Date : 20050811
Dossier : IMM-8968-04
Référence : 2005 CF 1100
Ottawa (Ontario), le 11 août 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN
ENTRE :
MANUEL VERGARA JR.
(alias Manuel Reyes Vergara, Jr.)
LEONARA VERGARA
(alias Leonara Crave Vergara)
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du 5 octobre 2004, dans laquelle elle a conclu que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.
LES FAITS
[2] Les demandeurs sont mari et femme et citoyens des Philippines. Ils craignent que, s’ils sont renvoyés aux Philippines, des groupes rebelles les cibleront et leur porteront préjudice. Le demandeur allègue que, au début des années 90, un groupe rebelle musulman connu sous le nom d’« Abu-Sayaff » a tenté d’extorquer de l’argent de ses parents qui exploitaient un petit dépanneur. En 1992, le demandeur a officieusement porté plainte à la police concernant cette tentative d’extorsion. Il prétend que, l’année suivante, alors qu’il travaillait dans une autre province, des membres du groupe Abu-Sayaff lui ont tiré dessus pour le punir d’avoir signalé l’incident à la police. Il n’y a plus eu d’autres incidents après l’agression armée de 1993. Le demandeur est parti pour le Canada en 2001.
[3] La demanderesse déclare que, en octobre 2000, elle a créé une entreprise de distribution de boissons avec son frère et que, en décembre 2000, son frère a été victime d’extorsion de la part de la Nouvelle armée du peuple, l’élément militaire du Parti communiste philippin, et forcé de lui verser de l’argent. En avril 2002, le groupe Abu-Sayaff a exigé que la demanderesse lui fasse un versement en liquide et l’a avertie de ne pas contacter la police. Elle n’a rien versé aux rebelles. Ce groupe n’a plus rien exigé de la demanderesse par la suite et elle est partie pour le Canada en juillet 2002. Son frère a continué à exploiter l’entreprise aux Philippines jusqu’en 2003. Pendant ce temps, il fournissait à la Nouvelle armée du peuple des boissons gratuites et du matériel de l’entreprise lorsqu’on lui demandait de le faire.
LA DÉCISION
[4] La Commission a conclu qu’aucun des demandeurs ne craignait avec raison d’être persécuté aux Philippines. En ce qui concerne le demandeur, la Commission a signalé que si les membres du groupe Abu-Sayaff avaient voulu s’en prendre à lui, il est probable qu’ils seraient passés à l’action au cours des huit années ayant précédé son départ pour le Canada. En ce qui a trait à la demanderesse, la Commission a rejeté sa demande au motif qu’elle n’avait pas réfuté la présomption relative à la protection de l'État. Elle a signalé que si la Nouvelle armée du peuple et Abu-Sayaff se livrent, en effet, à des actes d’extorsion et de violence, la preuve documentaire montre que le gouvernement des Philippines a le contrôle effectif de son territoire et fait de sérieux efforts pour lutter contre les groupes rebelles.
[5] La Commission a conclu au sujet du demandeur :
_Le tribunal_ admet également que des coups de feu ont été tirés en direction du demandeur d'asile en juillet 1993. Toutefois, selon le tribunal, le demandeur d'asile n’a pas fourni de preuve satisfaisante de l’existence d’un lien entre cet incident survenu à Davao City, une ville située à 10 heures de route du dépanneur de ses parents, et les rebelles et n’a pas réussi à démontrer qu’il ne s’agissait pas d’un acte de violence gratuit. Le tribunal estime que rien ne laisse croire le contraire dans le rapport de police.
Le tribunal observe que le demandeur d'asile a indiqué qu’il n’avait été témoin d’aucun autre incident durant la période de près de huit ans qui s’est écoulée depuis les coups de feu de 1993, jusqu’à son départ pour le Canada en 2001. Le tribunal estime que si le nom du demandeur d'asile figurait véritablement sur une « liste des personnes à abattre » des rebelles, ces derniers auraient essayé de l’aborder de nouveau durant les huit années précédant son départ pour le Canada, ce qu’ils n’ont pas fait.
[6] La Commission a conclu au sujet de la demanderesse :
Le tribunal conclut que la demandeure d'asile aurait reçu un appel téléphonique en avril 200_2_, que les rebelles ne l’ont jamais abordée personnellement et qu’elle n’a jamais signalé aux autorités aucun de ces incidents ni les présumés téléphones de menaces.
Le tribunal conclut que le demandeur d'asile n’a fait aucun effort véritable pour se réclamer de la protection de son pays d’origine avant de demander l’asile à l’étranger.
ANALYSE
[7] La Cour conclut que la Commission avait un motif raisonnable de conclure que le demandeur n’avait pas de raison subjective ou objective raisonnable de craindre d’être persécuté, aux termes de la Convention sur les réfugiés.
[8] La Cour conclut que la décision de la Commission, selon laquelle la demanderesse ne craignait pas avec raison d'être persécutée, est raisonnable au regard de la preuve. Premièrement, le frère de la demanderesse continue de vivre dans un territoire contrôlé par les rebelles sans incident. Deuxièmement, la demanderesse n’a pas cédé aux exigences financières des rebelles et elle n’en a pas subi les conséquences. La Commission a conclu que la demanderesse n’avait reçu qu’un seul coup de téléphone des rebelles et que ceux-ci ne s’étaient plus jamais manifestés par la suite.
[9] Vu la conclusion de la Cour, il n’est pas nécessaire de se pencher sur la question de savoir si l’État assure une protection adéquate dans les régions des Philippines où les groupes rebelles agissent. La Cour convient que certains extraits de la preuve documentaire montrent que le groupe Abu-Sayaff et la Nouvelle armée du peuple contrôlent certaines régions des Philippines, et non pas la police. Cependant, d’autres éléments de preuve montrent que la police, aidée par des militaires des États-Unis, essaie de contrôler les groupes rebelles et communistes. Le fait demeure qu’aucun des demandeurs n’a produit les preuves nécessaires pour étayer une crainte de persécution, subjective ou objective.
[10] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Aucune partie n’a proposé de question de portée générale à certifier. Aucune n’est certifiée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Michael A. Kelen » _______________________________
Juge
Traduction certifiée conforme
François Brunet, LL.B., B.C.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-8968-04
STYLE OF CAUSE: MANUEL VERGARA JR. ET AL
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE : LE 9 AOÛT 2005
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE KELEN
DATE DES MOTIFS : LE 11 AOÛT 2005
COMPARUTIONS :
Belinda Bozinovski POUR LES DEMANDEURS
Bernard Assan POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Belinda Bozinovski
Immigration Assistance Centre
Toronto (Ontario) POUR LES DEMANDEURS
John H. Sims, c.r.
Sous‑procureur général du Canada
Toronto (Ontario) POUR LE DÉFENDEUR