Date : 20030227
Dossier : IMM-1621-02
Référence neutre : 2003 CFPI 249
Toronto (Ontario), le jeudi 27 février 2003
EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE SNIDER
ENTRE :
CHARLOTTE TCHIEGANG
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
Recours
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue le 14 février 2002 par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) et portant que Charlotte Tchiegang (la demanderesse) n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.
Contexte
[2] Selon le Formulaire de renseignements personnels (FRP) de la demanderesse, celle-ci a commencé à s'adonner à des activités politiques lors de la campagne électorale de 1996, pendant laquelle elle a officiellement joint les rangs du parti d'opposition, le Front social-démocrate (FSD). La demanderesse déclare avoir participé activement à cette campagne et continué à prendre part à diverses initiatives du FSD après la tenue de l'élection.
[3] Des manifestations ont eu lieu en janvier 2000, en opposition aux politiques du gouvernement et à la discrimination à l'endroit des provinces anglophones. Le 9 janvier 2000, la demanderesse s'est rendue à Buea avec de nombreux membres du FSD pour participer à une manifestation en faveur de l'indépendance des provinces anglophones du nord-ouest et du sud-ouest. La Gendarmerie Nationale et la police locale ont mis fin à cette manifestation en faisant feu sur la foule; plusieurs personnes ont alors été tuées sur-le-champ ou blessées. La demanderesse déclare dans son FRP qu'on l'a arrêtée et jetée en prison. Elle y a appris plus tard que des dirigeants de l'opposition, comme James Sabum, le juge Ebnong et le chef Ayamba, avaient également été arrêtés le même jour. La demanderesse déclare que, le mois où elle a été en prison, elle a subi des traitements dégradants ou inhumains, de la torture et des sévices sexuels.
[4] Le 22 février 2000, un gardien de prison l'a escortée jusque chez son beau-frère, qui a pris des arrangements en vue de son départ pour le Canada. La demanderesse est arrivée au Canada le 23 février 2000 et, le 25 septembre 2000, elle revendiquait le statut de réfugié au sens de la Convention.
[5] Une semaine après son arrivée au Canada, la demanderesse est tombée malade et elle a dû passer une semaine à l'hôpital. Environ une semaine après avoir quitté l'hôpital, la demanderesse a appris de son médecin qu'elle était séropositive. La demanderesse n'en a pas fait état dans son FRP, estimant qu'il s'agissait là d'une affaire personnelle non pertinente aux fins de sa revendication du statut de réfugié. La demanderesse a déclaré à l'audience que, de porteuse du VIH, elle était devenue atteinte d'un SIDA avéré.
Décision de la Commission
[6] La Commission a jugé la preuve entachée d'incohérences, et a conclu que la demanderesse n'était pas crédible. La Commission n'a pas cru que la demanderesse était, comme elle le prétendait, active au plan politique au Cameroun.
[7] La demanderesse a produit sa carte actuelle de membre du FSD. Elle a toutefois eu du mal à dire le nombre de cartes de membre antérieures qu'elle a eues, et a fait des déclarations incohérentes quant à l'endroit où elle les aurait laissées. Elle a également déclaré que son adhésion au FSD n'était pas la cause de sa présence au Canada, et qu'elle n'estimait donc pas nécessaire de communiquer avec ce parti pour en obtenir une lettre. La Commission a conclu que le refus de demander une telle lettre démontrait l'absence de crédibilité de la demanderesse. Ses connaissances dans le domaine politique, en outre, ne cadraient pas avec le rôle de militante qu'elle a dépeint dans son FRP. La Commission s'attendait à ce qu'elle ait des connaissances détaillées sur les élections si, comme elle le soutenait, elle avait été active au sein du FSD.
