Date : 20030626
Dossier : IMM-4449-02
Référence : 2003 CFPI 804
Québec (Québec), le 26 juin 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS
ENTRE :
MIHALY JAMRICH, SZILVIA KOVARI,
VIVIEN JAMRICH, YVETTE JAMRICH et
CHRISTOPHER JAMRICH
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés [la LIPR] à l'égard d'une décision prise par la conseillère en immigration Brenda Heal [la CI], datée du 27 août 2002, et communiquée à Mihaly Jamrich, Szilvia Kovari, Vivien Jamrich, Yvette Jamrich et Christopher Jamrich [les demandeurs] le 5 septembre 2002, dans laquelle celle-ci avait décidé que les demandeurs ne seraient pas soustraits à l'application de certaines dispositions législatives les empêchant de faire traiter au Canada une demande de résidence permanente fondée sur des considérations humanitaires.
LES FAITS
[2] Mihaly Jamrich, le demandeur, est arrivé au Canada en provenance de Hongrie le 21 septembre 1995.
[3] Il a revendiqué le statut de réfugié le 20 octobre 1995.
[4] Le 15 novembre 1995, l'épouse du demandeur, Szilvia Kovari, ses belles-filles, Vivien et Ivette Michna, et son fils, Christopher Jamrich, sont arrivés à Vancouver et ont également revendiqué le statut de réfugié.
[5] Un avis de décision daté du 3 décembre 1997 les a informés qu'ils n'étaient pas considérés comme des réfugiés au sens de la Convention.
[6] En janvier 1998, le demandeur, son épouse, ses belles-filles et son fils ont présenté une demande en vue d'être reconnus comme faisant partie de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada [la CDNRSRC].
[7] Le 27 janvier 2000, le couple des demandeurs a eu un fils.
[8] Une lettre datée du 6 mars 2000 informait les demandeurs qu'ils ne faisaient pas partie de la catégorie des DNRSRC.
[9] Le 17 mars 2000 ou vers cette date, les demandeurs ont demandé le traitement au Canada de leur demande de résidence permanente pour des raisons humanitaires.
[10] Une lettre datée du 27 août 2002 a informé les demandeurs que les considérations humanitaires ne permettaient pas de les soustraire aux conditions du paragraphe 11(1) de la LIPR, c'est-à-dire qu'ils devaient présenter leur demande de résidence permanente à l'extérieur du Canada, selon les modalités prévues.
[11] La demande de contrôle judiciaire porte sur cette dernière décision.
QUESTIONS EN LITIGE
[12] 1. La CI a-t-elle porté atteinte à l'obligation d'agir de façon équitable lorsqu'elle a pris en considération des preuves extrinsèques sans en informer les demandeurs ou sans leur fournir la possibilité de les réfuter?
2. La CI a-t-elle commis une erreur de droit parce qu'elle a mal apprécié les faits de l'affaire et en est arrivée à des conclusions qui ne sont pas fondées sur les preuves?
3. La CI a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a examiné l'établissement des demandeurs au Canada?
4. La CI a-t-elle accordé suffisamment d'importance au bien-être des enfants lorsqu'elle a décidé de refuser la demande présentée par les demandeurs pour que leur demande de résidence permanente soit traitée au Canada?
ANALYSE
La norme de contrôle
[13] Dans Ojinma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. n ° 1205 [Ojinma], le juge Mackay a confirmé la nature de la norme de contrôle applicable au contrôle judiciaire des décisions fondées sur des considérations humanitaires :
[paragr. 13] Le droit concernant la norme de contrôle qui doit s'appliquer dans un contrôle judiciaire portant sur des décisions liées à l'existence de raisons d'ordre humanitaire est bien établi. Dans la décision Tartchinska c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 185 F.T.R. 161, [2000] A.C.F. n ° 373, le juge Nadon (maintenant juge à la Cour d'appel) a fait les observations suivantes aux paragraphes 18 et 19 :
Il est clair que les dispenses fondées sur des motifs d'ordre humanitaire sont de nature discrétionnaire et qu'un demandeur n'a pas droit à un résultat en particulier. Pour contester avec succès une décision défavorable, le demandeur doit établir que le décideur a commis une erreur de droit, agi de mauvaise foi, ou appliqué un mauvais principe : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 174 D.L.R. (4th) 193 (C.S.C.); Shah c. M.E.I. (1994), 29 Imm. L.R. (2d) 82 (C.A.F.); Ogunfowora v. M.C.I., 41 Imm. L.R. (2d) 75 (C.F. 1re inst.).
