Date : 19980320
Dossier : IMM-1079-97
OTTAWA (ONTARIO), le vendredi 20 mars 1998
EN PRÉSENCE DE : MADAME LE JUGE REED
ENTRE
KIM MUI,
requérant,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
ORDONNANCE
VU l'audition de la présente demande de contrôle judiciaire à Toronto (Ontario), le jeudi 12 mars 1998;
ET POUR les motifs prononcés ce jour;
LA COUR ORDONNE :
que la décision en date du 3 janvier 1997 par laquelle une agente des visas au Consulat général canadien à Détroit a refusé de délivrer un visa d'immigrant à M. Mui soit annulée. Sa demande est renvoyée pour qu'un autre agent des visas procède à un nouvel examen.
B. Reed
Juge
Traduction certifiée conforme
Tan, Trinh-viet
Date : 19980320
Dossier : IMM-1079-97
ENTRE
KIM MUI,
requérant,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande tendant à l'obtention d'une
ordonnance qui annulerait la décision par laquelle une agente des visas a refusé au requérant le droit d'établissement, et en particulier sa décision selon laquelle le requérant n'était pas visé par la définition d'immigrant "autonome".
[2] Il est clair que de l'acrimonie s'est développée entre l'avocat du requérant et l'agente des visas. J'aborderai à la fin des motifs les arguments invoqués concernant deux affidavits dont la recevabilité est contestée.
[3] Le requérant vit et travaille illégalement au Canada en tant que coiffeur depuis quinze ans. Lorsqu'il a au début été évalué par l'agente des visas, elle lui a donné zéro point pour la "préparation professionnelle spécifique" et 4 points pour la "personnalité". Lors de la nouvelle évaluation, à la demande de l'avocat, elle a attribué 11 points pour la "préparation professionnelle spécifique". Elle n'a pas élevé le nombre de points attribués pour la "personnalité". Cette catégorie implique habituellement un examen de la question de savoir si un immigrant éventuel possède des qualités (telle l'ingéniosité) qui fait qu'il est probable qu'il soit en mesure de s'établir au Canada. Le fait pour une personne qui s'y est établie depuis 15 ans de n'avoir pas obtenu les 10 bons points semble vraiment contradictoire.
[4] L'agente des visas a été influencée par le fait que le requérant avait été un immigrant illégal pendant quinze ans. Elle a estimé qu'il pourrait appartenir à la catégorie non admissible visée à l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration. Il s'agit là d'une considération dénuée de pertinence à ce stade du processus d'immigration (Voir King-Sing So c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1995), 93 F.T.R. 154, à la page 155).
[5] Quoi qu'il en soit, même avec les points additionnels pour la "préparation professionnelle spécifique", le requérant n'aurait pas assez de points (70) pour être admissible à l'établissement à moins qu'il n'obtienne les 30 points donnés à quelqu'un qui appartient à la catégorie des immigrants autonomes. Les dispositions réglementaires applicables sont ainsi rédigées :
par. 2(1) "travailleur autonome" s'entend d'un immigrant qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, de façon à créer un emploi pour lui-mme ou à contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada. |
art. 8(4) Lorsqu'un agent des visas apprécie un immigrant qui compte devenir un travailleur autonome au Canada, il doit, outre tout autre point accordé à l'immigrant, lui attribuer 30 points supplémentaires s'il est d'avis que l'immigrant sera en mesure d'exercer sa profession ou d'exploiter son entreprise avec succès au Canada. |
[6] Selon l'argument principal de l'avocat du requérant, vu que ce dernier travaille au Canada depuis 15 ans comme coiffeur, comment peut-il n'avoir pas les qualités d'un membre de la catégorie des immigrants autonomes?
[7] La décision de l'agente des visas reposait sur sa conclusion selon laquelle le requérant n'était pas en mesure d'acheter ou d'établir une entreprise au Canada, et qu'il ne s'attendait pas à être en mesure de le faire pendant plusieurs années. L'agente a affirmé qu'il n'existait pas de preuve qu'il avait des biens, et qu'il lui avait dit qu'il gagnait un [TRADUCTION] "salaire minimum". Elle a noté qu'il avait manifesté l'intention, après son établissement, de prendre des cours de coiffure, d'obtenir un certificat et d'avoir donc un plus grand revenu; il avait dit que peut-être dans quatre ou cinq ans, il pourrait mettre sur pied un salon de coiffure.
[8] L'avocat du requérant note que l'agente des visas disposait de la preuve que, d'après les conditions d'emploi actuelles du requérant, il louait un espace (une chaise) dans un salon de coiffure et retenait, comme rémunération, un pourcentage des sommes qu'il recevait des clients. Le reste de ce qu'il gagnait était remis au propriétaire du salon.