[8] La Commission n'a pas cru en la participation de la demanderesse au rassemblement du 9 janvier 2000. La demanderesse n'a pas fourni d'article de journal au sujet de ce rassemblement ou de son issue; la Commission s'attendait à ce que les journaux en fassent écho si un rassemblement de cette envergure avait eu lieu et qu'un bon nombre de personnes avaient été tuées, blessées ou arrêtées. La déclaration de la demanderesse au sujet de l'emprisonnement de dirigeants de l'opposition par suite du rassemblement de Buea était inexacte. Ces dirigeants ont en fait été emprisonnés pour avoir pris part à un rassemblement à Limbe. La Commission a conclu qu'en parlant lors de son témoignage du Conseil national du Cameroun du sud ainsi que du lieu et de l'objet du rassemblement, la demanderesse visait à faire un récit confirmé par la preuve documentaire. La Commission a préféré la preuve documentaire au témoignage de la demanderesse.
[9] La Commission n'a pas cru que la demanderesse avait été emprisonnée pour avoir participé au rassemblement. Même si la demanderesse avait été emprisonnée, il n'y avait pas de preuve crédible et digne de foi suffisante quant au fait qu'elle n'avait pas été officiellement remise en liberté et risquait gravement de ce fait d'être persécutée.
[10] La Commission a jugé qu'il n'y avait pas de preuve crédible et digne de foi suffisante quant au fait qu'il y avait une possibilité sérieuse de persécution de la demanderesse au Cameroun pour un motif prévu à la Convention parce qu'elle est séropositive ou qu'elle est atteinte du SIDA. Aucune preuve documentaire sur le traitement au Cameroun des personnes atteintes de cette maladie n'a été présentée à la Commission. La Commission n'a pas jugé crédible que la demanderesse n'ait pas su avant d'arriver au Canada qu'elle était porteuse du VIH.
Analyse
[11] Pour les motifs qui vont suivre, je suis d'avis que la présente demande devrait être rejetée.
1re question en litige ! Y a-t-il crainte raisonnable de partialité de la Commission à l'endroit de la demanderesse?
[12] La demanderesse prétend que la façon dont la présidente de l'audience l'a traitée pendant l'audience fait se soulever une crainte raisonnable de partialité. Au soutien de sa prétention, la demanderesse cite diverses causes où l'on a jugé qu'un comportement semblable d'un décisionnaire faisait se soulever une telle crainte (se reporter, par ex., à Asante c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. n ° 405 (1re inst.) (QL); Mannikkavasagar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. n ° 1675 (1re inst.) (QL); Saleh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. n ° 745 (1re inst.) (QL)).
[13] Le critère applicable à la crainte raisonnable de partialité a été énoncé par le juge de Grandpré dans Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l'énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, aux pages 394 et 395 :
[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d'appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, le décisionnaire, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste » ?
[...] les motifs de crainte doivent être sérieux et je suis complètement d'accord avec la Cour d'appel fédérale qui refuse d'admettre que le critère doit être celui d' « une personne de nature scrupuleuse ou tatillonne » .
[14] Le seuil est élevé pour pouvoir conclure en la partialité réelle ou apparente (R. c. S.(R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484). La personne qui allègue la partialité, en l'occurrence la demanderesse, a le fardeau d'en faire la preuve. Si, compte tenu du contexte où ils s'inscrivent, les paroles ou le comportement du décisionnaire ne donnent pas lieu à une telle crainte, ses conclusions n'en seront pas viciées, aussi déconcertants qu'ils puissent être (S.(R.D.), précité).
[15] Selon la jurisprudence de notre Cour, l'interrogatoire soutenu et approfondi d'un décisionnaire ne donne pas lieu en soi à une crainte raisonnable de partialité, particulièrement lorsque l'interrogatoire a pour objet de préciser le témoignage du demandeur et de clarifier ses réponses (Hernandez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. n ° 680 (C.A.) (QL); Osuji c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. n ° 539 (1re inst.) (QL); Paramo-Martinez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. n ° 261 (1re inst.) (QL); Elaweremi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1236, [2001] A.C.F. n ° 1691 (QL)). En outre, des efforts consentis par un décisionnaire pour accélérer ou réglementer le processus ne donneront pas nécessairement lieu à une crainte raisonnable de partialité (Hernandez et Paramo-Martinez, précitées). Finalement, « une expression d'impatience ou une perte de sang-froid momentanée » de la part d'un décisionnaire ou d'un tribunal ne donnera généralement pas lieu à une crainte raisonnable de partialité (Paramo-Martinez, précitée, au paragraphe 16; Elaweremi, précitée).