La Cour suprême a clairement dit dans l'arrêt Baker, précité, que la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer aux demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire est celle du caractère raisonnable. Par conséquent, si la décision contestée est fondée sur des motifs qui peuvent soutenir un examen assez approfondi, la Cour n'est pas habilitée à modifier la décision.
[14] Je vais donc examiner la décision de la CI portant rejet de la demande des demandeurs fondée sur des considérations humanitaires selon la norme de la décision raisonnable.
1. La CI a-t-elle porté atteinte à l'obligation d'agir de façon équitable lorsqu'elle a pris en considération des preuves extrinsèques sans en informer les demandeurs ou sans leur fournir la possibilité de les réfuter?
[15] Les demandeurs se fondent sur la décision Haghighi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 4 C.F. 407 pour soutenir que la CI a commis une erreur parce qu'elle a utilisé les motifs de la décision relative à la DNRSRC sans s'assurer que les demandeurs en possédaient une copie et sans leur donner la possibilité de présenter des observations à ce sujet.
[16] De son côté, le défendeur soutient que la CI n'est pas juridiquement tenue de fournir aux demandeurs une copie des motifs de la décision relative à la DNRSRC. Il fonde son argument sur l'affaire Ojinma, précitée. En fait, dans cette décision, le juge Mackay explique de la façon suivante la différence qui existe entre ces deux affaires :
[paragr. 22] Bien qu'en l'espèce le demandeur n'ait pas obtenu copie de l'opinion sur le risque, il a été informé de son existence et de son résultat...
...
[paragr. 24] Le demandeur s'appuie en outre sur la décision Haghighi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 174 F.T.R. 123 (C.F. 1re inst.), dans laquelle le juge Gibson a infirmé la décision concernant l'existence de raisons d'ordre humanitaire qui était à l'étude. Toutefois, les faits de l'espèce peuvent être distingués des faits de l'affaire Haghighi. Dans cette affaire, le demandeur avait présenté une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire qui avait été transmise par l'agent d'immigration à l'ARRR. En concluant de façon négative son évaluation sur le risque, l'ARRR s'est appuyée sur un rapport de 1997 du Department of State des États-Unis (le rapport de 1997 du DOSS) qui ne figurait pas parmi les documents déposés par le demandeur à l'appui de sa demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire...
[paragr. 25] En l'espèce, contrairement à l'affaire Haghighi, le demandeur a été informé de l'existence et du résultat de l'opinion donnée par l'ARRR, et il a été invité à adresser toutes ses questions concernant le maintien en détention, l'état du renvoi ou l'examen final de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire aux autorités de l'immigration. En outre, en l'espèce, contrairement à l'affaire Haghighi, il n'a pas été allégué que l'ARRR s'était appuyée sur des documents qui n'avaient pas été portés à la connaissance du demandeur pour son examen de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. L'argument fondé sur l'inéquité en l'espèce s'appuie sur l'inclusion de l'opinion sur le risque dans les documents examinés au regard de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Le demandeur était au courant de l'existence de cette opinion et de son résultat, et du fait qu'elle serait prise en compte dans l'évaluation de sa demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Dans les circonstances, il n'y a pas eu d'inéquité dans le processus suivi pour décider de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire.
[nos italiques]
[17] En l'espèce, à la différence de l'arrêt Haghighi, précité, les demandeurs ont été informés de l'existence et du résultat de la décision relative à la DNRSRC. (Dossier du tribunal, page 185)
[18] J'estime que la CI n'a pas commis d'erreur susceptible d'être révisée pour ce qui est de la question touchant « l'obligation d'agir de façon équitable » .
