Date : 20020612
Dossier : IMM-4539-01
Référence neutre : 2002 CFPI 666
Toronto (Ontario), le mercredi 12 juin 2002
EN PRÉSENCE DE : Monsieur le juge Campbell
ENTRE :
SHIRZAD SHAHAB AHMAD
MOSTAFA AHMAD
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La Cour statue sur une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 31 août 2001 par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SSR) a refusé de reconnaître aux demandeurs le statut de réfugié au sens de la Convention.
[2] Les demandeurs sont des citoyens de l'Iraq qui revendiquent le statut de réfugié au sens de la Convention au motif qu'ils craignent avec raison d'être persécutés du fait de leurs origines ethniques kurdes, de leurs opinions politiques et de leur appartenance à un groupe social déterminé, en l'occurrence la famille de leur père. Les demandeurs craignent d'être persécutés par les autorités irakiennes parce que leur père était membre du parti démocratique du Kurdistan irakien (le PDK). Les demandeurs craignent également d'être persécutés par un autre groupe kurde appelé l'UPK, en raison des luttes entre factions entre ces deux groupes.
[3] Dans son analyse fouillée de la preuve, la SSR a, selon moi, commis dès le départ une erreur de droit qui rend sa décision invalide.
[4] À la page 6 de sa décision, la SSR a en effet tiré les conclusions de droit suivantes :
Le tribunal ne trouve pas raisonnable non plus de croire que l'UPK ait cherché à persécuter les revendicateurs. Selon l'arrêt de la Cour fédérale d'appel dans l'affaire Hilo, la présumée persécution doit être évaluée en fonction de ce qu'une personne raisonnable percevrait si elle était à la place des présumés persécuteurs. Il s'agit non pas d'un test subjectif mais bien d'un test objectif, fondé sur ce que percevrait une personne raisonnable.
[...]
Si l'on applique le test conseillé dans l'arrêt Hilo, qui préconise l'évaluation de la persécution présumée en fonction de ce qu'une personne raisonnable percevrait à la place du présumé persécuteur, il n'existe aucun élément de preuve concluant permettant de croire que les Irakiens considéraient les revendicateurs comme des partisans du PDK.
[5] Il y a lieu de signaler le renvoi suivant que la SSR a fait à l'arrêt Hilo :
Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 15 Imm. L.R. (2d) (C.A.F), à la page 203. La Cour a conclu : [traduction] « il ne s'agit pas seulement de ce que perçoit le revendicateur mais également de ce que perçoivent les persécuteurs potentiels ou de ce qu'ils pourraient raisonnablement percevoir » .
[6] En fait, ainsi que le souligne l'avocat du demandeur, le critère proposé aux pages 202 et 203 de l'arrêt Hilo n'est rien d'autre que l'application par le juge Heald d'un énoncé tiré de l'arrêt Inzuza c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, (1980), 103 D.L.R. (3d) 105 (C.A.F.), dans lequel le juge Kelly déclare, à la page 109 :
[L]e critère fondamental à cet égard ne consiste pas à savoir si la Commission estime que le requérant était engagé dans des activités politiques, mais plutôt si le gouvernement qui dirige le pays dont il déclare être réfugié attribue des activités politiques au requérant.
[7] Ainsi, l'extrait cité dans la note en bas de page n'est pas tiré de l'arrêt Hilo, mais constitue fort probablement une citation de l'interprétation que quelqu'un a donnée de ce précédent. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de différend entre les avocats en l'espèce au sujet de l'interprétation de cet extrait. Les avocats conviennent que l'arrêt Hilo appuie la proposition que la SSR devrait tâcher de juger « en fonction de ce qu'une personne raisonnable percevrait si elle était à la place des présumés persécuteurs » .
[8] Les demandeurs s'inquiètent toutefois de l'ajout que la SSR a fait au critère de la « personne raisonnable » qui examinerait la question du point de vue du persécuteur présumé. Ils soutiennent que cet ajout constitue non seulement une formulation inexacte du droit, mais aussi qu'il a pour effet d'introduire un facteur qui peut influencer le sort de la cause dans laquelle le critère est appliqué.
[9] J'abonde dans le sens des demandeurs et je conclus que la décision à l'examen est entachée d'une erreur de droit.
ORDONNANCE
En conséquence, j'annule la décision de la SSR et je renvoie la présente affaire à une autre formation pour qu'elle rende une nouvelle décision.
« Douglas R. Campbell »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4539-01
INTITULÉ : SHIRZAD SHAHAB AHMAD
et MOSTAFA AHMAD
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE MERCREDI 12 JUIN 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : MONSIEURLE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS : LE MERCREDI 12 JUIN 2002
COMPARUTIONS :
Micheal Crane Pour les demandeurs
Mary Matthews Pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Micheal Crane Pour les demandeurs
166, rue Pearl, bureau 100
Toronto (Ontario)
M5H 1L3
Morris Rosenberg Pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20020612
Dossier : IMM-4539-01
ENTRE :
SHIRZAD SHAHAB AHMAD
et MOSTAFA AHMAD
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE