Date : 20010717
Dossier : T-119-98
Référence neutre : 2001 CFPI 799
ENTRE
GREGORY H. GUILLOT et
GREGORY H. GUILLOT, accrédité
demandeurs
- et -
ARVIC SEARCH SERVICES INC.
et
ISTEK CORP.
et
ARVIC SEARCH SERVICES LTD.
et
ARVIC SEARCH SERVICES (CALGARY) LTD.
défenderesses
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La Cour est saisie d'une requête en jugement sommaire présentée par le demandeur en vue d'obtenir de la Cour qu'elle lui adjuge pratiquement toutes les conclusions articulées dans sa déclaration. Comme j'en suis arrivé à la conclusion qu'il n'y a pas lieu en l'espèce de rendre un jugement sommaire et que les questions litigieuses soulevées dans l'action ne peuvent être tranchées qu'à l'issue d'un procès, je limiterai au strict minimum mes observations sur la preuve.
[2] Il s'agit d'une action en violation du droit d'auteur. Le demandeur est un avocat spécialisé en marques de commerce qui exerce sa profession aux États-Unis. Il a écrit et publié plusieurs articles sur des questions ayant trait aux marques de commerce. Il a également créé un « site » Internet qui contient une compilation qu'il a préparée d'un certain nombre de « liens » donnant accès à d'autres sites traitant de questions relatives aux marques de commerce.
[3] Le défendeur a lui aussi créé des sites Internet. Le demandeur allègue que ces sites renfermaient et, dans une mesure beaucoup moins grande renferment encore, des documents en grande partie reproduits à partir du site du demandeur. Il reproche au défendeur deux types de violations de son droit d'auteur. En premier lieu, il affirme qu'on trouve sur les sites du défendeur une invitation adressée à quiconque visite le site à obtenir un accès non autorisé à deux articles écrits par le demandeur et à obtenir des copies de ces articles. En second lieu, le demandeur soutient que les sites du défendeur reproduisent de larges extraits de la compilation des liens donnant accès à d'autres sites qu'il a réalisée. [Le demandeur a abandonné lors de l'instruction de la requête une autre prétention suivant laquelle les liens individuels eux-mêmes constituaient des oeuvres sur lesquels il possédait un droit d'auteur qui avait été violé par le défendeur.]
[4] J'en suis arrivé à la conclusion, non sans regret, que je ne suis pas en mesure de trancher de façon acceptable l'une ou l'autre question dans l'état actuel du dossier. Il est admis qu'il y a eu du plagiat et les sommes en litige sont relativement modestes, de sorte que les parties seraient presque certainement toutes les deux perdantes si elles devaient assumer les frais qu'entraînerait la poursuite de l'affaire jusqu'au procès et au jugement. Il serait manifestement plus avantageux pour elles que la question soit jugée dans le cadre d'une requête comme celle-ci. Toutefois, compte tenu de la nature des affidavits qui ont été déposés en preuve, je ne suis pas convaincu qu'il serait juste ou qu'il conviendrait de rendre un jugement définitif sur le fondement de ces affidavits.
[5] Premièrement, en ce qui concerne la présumé plagiat de la compilation de liens du demandeur, les documents que le demandeur a lui-même produits donnent à penser qu'il a consenti aux modifications qui ont été faites aux sites de la défenderesse en février 1997, immédiatement après la plainte officieuse formulée par le demandeur. La preuve du demandeur renferme donc à tout le moins une possible contradiction. Si, après avoir entendu les deux parties et après avoir évalué leur crédibilité respective, la Cour concluait qu'un tel consentement a effectivement été donné, ce fait aurait de toute évidence des répercussions considérables sur le genre de réparation à accorder, voire même sur l'opportunité même d'accorder une réparation.
[6] Subsidiairement, bien qu'il soit acquis aux débats que certaines parties de la compilation de liens soient identiques -- et même qu'il y a eu plagiat --, j'estime qu'il est impossible, vu la preuve versée jusqu'ici au dossier, de déterminer si ces parties sont appréciables sur le plan qualitatif. Toute compilation de documents accessibles au public est nécessairement en grande partie identique à toute autre compilation des mêmes documents. Il n'y a pas de témoignage d'expert démontrant que les compilations du défendeur sont nécessairement ou même probablement fondées sur l'oeuvre du demandeur ou à quel égard celle-ci est originale, dans sa conception, sa présentation ou sa disposition et que le défendeur a plagié cette oeuvre originale.
[7] Pour ce qui est des articles écrits par le demandeur, il est certain, bien sûr, que le défendeur doit à tout le moins les avoir copiés ou reproduits dans la mesure où cela était nécessaire pour les convertir de leur format numérique original dans lequel il les avait reçus en un texte anglais lisible par les humains. L'avocat du demandeur concède toutefois que, dans le cas de tout document publié sous forme numérique sur Internet, il existe une autorisation implicite de le reproduire ou de le copier dans la mesure où cela est nécessaire pour prendre connaissance du document et en faire un usage personnel. Mais il n'y a aucun élément de preuve convaincant qui permette de croire que le défendeur n'a jamais rien fait de plus que ce qu'il était implicitement autorisé à faire et c'est d'ailleurs ce qu'il a soutenu dans son témoignage. Bien que le demandeur puisse réussir au procès à prouver que le défendeur a reproduit son oeuvre, ou a offert de le faire sans d'abord chercher à obtenir une autorisation comme le défendeur jure qu'il avait l'intention de le faire, les éléments de preuve contradictoires sur ce point ne m'ont pas convaincu.
[8] À l'audience, j'ai formulé certaines observations à l'attention des avocats au sujet de l'absence de témoignages d'experts dans le présent dossier. La technologie que suppose la publication de documents sur Internet n'est pas une question qui relève de la connaissance d'office de la Cour. Beaucoup des mots qui sont employés pour désigner ce qui semble se passer à l'écran sont de toute évidence des métaphores et la Cour ne peut présumer que ces mots décrivent avec précision ce qui se passe en réalité. Comme le droit d'auteur est en soi un droit légal - et hautement technique -, il est normal que la Cour reçoivent les éclaircissements qui s'imposent lorsque des méthodes techniques ou non techniques de création, de production, de copie ou de reproduction sont en cause. Les deux parties ont manqué à cet égard et le résultat est fort insatisfaisant.
[9] Je conclus que la requête en jugement sommaire devrait être rejetée. Dans ces conditions, j'ordonnerais que les dépens de la requête suivent le sort du principal. Ainsi que je l'ai déjà dit, il s'agit, à mon sens, d'une affaire dans laquelle il n'y aura pas de gagnant et j'exhorte instamment les parties à faire des efforts sérieux pour trouver une solution extrajudiciaire à leurs différends qui, au fond, ne sont pas insurmontables.
ORDONNANCE
La requête en jugement sommaire est rejetée. Les dépens suivront le sort du principal.
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 17 juillet 2001
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : T-119-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : GREGORY H. GUILLOT et
GREGORY H. GUILLOT, accrédité
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 29 juin 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE par le juge Hugessen
EN DATE DU : 17 juillet 2001
ONT COMPARU
François Guay POUR LES DEMANDEURS
Marc-André Huot
Brian Silver POUR LES DÉFENDERESSES
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Smart & Biggar POUR LES DEMANDEURS
Mason Silver POUR LES DÉFENDERESSES