2. La CI a-t-elle commis une erreur de droit parce qu'elle a mal apprécié les faits de l'affaire et en est arrivée à des conclusions qui ne sont pas fondées sur les preuves?
[19] Je ne pense pas que la CI ait commis une erreur susceptible d'être révisée lorsqu'elle a conclu que les demandeurs avaient de la famille en Hongrie. Il s'agissait là d'un facteur important parce qu'il était susceptible de faciliter la réintégration de la famille du demandeur en Hongrie; cet élément ne portait pas nécessairement sur l'aide financière (même si j'ai noté que le demandeur a déclaré dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) que les parents des deux membres du couple étaient à l'aise.) (Dossier du tribunal, page 239)
[20] Quant aux déclarations qu'a faites la CI selon laquelle ils ont bénéficié de prestations d'aide sociale à différentes époques entre 1995 et 2000, j'ai lu son affidavit, en particulier les paragraphes 13 et 14, et estime que le passage suivant concerne directement cette question :
[traduction] ... Le dossier d'immigration permet de constater que des demandes d'aide sociale ont été présentées en 1995, 1997 et 2000 et je me suis fondée sur ces éléments...
Ma décision n'est toutefois pas basée sur le fait que les demandeurs ont reçu des prestations d'aide sociale à quelques reprises. Au contraire, j'ai noté que les demandeurs étaient considérés comme de bons travailleurs et que la famille Jamrich a été en mesure de travailler, avec une autorisation, et de subvenir aux besoins des membres de leur famille au Canada.
[21] Je pense que le commentaire qu'a fait la CI au sujet de l'aide sociale était justifié. Cette question a fait l'objet d'un débat, comme l'indiquent les pages 3 à 11 du contre-interrogatoire sur l'affidavit de Brenda Heal (la CI), mais il ne me semble pas que la décision soit fondée sur la fréquence avec laquelle la famille a bénéficié de prestations de l'aide sociale. Même si j'ai constaté certaines erreurs de fait mineures, aucune d'entre elles ne justifie la Cour à intervenir sur ce point.
3. La CI a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a examiné l'établissement des demandeurs au Canada?
[22] Les paragraphes suivants du Guide de l'immigration : Traitement des demandes au Canada - 5: Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire aborde la notion d' « établissement » au Canada. Ils se lisent ainsi :
5.20 Une étude favorable pourrait être justifiée si le demandeur est au Canada depuis assez longtemps en raison de circonstances échappant à son contrôle. [...] |
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5.20 Positive consideration may be warranted when the applicant has been in Canada for a significant period of time due to circumstances beyond the applicant's control. ... |
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Si la période d'incapacité à partir en raison de circonstances échappant au contrôle du demandeur est de longue durée et lorsqu'il y a preuve d'un degré appréciable d'établissement au Canada, ces facteurs peuvent se conjuguer pour justifier une décision CH favorable. |
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When the period of inability to leave due to circumstances beyond the applicant's control is of significant duration and where there is evidence of a significant degree of establishment in Canada, these factors may combine to warrant a favourable H & C decision. |
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11.2 Le degré d'établissement du demandeur au Canada peut être un facteur dont on doit tenir compte dans certains cas, particulièrement si l'on évalue certains types de cas comme les suivants : · parents/grands-parents non parrainés; · séparation des parents et des enfants (hors de la catégorie du regroupement familial); · membres de la famille de fait; · incapacité prolongée à quitter le Canada aboutissant à l'établissement; · violence familiale; · anciens citoyens canadiens; et · autres cas. |
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11.2 The applicant's degree of establishment in Canada may be a factor to consider in certain situations, particularly when evaluating some case types such as: · parents/grandparents not sponsored; · separation of parents and children (outside the family class); · de facto family members; · prolonged inability to leave Canada has led to establishment; · family violence; · former Canadian citizens; and · other cases. |
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Le degré d'établissement du demandeur au Canada peut supposer certaines questions, par exemple : · Le demandeur a-t-il des antécédents d'emploi stable? · Y a-t-il une constante de saine gestion financière? · Le demandeur s'est-il intégré à la collectivité par une participation aux organisations communautaires, le bénévolat ou d'autres activités? · Le demandeur a-t-il amorcé des études professionnelles, linguistiques ou autres pour témoigner de son intégration à la société canadienne? · Le demandeur et les membres de sa famille ont-ils un bon dossier civil au Canada [...] |
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The degree of the applicant's establishment in Canada may include such questions as: · Does the applicant have a history of stable employment? · Is there a pattern of sound financial management? · Has the applicant integrated into the community through involvement in community organizations, voluntary services or other activities? · Has the applicant undertaken any professional, linguistic or other study that show integration into Canadian society? · Do the applicant and family members have a good civil record in Canada ...
