Date : 20001110
Dossier : IMM-5874-99
Ottawa (Ontario), le 10 novembre 2000
En présence de monsieur le juge Pinard
Entre :
DAGHIGHI SADEGH Morad
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a statué, en date du 3 novembre 1999, que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention est rejetée.
« Yvon Pinard »
JUGE
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
Date : 20001110
Dossier : IMM-5874-99
Entre :
DAGHIGHI SADEGH Morad
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a statué, en date du 3 novembre 1999, que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.
[2] Le demandeur, un citoyen iranien âgé de 30 ans, prétend craindre avec raison d'être persécuté du fait de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social particulier (famille).
[3] Lors de l'audition tenue devant moi, l'avocat du demandeur, qui avait d'abord soutenu que la Commission avait conclu que l'identité familiale n'appartenait pas à la catégorie de l'appartenance à un groupe social particulier et qu'elle avait ainsi commis une erreur, a reconnu que l' « erreur alléguée » tenait simplement à une erreur dans la traduction de l'anglais au français des motifs de la Commission.
[4] Les prétentions du demandeur visent donc la conclusion tirée par la Commission relativement à la crédibilité concernant la catégorie des opinions politiques. Sur ce point, la Commission a relevé plusieurs incohérences et éléments non plausibles dans le témoignage du demandeur, dont voici les plus importants :
Le demandeur n'a pas pu fournir d'énoncé clair et articulé des objectifs, des principes ou des structures des Fedayin, sur le plan national ou local. Il n'a pas pu dire grand chose de plus que le parti luttait pour [Traduction] « la liberté et la liberté d'expression » . Jamais il n'a mentionné le socialisme, la démocratie, la justice sociale ni la paix, qui étaient des objectifs et des principes fondamentaux du parti.
La Commission n'a pas jugé plausible que le demandeur ait entrepris des activités aussi dangereuses que le transport de pamphlets de contrebande sans connaître davantage le parti ou Ibrahim, l'ami de son frère.
La Commission a aussi cité une incohérence dans le témoignage du demandeur concernant les pamphlets qu'il transportait. Il avait dit qu'il n'avait pas vu les pamphlets, puis il a déclaré qu'ils étaient signés par le président des Fedayin. Il a affirmé avoir vu un emblème sur les pamphlets, mais n'a pas pu le décrire. Son témoignage sur cette question ne se tenait pas.
La Commission a jugé invraisemblable que le camion ait été fouillé pendant quatre heures à un point de contrôle régulier et que les policiers aient mis autant de temps à trouver les pamphlets qui se trouvaient dans une boîte, cachée à l'arrière du camion avec d'autres marchandises.
À partir de la preuve documentaire sur les services de sécurité en Iran, la Commission a conclu qu'il était improbable que les policiers, après avoir trouvé les pamphlets, aient permis au demandeur de demeurer en liberté conditionnelle sans procès ni autre interrogatoire de police pendant près de six mois avant qu'il quitte le pays, qu'il leur ait ou non versé un pot-de-vin.
La Commission a aussi jugé improbable que les parents du demandeurs aient été autorisés à quitter et à réintégrer l'Iran légalement peu après que le demandeur a été arrêté et accusé de possession de matériel subversif.
Enfin, tout le compte rendu fait par le demandeur de son travail pour les Fedayin est contredit par la preuve documentaire selon laquelle les Fedayin n'exercent plus d'activités en Iran et les quelques membres des Fedayin qui restent se trouvent en Europe.
[5] La Commission a aussi fait remarquer que le témoignage du demandeur était contredit par les déclarations qu'il a faites aux fonctionnaires de l'Immigration lorsqu'ils l'ont rencontré à son point d'entrée, notamment en ce qui concerne son incertitude relativement à la participation de son frère à l'organisation des Moudjahidin - il n'a pas mentionné la participation de son frère ni la sienne à l'organisation des Fedayin. Il a expliqué cette incohérence en disant qu'il était fatigué et nerveux à ce moment; toutefois, compte tenu de l'importance de ce facteur, il paraît improbable qu'il ait oublié de le mentionner alors.
[6] Après avoir examiné la preuve, je conclus que les incohérences et éléments non plausibles susmentionnés sont généralement bien étayés par la preuve. Par conséquent, je ne puis conclure que le demandeur a réussi a établir que la Commission a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon arbitraire ou abusive ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait (voir l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7). Dans Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315, le juge Décary a décrit, au nom de la Cour d'appel fédérale, la modération dont il faut faire preuve à l'égard d'une conclusion concernant la crédibilité tirée par ce tribunal spécialisé, à la page 316 :
Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à mon avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau..
[7] Étant donné que la perception du tribunal que le demandeur n'est pas un témoin crédible équivaut à conclure qu'il n'existe pas de preuve crédible permettant d'accueillir sa revendication (Sheikh c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 238, à la page 244), l'intervention de la Cour n'est pas justifiée et la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.
« Yvon Pinard » JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
10 novembre 2000
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NUMÉRO DU GREFFE : IMM-5874-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : DAGHIGHI SADEGH MORAD c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : 12 OCTOBRE 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE PINARD
EN DATE DU : 10 NOVEMBRE 2000
ONT COMPARU :
Me STYLIANI MARKAKI POUR LE DEMANDEUR
Me FRANÇOIS JOYAL POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Me STYLIANI MARKAKI POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
Me Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada