Date : 20050128
Dossier : IMM-4286-04
Référence : 2005 CF 139
Montréal (Québec), le 28 janvier 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON
ENTRE :
RUKHSANA KHAN
MUHAMMAD KHAN
et
MAHAM KHAN
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Rukhsana Khan, ainsi que ses enfants, demande l'asile au Canada. Mme Khan allègue craindre avec raison d'être persécutée du fait de son appartenance à un groupe social, celui des femmes battues, et qu'elle ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de son pays d'origine, le Pakistan. Elle allègue également qu'elle est une personne à protéger, le tout en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.
[2] Il s'agit du contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié selon laquelle les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.
[3] Le commissaire a fondé sa décision sur des motifs de crédibilité. Les questions de crédibilité sont des questions de fait et la Cour doit faire preuve d'énormément de retenue. En effet, la décision ne peut être annulée à moins qu'elle ne soit manifestement déraisonnable. Comme l'a dit le juge Iacobucci dans Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, à la page 269 :
[...] dès qu'un défaut manifestement déraisonnable a été relevé, il peut être expliqué simplement et facilement, de façon à écarter toute possibilité réelle de douter que la décision est viciée.
[4] Le ministre reconnaît l'existence d'un certain nombre d'erreurs de fait, mais il est allégué que ces erreurs n'étaient pas pertinentes en ce qui concerne la décision rendue.
[5] La demande de Mme Khan se fonde sur deux éléments principaux. Premièrement, elle allègue qu'elle est une femme battue et deuxièmement, elle invoque la garde de ses enfants, particulièrement les deux premiers.
[6] La Commission a dit que Mme Khan n'avait pas donné de détails sur ses voyages à l'étranger dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) et que cette omission, quoique non centrale à la demande, entachait la crédibilité de Mme Khan. Par exemple, Mme Khan avait omis de mentionner les voyages qu'elle avait faits en 1994 et en 1995. Toutefois, puisque ces voyages avaient eu lieu avant son mariage, ils pouvaient difficilement s'avérer pertinents en l'espèce. On lui a également reproché de ne pas avoir mentionné qu'elle était venue au Canada en compagnie de son mari en décembre 2001 et qu'elle était demeurée dans sa chambre d'hôtel pendant une semaine. Ce voyage n'a simplement pas eu lieu. Mme Khan n'était pas au Canada, son mari non plus.
[7] On lui a reproché de ne pas avoir signalé, lors de son arrivée au Canada, le 11 janvier 2003, que son mari avait l'intention de lui enlever ses enfants. Toutefois, l'agent a noté que l'entrevue était incomplète parce Mme Khan était enceinte et qu'elle avait dû être emmenée d'urgence à l'hôpital (où elle a donné naissance à son troisième enfant).
[8] Le commissaire lui a pardonné cette omission, mais l'a réprimandée d'avoir de nouveau omis de mentionner l'enlèvement lorsque l'entrevue a été reprise le 21 janvier. En fait, l'entrevue n'a pas été reprise le 21 janvier ni à toute autre date. La menace d'enlèvement était mentionnée dans le formulaire de renseignements personnels de Mme Khan.
[9] Même si certains éléments de l'affaire sont troublants, il est simplement impossible de comprendre l'observation du ministre selon laquelle les erreurs du commissaire n'étaient pas pertinentes. La Commission a mis en cause la crédibilité de Mme Khan parce que cette dernière avait omis de mentionner une visite à Montréal qui n'avait jamais eu lieu et, en se fondant sur ce que Mme Khan n'avait pas dit à une entrevue qui n'avait pas eu lieu, la Commission a simplement refusé de croire que Mme Khan était convaincue que son mari enlèverait les enfants.
[10] L'avocat de Mme Khan a proposé qu'une question certifiée soit présentée à la Cour d'appel du fait que le premier agent d'immigration qui avait interviewé Mme Khan avait téléphoné à son mari au Pakistan. Dans les circonstances, il n'est pas nécessaire d'examiner cette question et par conséquent, aucune question n'est certifiée.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 19 mars 2004 par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dans les dossiers nos MA3-00320, MA3-00321 et MA3-00322 est accueillie et l'affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.
« Sean Harrington »
Juge
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4286-04
INTITULÉ : RUKHSANA KHAN,
MUHAMMAD KHAN et
MAHAM KHAN
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 26 JANVIER 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 28 JANVIER 2005
COMPARUTIONS :
Michel Le Brun POUR LES DEMANDEURS
Simone Truong POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Michel Le Brun
LaSalle (Québec) POUR LES DEMANDEURS
John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec) POUR LE DÉFENDEUR