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[23] Dans son affidavit, la CI énonce au paragraphe 14 :
[traduction] ... Mon refus ne vient pas du fait que ces personnes ont reçu des prestations d'aide sociale à certains moments mais que, compte tenu du fait que le processus de traitement des demandes de réfugié dure plusieurs années, il y a lieu de s'attendre à ce que ces personnes aient réussi à s'établir suffisamment dans la collectivité. D'après les documents présentés, je ne peux pas dire que leur degré d'établissement est suffisamment différent ou important pour que l'on puisse dire que la famille Jamrich est mieux établie que toute autre famille qui réside au Canada en attendant que se déroule le processus de détermination du statut de réfugié. Par conséquent, je considère que le fait que ces personnes aient démontré qu'elles avaient réussi à s'établir est un facteur positif mais cet établissement n'a pas atteint un degré tel qu'il permettrait de les exempter de l'obligation de présenter leur demande d'établissement de l'extérieur du Canada.
Cela indique que la CI a évalué les preuves relatives à l'établissement des demandeurs au Canada.
[24] Il demeure que les preuves présentées à la CI étaient fortes et convaincantes. En fait, j'éprouve une certaine difficulté à concilier les conclusions de fait auxquelles est arrivée la CI et sa conclusion finale. Les parents demandeurs ont tous les deux travaillé régulièrement depuis janvier 1996 jusqu'à la date de l'audience, à l'exception de brèves périodes au cours desquelles ils ont reçu de l'aide sociale.
[25] La décision de la CI se lit :
[traduction] ... La demande et les lettres d'appui indiquent que la famille joue un rôle actif au sein de leur église et de la communauté hongroise. J'ai tenu compte des lettres d'appui et de la pétition qui ont été présentées. Toutes les lettres indiquent que les Jamrich sont des travailleurs, des personnes honnêtes et sympathiques mais cela ne constitue pas une raison suffisante pour les exempter de l'obligation de demander un visa d'immigrant de la façon habituelle à l'extérieur du Canada...
[26] Au sujet de l'intérêt des enfants, la CI a écrit :
[traduction] J'ai examiné soigneusement l'intérêt des quatre enfants de M. Jamrich et de Mme Kovari. Les trois enfants aînés sont nés en Hongrie. Ils sont arrivés au Canada à l'âge de 13, 11 et un an; d'après leurs enseignants canadiens, ce sont d'excellents élèves qui travaillent beaucoup et ont une bonne conduite. Les deux filles aînées ont maintenant 19 et 17 ans et la fille aînée a obtenu son diplôme d'études secondaires, la plus jeune se trouvant en 12e année. Les filles ont présenté des lettres datées du mois de janvier 2002 dans lesquelles elles parlent de leur désir de demeurer au Canada et de leurs activités. Elles affirment avoir obtenu des prix d'excellence à plusieurs reprises, elles ont étudié d'autres langues que l'anglais et participent à des activités extrascolaires. Les parents affirment que leur fils de huit ans, Chris, est bien apprécié par ses camarades et obtient d'excellents résultats sur les plans sportif et scolaire. Leur fils canadien a maintenant deux ans et c'est d'après eux un enfant actif, intelligent et en bonne santé. Les lettres d'appui présentées confirment le fait que M. Jamrich et Mme Kovari sont des parents affectueux qui élèvent très bien leurs quatre enfants. Ils ont montré qu'ils ont réussi à bien élever leurs enfants tant en Hongrie qu'au Canada.
[27] Dans Raudales c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. n ° 532 [Raudales], l'agent d'immigration a évalué de la façon suivante le degré d'établissement :
[paragr. 7] ...
