Date : 20041215
Dossier : IMM-3381-04
Référence : 2004 CF 1744
Calgary (Alberta), le mercredi 15 décembre 2004.
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL
ENTRE :
VALVERINE OLIVIA CILBERT
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La décision examinée concerne une demande fondée sur des raisons humanitaires présentée par une mère, la demanderesse, qui ne veut pas être obligée de quitter le Canada parce que son départ causerait un préjudice indu à son enfant, Liam, un enfant autistique né au Canada.
[2] Au moment du dépôt de la demande fondée sur des considérations humanitaires, Liam vivait avec son père. Dans la décision négative qu'elle a rendue, l'agente d'immigration a surtout insisté sur la nature des liens existants entre la demanderesse et Liam. Comme l'indique clairement le passage suivant de la décision, l'agente d'immigration a implicitement conclu que Liam ne subirait pas un préjudice indu du fait du renvoi de sa mère, étant donné que la nature des liens existants entre ces deux personnes n'avait pas été établie :
[traduction] J'ai examiné les difficultés supplémentaires qu'entraînerait cette séparation pour Liam en raison de son trouble autistique. Des preuves indiquant qu'en raison de sa maladie, Liam est particulièrement vulnérable sur le plan affectif ont été présentées. Les experts qui ont fourni leur opinion ont déclaré que les enfants autistiques « ont besoin de stabilité et de continuité » et qu'ils s'épanouissent dans un milieu prévisible et structuré. Pour ce qui est de Liam, les experts ont déclaré qu'il éprouve des difficultés importantes à s'ajuster aux demandes et aux attentes émanant d'autres personnes, de sorte que les changements, les nouvelles habitudes et les personnes avec lesquelles il n'est pas familier lui causent des difficultés affectives » [extrait d'un examen psychologique préparé par Laurie ROBINSON en 1999, au moment où Liam avait quatre ans; il aura neuf ans en août 2004]. De plus, « lorsque l'horaire des visites de la mère de Liam est modifié ou qu'il ne la voit pas aux heures de visite régulières, il devient extrêmement tendu » [déclaration faite en septembre 2003 par Jennifer HAWTHORN, travailleuse de soutien à l'école de Liam]. Lorsque j'ai évalué l'intérêt de l'enfant pour rendre ma décision, j'ai examiné les quelques preuves qui ont été présentées concernant la prévisibilité, la régularité, la structure des visites effectuées par la mère. Si Liam venait tous les mercredis et une fin de semaine sur deux, comme l'accord de garde le précise, sa mère devrait être en mesure de confirmer cet horaire avec certitude. Il paraît préoccupant que la mère d'un enfant autiste ne soit pas en mesure de se souvenir des détails concernant les visites de son fils effectuées selon un calendrier et un horaire déterminés d'avance [À quel moment est-il amené et emmené? Quelle est la durée de ces visites? Quels sont les jours qu'il passe avec elle? Quels sont les jours où il reste coucher?] Si la régularité et la prévisibilité sont des aspects importants de l'environnement stable dont ont besoin les enfants autistes pour s'épanouir, il existe des raisons de s'inquiéter dans la présente affaire.
(Dossier du tribunal, page 12)
[3] Je souscris sans réserve à l'argument suivant du procureur de la demanderesse :
[traduction]
55. L'agente Bissonnette est allée à l'encontre de pratiquement tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés au sujet du préjudice que subirait Liam en cas de séparation d'avec sa mère dans le but de minimiser la gravité de ce préjudice. Tous ceux qui connaissaient Mme Cilbert et Liam, y compris les professionnels de la santé mentale, ont conclu à l'unanimité que malgré les ententes en matière de garde en vigueur actuellement, ces deux personnes sont très proches l'une de l'autre et souffriraient beaucoup en cas de séparation. En outre, aucune des preuves présentées n'indique que l'étroitesse du lien qui les unit ainsi que le préjudice qui résulterait d'une séparation, sont le moindrement liés au temps que ces deux personnes passent ensemble. Le lien existe et le préjudice serait par conséquent très réel, peu importe que ces personnes se voient une fois par jour, une fois par semaine ou une fois par mois.
56. C'est pourquoi la demanderesse soutient que lorsque l'agente a conclu que Liam subirait un préjudice minime, celle-ci a commis une erreur susceptible d'être révisée parce qu'elle n'a pas tenu compte des éléments de preuve qui lui ont été régulièrement présentés et qu'elle a pris une décision contraire à ces preuves.
(Mémoire des arguments de la demanderesse)
[4] Dans sa décision, l'agente d'immigration n'a pas effectué une analyse critique des preuves concernant le préjudice que subirait Liam si sa mère était renvoyée du Canada. En l'absence d'une telle analyse critique, je ne peux conclure que l'agente d'immigration a été réceptive, attentive et sensible à l'intérêt de Liam, attitude, à mon avis, essentielle pour prendre une décision fondée sur des considérations humanitaires, comme celle qui est examinée ici. Par conséquent, je conclus que la décision rendue est viciée par une erreur susceptible d'être révisée.
ORDONNANCE
Pour ces motifs, j'annule la décision de l'agente d'immigration et renvoie l'affaire à un autre agent d'immigration pour nouvelle décision.
« Douglas R. Campbell »
Juge
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3381-04
INTITULÉ : Valverine Olivia Cilbert c.
Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : CALGARY (ALBERTA)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 15 DÉCEMBRE 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS : LE 15 DÉCEMBRE 2004
COMPARUTIONS :
Lorna K. Gladman POUR LA DEMANDERESSE
Camille N. Audain POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lorna K. Gladman
Calgary (Alberta) POUR LA DEMANDERESSE
Morris A. Rosenberg
Sous-procureur général du Canada POUR LE DÉFENDEUR