[16] L'examen de la transcription permet de constater que la présidente de l'audience a soumis la demanderesse à un interrogatoire soutenu et approfondi sur diverses questions dont la Commission était saisie. Il ressort manifestement de la transcription que les questions posées par la présidente visaient à préciser et clarifier le témoignage de la demanderesse. Cette dernière était troublée pendant qu'elle témoignait; son témoignage, par conséquent, n'était pas toujours clair. Les questions de la présidente visaient à préciser le témoignage et, de manière générale, à aider la demanderesse à faire un récit exhaustif et cohérent.
[17] La frustration et l'impatience de la présidente ne font aucun doute dans certains passages de la transcription, comme lorsque la demanderesse a été interrogée relativement à ses anciennes cartes de membre et quant au moment où elle a appris qu'elle était porteuse du VIH. En outre, les questions posées au sujet de son permis de travail, de son travail bénévole et de la divulgation de son état de santé manquaient de tact et n'étaient pas pertinentes aux fins de la décision à rendre par la Commission. Quoi qu'il en soit, cela est très loin de permettre de conclure que la présidente avait « un état d'esprit prédisposé de quelque manière à un certain résultat ou fermé sur certaines questions » (R. c. (R.D.), précité au paragraphe 105).
[18] Le seuil permettant de conclure en l'existence d'une crainte de partialité est élevé; l'interrogatoire soutenu et approfondi de la présidente ainsi que son impatience, bien qu'ils soient parfois troublants, n'y satisfait pas.
2e question en litige ! La Commission a-t-elle fait abstraction d'éléments de preuve pertinents et tiré des conclusions non étayées par la preuve lorsqu'elle a apprécié la crédibilité de la demanderesse?
[19] La demanderesse a soutenu que les conclusions défavorables de la Commission quant à sa crédibilité n'étaient pas étayées par la preuve, que les motifs pour lesquels elle ne la croyait pas étaient inappropriés et que l'examen par la Commission de la preuve avait un caractère microscopique (Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. n ° 228 (C.A.) (QL); Armson c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. n ° 800 (C.A.) (QL); Attakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. n ° 444 (C.A.) (QL)).
[20] Il faut faire preuve de beaucoup de retenue à l'endroit des décisions de la Commission fondées sur une conclusion quant à la crédibilité, parce que la Commission a l'avantage d'entendre les témoignages (Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. n ° 732, au paragraphe 4 (C.A.) (QL)). La norme de contrôle applicable à une décision de la Commission en matière de crédibilité est celle de la décision manifestement déraisonnable, ce qui veut dire que les conclusions concernant la crédibilité doivent être étayées par la preuve et ne pas être tirées de manière arbitraire ou sur le fondement de conclusions de fait erronées (Aguebor, précitée; Ahortor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. n ° 705 (1re inst.) (QL); Loi sur la Cour fédérale L.R.C. (1985), ch. F-7, article 18.1). « Le critère du caractère manifestement déraisonnable représente, de toute évidence, une norme de contrôle sévère. » (Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, à la page 963). La Commission peut se fonder uniquement sur des invraisemblances pour tirer une conclusion défavorable concernant la crédibilité (Alizadeh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. n ° 11 (C.A.) (QL);Muthiyansa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 200 CFPI 17, [2001] A.C.F. n ° 162 (QL)). La Commission doit toutefois motiver une telle conclusion en termes clairs et non ambigus (Hilo, précitée).
