Date : 19990713
Dossier : IMM-4801-98
Entre :
PAULINE LUSSEVIKUENO
DANIELA POMBO KIWA
ARIANA MAZINGU KIWA
Partie demanderesse
- et -
LE MINISTRE
Partie défenderesse
MOTIFS DE L"ORDONNANCE
LE JUGE NADON:
[1] Le 26 août 1998, la Section du statut de réfugié (la "Section de statut") concluait que les demanderesses n"étaient pas des réfugiées au sens de la Convention. Les demanderesses, par leur demande de contrôle judiciaire, attaquent cette décision.
[2] Les demanderesses sont toutes citoyennes de l"Angola. La demanderesse principale est la mère des deux autres demanderesses. Elles sont arrivées au Canada le 26 novembre 1997 et ont réclamé le statut de réfugié.
[3] La revendication de la mère repose sur des événements survenus le 31 octobre 1997. Elle aurait reçu la visite de 4 hommes membres d"un mouvement séparatiste portant le nom de Front de Libération de l"Enclave de Cabinda ("F.L.E.C."). Ces hommes l"auraient battue, la soupçonnant d"être informatrice du gouvernement angolais. La demanderesse principale aurait alors révélé aux membres du F.L.E.C. le fait que certains de ses cousins et autres parents combattaient dans le F.L.E.C. pour l"indépendance du Cabinda. Avant de la libérer, les membres du F.L.E.C. l"auraient informée qu"ils allaient "continuer à enquêter" sur elle et sa déclaration et que si l"information fournie n"était pas exacte, ils allaient la tuer ainsi que ses enfants. Le lendemain, la demanderesse aurait fui à Luanda, la capitale de l"Angola, pour rejoindre son frère. Son frère, après l"avoir informé qu"il était dangereux pour elle de demeurer à Luanda, aurait contacté un passeur qui l"a amené au Canada.
[4] La Section du statut a rejeté la revendication de la mère ainsi que de celle de ses filles. En premier lieu, la Section du statut a douté de la crédibilité de la mère et donc de la véracité de son histoire. En deuxième lieu, la Section du statut a conclu que les demanderesses pouvaient se réfugier ailleurs en Angola, et plus particulièrement à Luanda, où demeurent deux de ses frères ainsi que son fiancé. La Section du statut a noté, se basant sur un article de l"Agence France Presse en date du 15 octobre 1997, que les combats entre les forces du gouvernement et celles du F.L.E.C. étaient limités à une partie de l"enclave de Cabinda et ne touchaient pas l"ouest de cette enclave qui inclus la ville de Cabinda. Dans le "Country Report on Human Rights Practices for 1997" concernant l"Angola, l"on peut lire ce qui suit:
Civilians reportedly were killed in the cross-fire between the Angolan National Army and the armed factions of the Cabinda Enclave Liberation Front (FLEC). Fighting is concentrated in the northern areas of Tandu-Zinze, Kuku-Zau, and Belize. |
[5] Je partage entièrement les propos du procureur du défendeur selon lesquels il n"y avait aucune preuve démontrant que le F.L.E.C. était présent dans la capitale de l"Angola. À mon avis, les demanderesses n"ont su rencontrer le fardeau de preuve qui pesait sur elle, à savoir qu"elles devaient démontrer une crainte bien-fondée de persécution dans l"ensemble de l"Angola, y compris la capitale. Dans Thirunavukkarasu v. Canada (M.E.I.), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.F.), le juge Linden, aux pages 594 et 595, s"exprimait comme suit relativement au fardeau de preuve imposé à un revendicateur du Statut de réfugié concernant la question de refuge interne:
Dans l"arrêt Rasaratnam, précité, la Cour a aussi examiné et tranché la question du fardeau de la preuve concernant la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Elle a rejeté l"argument selon lequel il n"incombe pas au demandeur, une fois qu"il a prouvé qu"il craint avec raison d"être persécuté dans une partie d"un pays, de réfuter l"existence de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Le juge Mahoney a conclu qu"il incombait au demandeur, puisque la décision portant sur l"existence ou non d"une telle possibilité faisait partie intégrante de la décision portant sur son statut de réfugié au sens de la Convention, de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu"il risquait sérieusement d"être persécuté dans tout le pays, y compris la partie qui offrait prétendument une possibilité de refuge. |
Autrement dit, il incombe aux demandeurs du statut de réfugié au sens de la Convention de prouver qu"ils satisfont à tous les éléments de la définition de réfugié au sens de la Convention qui est énoncée dans le paragraphe 2(1) de la Loi. Parmi ces éléments importants, peut se trouver la question de savoir, dans un cas déterminé, s"il existe une possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Mais comme cet élément n"est qu"une partie de la question ultime qu"il faut trancher, soit celle de savoir si le demandeur est un réfugié au sens de la Convention. Donc, je ne crois pas qu"il soit possible de conclure, sur la question de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays, que le fardeau de la preuve qui revenait à l"origine au demandeur du statut de réfugié devrait, d"une manière ou d"une autre, être transféré au ministre. |
[6] À mon avis, les demanderesses n"ont su démontrer qu"elles risquaient d"être persécutées à Luanda. En concluant comme elle l"a fait, la Section du statut n"a commis aucune erreur.
[7] Vu la conclusion à laquelle j"en arrive sur la question du refuge interne, il n"est pas nécessaire d"examiner la décision de la Section du statut en ce qui a trait à la crédibilité de la demanderesse principale. Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[8] Tel que je l"ai indiqué aux procureurs durant l"audition, la transcription de l"audition du 23 juin 1998 est "maigre". Il ne semble pas que les membres du panel, l"agent chargé de la revendication, ainsi que le procureur des demanderesses avaient l"intention de poser les questions qui devaient être posées afin de faire ressortir les faits pertinents à la détermination de la véracité du récit de la demanderesse principale. Tous les intervenants semblaient satisfaits de se contenter de généralités qui n"étaient, à mon avis, de peu d"utilité. Malheureusement pour les demanderesses, le fardeau de preuve reposait sur elles et elles n"ont pas réussi à démontrer qu"il serait déraisonnable pour elles de se réfugier dans la capitale de l"Angola. Même si les membres du panel et l"agent chargé de la revendication ont, à maintes reprises, empêché le procureur des demanderesses de faire son travail, celle-ci a néanmoins eu l"opportunité de poser les questions qu"elle jugeait pertinentes pour démontrer la crainte de ses clientes.
[9] En conclusion, malgré l"argumentation fort habile de Me Montbriand, je ne suis pas convaincu que la Section du statut a commis une erreur lorsqu"elle a conclu qu"il existait un refuge interne en Angola pour les demanderesses. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Ottawa, Ontario "MARC NADON" |
Le 13 juillet 1999 Juge