Une personne qui se trouve au Canada et qui revendique le statut de réfugié est autorisée à travailler ou étudier, selon le cas, pour qu'elle puisse devenir autosuffisante et s'intégrer dans la collectivité. Comme la revendication du statut de réfugié requiert plusieurs années pour arriver à son terme, on peut croire qu'un certain niveau d'établissement sera atteint durant cette période. Je pense qu'Edwin s'est établi comme l'aurait fait tout étudiant, mais il ne peut justifier d'un niveau appréciable d'établissement. Il n'est pas resté au Canada assez longtemps ni n'a établi dans ce pays des liens assez étroits au point qu'il serait déraisonnable pour lui de retourner au Honduras.
Le juge Dawson a déclaré sur ce point :
[paragr. 18] À mon avis, vu l'ensemble de la preuve dont il disposait, l'agent a tiré une conclusion de fait manifestement déraisonnable lorsqu'il a dit que M. Figueroa Raudales ne s'était pas établi au Canada plus que ne l'aurait fait tout autre élève d'école secondaire. Quand la collectivité donne de l'argent et fournit directement les ressources nécessaires pour subvenir aux frais de subsistance et d'éducation de M. Figueroa Raudales, quand le conseil municipal écrit au ministre de l'Immigration pour soutenir sa demande d'immigration, et quand le directeur et le surintendant d'une école écrivent eux aussi pour soutenir la demande fondée sur des considérations humanitaires, on ne saurait dire que l'établissement de M. Figueroa Raudales dans la collectivité n'est pas significative et ne se distingue pas de celle de tout autre élève. La conclusion tirée va à l'encontre de l'essentiel de la preuve.
[paragr. 19] L'établissement est, d'après les lignes directrices du ministre qui figurent au chapitre 5 du Guide du traitement des demandes au Canada, un facteur à considérer dans l'évaluation d'une demande fondée sur des considérations humanitaires. Sans une bonne évaluation du niveau d'établissement, il était impossible à mon avis, dans le cas présent, de dire si le fait d'obliger M. Figueroa Raudales à demander la résidence permanente depuis l'étranger entraînerait pour lui des difficultés inhabituelles, injustes ou indues.
[28] La présente espèce est semblable à l'affaire Raudales, précitée. La CI possède un très large pouvoir discrétionnaire pour évaluer la demande des demandeurs. Cet examen doit toutefois être fondé sur les éléments de preuve présentés.
[29] J'estime que la CI en est arrivée à une conclusion de fait qui n'est pas raisonnable : les conclusions de la CI selon laquelle « leur degré d'établissement n'est pas supérieur à celui auquel on peut s'attendre à l'égard d'un réfugié qui aurait eu les mêmes possibilités au Canada » et selon laquelle elle n'est pas convaincue que dans leur cas, « leur degré d'établissement est suffisamment différent ou important pour que l'on puisse dire que la famille Jamrich est mieux établie que toute autre famille qui réside au Canada en attendant que se déroule le processus de détermination du statut de réfugié » sont manifestement déraisonnables, compte tenu des circonstances de l'espèce.
4. La CI a-t-elle accordé suffisamment d'importance au bien-être des enfants lorsqu'elle a décidé de refuser la demande présentée par les demandeurs pour que leur demande de résidence permanente soit traitée au Canada?
[30] Compte tenu de la conclusion à laquelle j'en suis arrivé sur la question précédente, il n'est pas nécessaire d'aborder cette question.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la CI datée du 27 août 2002 est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à un autre conseiller en immigration pour nouvelle décision conforme aux présents motifs.
3. Aucune question n'est certifiée.
« Pierre Blais »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4449-02
INTITULÉ : MIHALY JAMRICH ET AL c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE : le 4 juin 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Monsieur le juge Blais
ET ORDONNANCE
DATE DES MOTIFS : le 26 juin 2003
COMPARUTIONS :
Ali Yusuf POUR LES DEMANDEURS
Helen Park POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ali Yusuf POUR LES DEMANDEURS
Avocat
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-ministre de la Justice
Bureau régional de Vancouver