[21] La Commission a conclu, en se fondant sur des incohérences et des invraisemblances dans le témoignage de la demanderesse, que sa revendication n'était pas crédible. La Commission a motivé cette conclusion en termes clairs et non ambigus. En particulier, le témoignage de la demanderesse manquait d'uniformité en ce qui touchait ses cartes de membre du FSD expirées; son témoignage concernant le rassemblement du 9 janvier 2000 du FSD ne concordait pas avec la preuve documentaire; la demanderesse ne pouvait fournir de détails sur les élections au Cameroun, bien qu'elle ait prétendu être un membre actif du FSD; elle présume ne pas avoir été mise officiellement en liberté, mais n'a jamais tenté de connaître les circonstances entourant son élargissement; elle n'a pas mentionné être porteuse du VIH dans son FRP; elle ne savait pas quand elle avait appris en être porteuse. De plus, aucune preuve documentaire n'a été soumise à la Commission quant au traitement des personnes séropositives au Cameroun.
[22] La transcription d'audience et les autres renseignements figurant au dossier authentique du tribunal attestent de ces incohérences. Dans l'ensemble, la Commission a fait preuve d'une bonne compréhension des questions en jeu et, d'après le dossier, il y avait matière à ce qu'elle tire les conclusions qui ont été les siennes.
[23] Par conséquent, la Commission n'a pas commis d'erreur en tirant ses conclusions défavorables quant à la crédibilité, et sa décision ne peut être infirmée pour ce motif.
3e question en litige ! Y a-t-il eu déni de justice fondamentale à l'endroit de la demanderesse du fait que la Commission n'a pas demandé à l'ACR ou à l'avocate de la demanderesse de chercher des éléments de preuve quant au traitement au Cameroun des personnes séropositives et(ou) atteintes de SIDA?
[24] La demanderesse a soutenu, finalement, que la Commission aurait dû informer la demanderesse et son avocat qu'il leur faudrait présenter une preuve documentaire ou d'expert sur le traitement au Cameroun des personnes séropositives et des personnes atteintes de SIDA. Selon la prétention de la demanderesse, la Commission était tenue de l'informer de la preuve qu'il lui faudrait établir et de lui fournir l'occasion de s'acquitter de ce fardeau; le défaut pour la Commission de ce faire constitue un déni de justice fondamentale (Muliadi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 205 (C.A.); Johal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1987] A.C.F. n ° 918 (1re inst.) (QL)). La demanderesse a ajouté que la négligence éventuelle de son avocat, qui n'a pas cherché à obtenir une telle preuve aussitôt après avoir eu connaissance de la nouvelle question en litige, ne décharge pas la Commission de ses obligations envers elle (Shirwa c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 2 C.F. 51 (C.A.)). La demanderesse a fait référence à un certain nombre de décisions de la Commission où on avait conclu que des revendicateurs du statut de réfugié de divers pays craignaient avec raison d'être persécutés parce qu'ils étaient porteurs du VIH ou atteints de SIDA.
[25] Dans le cadre d'une audience relative à la reconnaissance du statut de réfugié, c'est au demandeur qu'il incombe de soumettre toute l'information requise et pertinente pour établir le bien-fondé de sa revendication. Le demandeur doit toutefois être informé de la preuve qu'il lui faut établir (Muliadi, précitée).
[26] Deux fois pendant l'audience, la présidente s'est dite inquiète de l'absence de preuve documentaire sur les problèmes des personnes séropositives au Cameroun. À mon avis, les déclarations de la présidente suffisaient pour informer la demanderesse de la preuve qu'il lui fallait établir (Muliadi, précitée). La demanderesse devait ensuite fournir à la Commission toute la preuve nécessaire et pertinente. Son défaut de ce faire ne constitue pas une erreur de la Commission sujette à révision.
[27] La demanderesse soutient que c'est la faute de son avocat d'alors si la preuve en cause n'a pas été présentée, et qu'elle ne devrait pas en être pénalisée.
[28] Dans Shirwa, précitée, aux pages 60 et 61, le juge Denault a traité en ces termes de la jurisprudence relative à l'incompétence d'un avocat :
Bien que les affaires susmentionnées portent sur des fautes professionnelles distinctes, il appert que l'incompétence manifestée par un avocat à l'audition d'une demande du statut de réfugié justifie le contrôle judiciaire de la décision du tribunal, en raison de la violation d'un principe de justice naturelle. Les critères applicables à l'examen d'une telle décision ne sont pas clairement établis, mais il est possible de dégager un certain nombre de principes à partir de la jurisprudence précitée. Lorsque le requérant n'a commis aucune faute, mais le manque de diligence de son avocat a pour effet de le priver totalement de son droit d'être entendu, il y a manquement à un principe de justice naturelle, en sorte qu'un contrôle judiciaire est fondé [...]