[9] Selon l'avocat, il existe également la preuve que le requérant avait des biens, ce sur quoi l'agente des visas aurait dû se renseigner plutôt que de présumer qu'il n'en avait pas. L'avocat du requérant soutient que, essentiellement, un coiffeur n'a pas besoin d'importantes mises de fonds pour établir une entreprise. Je note également que dans l'affaire Margarosyan c. Canada (M.C.I.) (1996), 37 Imm. L.R. (2d) 53 (C.F.1re inst.), le juge Gibson a décidé qu'un requérant était en droit d'être admis à la catégorie des travailleurs autonomes même si son intention était d'enseigner la danse dans des écoles existantes avant d'ouvrir sa propre école.
[10] J'ai soigneusement examiné les documents versés au dossier. J'ai conclu que la décision devrait être annulée et que la demande du requérant devrait être renvoyée pour qu'un autre agent l'examine de nouveau. Il est clair que en faisant la première appréciation, l'agente des visas s'est laissée fortement influencée par le fait le requérant avait été un immigrant illégal au Canada pendant de si nombreuses années.
[11] Elle a effectivement accusé le requérant d'être allé à Hong Kong pour obtenir un visa américain de visiteur de sorte que les autorités américaines ne pouvaient connaître son statut illégal au Canada. Elle a nié l'avoir fait dans son affidavit, mais le dossier prouve le contraire. En fait, lorsque l'avocat du requérant a écrit au Consulat américain à Hong Kong pour demander un visa de visiteur pour son client, il a révélé le statut illégal du requérant au Canada, et il a demandé des avis sur la question de savoir si la demande devrait être présentée au Consulat américain à Toronto ou au Consulat américain à Hong Kong.
[12] Le processus d'évaluation des points connaît des aspects hautement discrétionnaires, particulièrement lorsqu'il s'agit d'apprécier une personne en tant que "travailleur autonome" éventuel. Je suis persuadée qu'il y a eu une attitude négative de la part de l'agente des visas à l'égard du requérant, attitude née d'un certain nombre de causes, dont l'une était probablement due à la façon excessive dont l'avocat a exprimé ses points de vue. Quoi qu'il en soit, aux fins d'équité, la demande du requérant devrait être renvoyée pour qu'un autre agent la réexamine.
[13] Pour ce qui est des affidavits contestés, je n'ai pas considéré celui d'Imelda On, en date du 19 mai 1997, comme faisant partie du dossier. Il a été déposé comme une partie du dossier de demande, en dehors des délais prescrits. De même, il contient des déclarations préjudiciables et incendiaires. Elles ne sont d'aucune utilité pour le client. Quant à l'affidavit de Priscilla Lee, des parties de cet affidavit ne sont pas pertinentes, il vaudrait mieux qu'une partie de l'affidavit provienne directement de M. Mui puisqu'il en avait personnellement connaissance, et l'affidavit contient bien des ouï-dire. Toutefois, je ne le considère pas comme ayant été radié du dossier. Je ne vais pas non plus le parcourir pour relever les paragraphes qui devraient être radiés et ceux qui doivent rester. Je note seulement que, dans la mesure où je me suis appuyée sur cet affidavit (presque pas du tout), j'ai gardé à l'esprit et appliqué les règles de preuve pertinentes. La plus grande partie de la preuve que j'ai trouvée applicable aux fins de cette décision se trouve dans le dossier lui-même, dans l'affidavit et dans le contre-interrogatoire de l'agente des visas, et non dans l'affidavit de Mme Lee.
[14] Je ne suis pas disposée à accorder des dépens. Les avocats ont demandé des directives semblables à celles données par le juge Rouleau dans l'affaire King-Sing So (supra). Je demande aux autorités compétentes de prendre les mesures nécessaires pour faciliter le réexamen de la demande du requérant, mais je ne suis
pas disposée à le demander sous forme d'une ordonnance.
B. Reed
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 20 mars 1998
Traduction certifiée conforme
Tan, Trinh-viet
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : IMM-1079-97 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : Kim Mui c. MCI |
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario) |
DATE DE L'AUDIENCE : Le 12 mars 1998 |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : le juge Reed
EN DATE DU 20 mars 1998 |
ONT COMPARU :
Timothy E. Leahy pour le requérant |
A. Leena Jaakkimainen pour l'intimé |
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Timothy E. Leahy pour le requérant |
Toronto (Ontario) |
George Thomson |
Sous-procureur général du Canada |
pour l'intimé |