesses le
2 octobre 2003. Il reste par ailleurs à résoudre les questions suivantes
en ce qui a trait aux dépens :
·
Honoraires des avocats
: barème applicable et la question de savoir s'il y a lieu de rembourser aux
défenderesses les honoraires d'un second avocat;
·
Indemnité versée aux
témoins experts : les défenderesses devraient-elles être indemnisées pour
l'avis donné par un expert qui n'a pas témoigné;
· Frais de photocopie et commission de gestion : le montant précisé dans le projet de mémoire de dépens des défenderesses est-il excessif?
[3]
Ayant reçu les
observations des parties sur ces questions, je suis prêt à donner les
directives suivantes à l'officier taxateur.
II.
Analyse
1. Offre de règlement des
défenderesses
[4]
L'alinéa 420(2)b) des Règles des Cours
fédérales (1998), DOR/98-106, précise les conséquences de la
non-acceptation de l'offre de règlement du défendeur par le demandeur qui
n'obtient pas gain de cause au principal. En pareil cas, le défendeur a droit
au double de ses dépens à compter du lendemain de la date de l'offre jusqu'à la
date du jugement. Jusqu'à récemment, cet alinéa précisait que l'offre ne devait
pas être révoquée. Certains juges interprétaient cette condition strictement et
refusaient d'appliquer cet alinéa aux offres qui devenaient caduques à
l'ouverture du procès (Francosteel Canada Inc. c. African Cape (Le),
[2004] 4 C.F. 284 (C.A.F.); Halford c. Seed Hawk Inc., [2004] A.C.F. no
1541 (C.F) (QL)). D'autres reconnaissaient que ces offres étaient visées par
cet alinéa (Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, [2002] A.C.F. no
455 (C.F. 1re inst.) (QL)). Cette disposition des Règles a
récemment été modifiée pour bien préciser que l'offre qui demeure valable
jusqu'à l'ouverture du procès peut donner droit au double des dépens (C.P.
2005-1945).
[5]
En l'espèce, l'offre de règlement des
défenderesses expirait [traduction]
« une minute après le début de l'instruction de la présente action ».
Je m'estime lié par l'interprétation que la Cour d'appel fédérale a donnée de
l'article 420 des Règles dans l'arrêt Francosteel, précité, et
force m'est donc de conclure que l'offre de règlement des défenderesses ne
donne pas droit au double des dépens. Je reconnais toutefois aussi que je peux
tenir compte de cette offre dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire
général sur les dépens que me confère l'article 400 (Halford, précité).
[6]
À mon avis, l'offre des défenderesses était
formelle et elle renfermait certains éléments de compromis. Les défenderesses
offraient à la demanderesse de ne pas utiliser de marque de commerce ou de nom
commercial contenant le mot « Tradition » à l'ouest du Québec et de ne pas
utiliser le mot « Tradition » seul en rapport avec les marchandises
énumérées dans les enregistrements de marques de commerce des demanderesses.
[7] Dans ces conditions, au lieu d'être doublée, l'offre des défenderesses devrait être multipliée par 1,3 pour ce qui est des dépens, à l'exclusion des débours.
2. Honoraires des avocats
[8]
Les défenderesses affirment qu'elles devraient
avoir le droit de récupérer les honoraires de deux avocats, l'un selon
l'échelon supérieur de la colonne III du tarif B et l'autre, à 50 pour 100
de ce tarif. Compte tenu des facteurs énumérés au paragraphe 400(3) et
notamment des facteurs relatifs à l'importance et à la complexité des questions
en litige, au résultat de l'instance et à l'ampleur du travail préparatoire
effectué, je suis convaincu que les services des deux avocats étaient
nécessaires et que les honoraires de l'avocat principal devraient être taxés
selon l'échelon supérieur de la colonne III et que les honoraires du
second avocat devraient être taxés à 50 pour 100 de ceux de l'avocat
principal.
3. Indemnité versée aux témoins experts
[9]
Les défenderesses ont engagé un expert pour les
aider à répondre à la preuve des experts de la demanderesse. L'expert des
défenderesses a remis un rapport et a rencontré les avocats pour discuter du
contre-interrogatoire de l'expert de la demanderesse. L'expert des
défenderesses n’a toutefois pas témoigné. La décision de ne pas citer l'expert
à la barre a été prise à la suite du contre‑interrogatoire de l'expert de
la demanderesse.
[10]
Après en avoir pris connaissance, j'ai acquis la
conviction que le rapport de l'expert a servi de fondement au contre-interrogatoire
de l'expert de la demanderesse et, en fin de compte, à mes conclusions au sujet
du témoignage de l'expert. À mon avis, les défenderesses ont le droit d'inclure
l'indemnité versée à leur expert dans leurs débours. Je ne les indemniserais
cependant pas pour la totalité des frais de l'expert, compte tenu du fait que
le rapport écrit de ce dernier n'a jamais été porté à la connaissance de la
Cour et que cet expert n'a pas été cité à la barre des témoins. Je limiterais
ce poste à 32 500 $ (majoré des frais et de la TPS), c'est-à-dire au
montant de l'indemnité versée au témoin pour la préparation de son rapport et
pour une journée de rencontre avec les avocats.
4. Frais de
photocopie
[11]
Les défenderesses
incluent dans leur projet de mémoire de dépens une somme de
2 676,30 $ pour les photocopies effectuées à l'interne, ainsi que
12 712,72 $ pour les commissions, y compris les photocopies faites à
l'extérieur. Pour ce qui est du premier montant, celui-ci est calculé au taux
de 0,15 $ la page pour 17 842 pages. Cette quantité et ce tarif me
semblent exceptionnellement élevés. Je limiterais ces débours à
1 000 $.
[12] En ce qui a trait à la commission de gestion et aux photocopies faites à l'extérieur, je ne dispose pas de suffisamment de renseignements pour pouvoir déterminer si ces débours sont raisonnables. Le montant de 12 712,72 $ me semble excessif, mais si les parties ne parviennent pas à un compromis, je laisserai à l'officier taxateur le soin de déterminer le montant qui convient.
ORDONNANCE
LA COUR :
1.
ORDONNE que les
honoraires réclamés par les défenderesses pour les services rendus entre le
3 octobre 2003 et le 20 juillet 2004 soient multipliés par 1,3;
2.
ORDONNE que les dépens
des défenderesses soient taxés selon l'échelon
supérieur de la colonne III du tarif B;
3.
DIT que les
défenderesses ont le droit de faire taxer les honoraires d'un second avocat au
taux de 50 pour 100 du taux d'un avocat principal;
4.
DIT que les
défenderesses ont le droit de récupérer l'indemnité versée à leur témoin expert
jusqu'à concurrence de 32 500 $ (majorés des frais et de la TPS);
5. DIT que les défenderesses ont le droit de récupérer 1 000 $ pour les frais de photocopies effectuées à l'interne.
« James W. O’Reilly
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2112-99
INTITULÉ : TRADITION FINE FOODS LTD. c. THE OSHAWA GROUP et al.
REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE O’REILLY
DATE DES MOTIFS : LE 30 JANVIER 2006
COMPARUTIONS :
Gregory A. Piasetzki POUR LA DEMANDERESSE
Sam El-Khazen
Arthur Renaud POUR LES DÉFENDERESSES
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Piasetzki & Nenniger srl POUR LA DEMANDERESSE Toronto (Ontario)
tOTTT
Bennett Jones srl POUR LES DÉFENDERESSES
Toronto