Dans les autres cas où une audience a lieu, la décision rendue ne peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire que dans des « circonstances extraordinaires » , lorsqu'il y a suffisamment d'éléments de preuve pour établir « l'étendue du problème » et que le contrôle judiciaire a « pour fondement des faits très précis » . Ces restrictions sont essentielles, selon moi, afin de tenir compte des préoccupations exprimées par les juges MacGuigan et Rothstein, selon lesquelles l'insatisfaction d'ordre général ressentie à l'égard de la qualité de la représentation assurée par l'avocat dont le demandeur a, de son propre chef, retenu les services, ne saurait justifier le contrôle judiciaire d'une décision défavorable. Toutefois, lorsque l'incompétence ou la négligence du représentant ressort de la preuve de façon suffisamment claire et précise, elle est en soi préjudiciable au demandeur et elle justifie l'annulation de la décision, même si le tribunal n'a pas agi de mauvaise foi ni omis de faire quoi que ce soit.
[29] À mon avis, les faits d'espèce ne permettent pas de conclure en la négligence de l'avocat d'alors de la demanderesse. Le seuil est élevé pour pouvoir conclure en la négligence de l'avocat; la preuve dans la présente affaire ne satisfait pas au critère énoncé par le juge Denault dans Shirwa. Selon les commentaires de l'avocat d'alors de la demanderesse figurant à la page 175 du dossier authentique du tribunal, celui-ci a cherché une telle preuve documentaire mais n'a rien pu trouver.
[30] Le témoignage de la demanderesse révèle en outre que celle-ci ne craignait pas d'être persécutée en raison de sa maladie; elle craignait plutôt de recevoir des soins médicaux inadéquats et d'être tenue à l'écart de sa famille et de ses amis. La demanderesse a cité un certain nombre de décisions de la Commission portant que des revendicateurs de divers pays craignaient avec raison d'être persécutés parce qu'ils étaient séropositifs ou atteints de SIDA. Toutefois, la décision quant à savoir si une personne est ou non un réfugié au sens de la Convention dépend des faits d'espèce. Par suite, le simple fait que d'autres revendicateurs se sont vus octroyer le statut de réfugié pour des motifs semblables ne suffit pas pour établir qu'il y a lieu d'accorder ce statut au demandeur concerné.
[31] De plus, la crainte d'être privé de soins médicaux adéquants ne constitue pas de la persécution en l'absence d'un lien clair avec un motif prévu à la Convention (Mare c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 450, [2001] A.C.F. n ° 712 (1re inst.) (QL)). La demanderesse n'a présenté à la Commission aucune preuve démontrant qu'elle serait privée de soins médicaux pour un motif énoncé à la Convention. Par conséquent, aucun fondement ne permettait à la Commission d'octroyer pour ce motif le statut de réfugié au sens de la Convention.
[32] La certification d'aucune question n'ayant été proposée, aucune ne sera certifiée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE QUE :
La présente demande de contrôle judiciaire soit annulée. Aucune question de portée générale n'est certifiée.
« Judith A. Snider »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
DOSSIER : IMM-1621-02
INTITULÉ : CHARLOTTE TCHIEGANG
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 25 FÉVRIER 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : MADAME LA JUGE SNIDER
DATE DES MOTIFS ET DE
L'ORDONNANCE : LE JEUDI 27 FÉVRIER 2003
COMPARUTIONS :
Mme Carole S. Dahan Pour la demanderesse
M. Greg G. George Pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Carol S. Dahan Pour la demanderesse
Parkdale Community Legal Services
1266, rue Queen Ouest
Toronto (Ontario)
M6K 1L3
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada Pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20030227
Dossier : IMM-1621-02
ENTRE :
CHARLOTTE TCHIEGANG
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE