Date: 20010327
Dossier : IMM-2642-00
Référence neutre: 2001 CFPI 244
ENTRE
XIU LAN GUAN
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE EN CHEF ADJOINT
[1] En dépit de l'argumentation fouillée soumise par l'avocat de la demanderesse, je ne puis conclure que la décision négative rendue par la Section du statut de réfugié par suite de son évaluation de la crédibilité de la demanderesse révèle quelque erreur justifiant l'intervention de la Cour.
[2] Le tribunal formé d'un seul commissaire n'a pas cru la demanderesse relativement à trois points importants. Premièrement, il n'a pas tenu pour authentique l'enregistrement de résidence familiale permanente (hukou), dont la date appert être postérieure de quatre
ans à la fuite de la demanderesse et des membres de sa famille et d'un mois à l'arrivée de la demanderesse elle-même au Canada. Deuxièmement, il n'a pas cru que les autorités gouvernementales ont signifié l'avis relatif à l'amende de 28 000 RMB imposée à la demanderesse en en laissant une copie à un membre de sa famille, quelque quatre ou cinq mois après que la famille a été obligée de quitter la résidence qu'elle occupait. Troisièmement, il trouvait difficile à accepter la version confuse des faits donnée par la demanderesse au sujet de la façon dont elle avait découvert le passeur qui, suivant ses allégations, l'aurait aidée à se rendre au Canada.
[3] J'ai lu attentivement la transcription du témoignage de la demanderesse, et je suis entièrement convaincu qu'il était loisible au tribunal de tirer ces trois conclusions négatives. Le dossier révèle également d'autres contradictions dans la preuve présentée par la demanderesse, dont il est fait mention dans les motifs mais auxquelles le tribunal a, à juste titre, accordé moins d'importance.
[4] En outre, l'appréciation de la crédibilité de la demanderesse aurait peut-être été plus favorable, comme l'a noté le tribunal dans ses motifs, si l'un ou plusieurs des membres de sa famille résidant au Canada, dont sa mère et trois frères et soeurs, avait témoigné pour corroborer ses déclarations. Aucun d'eux n'a comparu comme témoin pour déposer au sujet du nombre d'enfants qu'elle a eus et de ses démêlés avec les autorités gouvernementales en 1990. Il semble que le tribunal ait attaché une certaine importance à ce facteur dans l'appréciation de la preuve présentée par la demanderesse.
[5] L'avocat de la demanderesse a fondé son argumentation principalement sur l'interprétation que le tribunal a faite des documents personnels produits par la demanderesse pour prouver qu'elle avait été stérilisée et frappée d'une amende en mai 1990, après la naissance de son second fils.
[6] Il est vrai que le tribunal a mentionné, dans ses motifs oraux et écrits, que le [TRADUCTION] « certificat d'avortement » n'était pas authentique, alors qu'il aurait fallu parler de « certificat de stérilisation » . Le document en question fait état de la [TRADUCTION] « date de l'avortement, anneau de contraception, stérilisation » , et il faut cocher l'intervention appropriée. Cette mention incorrecte du document ne constitue pas une erreur grave.
[7] La demanderesse a également soutenu que le tribunal avait mal interprété la preuve relative au pays pour conclure que ses documents personnels, en particulier le certificat de stérilisation, n'étaient pas authentiques. L'avocat a appuyé cet argument sur quatre points.
[8] Premièrement, le congé de vingt et un jours mentionné dans le certificat de stérilisation correspond exactement à la période de convalescence prévue par le règlement sur la planification familiale de la province où habitait la demanderesse.
[9] Deuxièmement, un rapport de la Direction des recherches de la CISR (CHN33035.EX) confirme que les certificats de stérilisation sont utilisés pour obtenir les avantages offerts dans le cadre de l'application de la politique chinoise de planification familiale.
[10] Troisièmement, le rapport de la Direction des recherches fait état d'un spécialiste qui mettait en doute l'existence du « certificat d'avortement forcé » . Dans ses motifs, le tribunal a écrit que ce spécialiste n'avait pas entendu parler des « certificats d'avortement » . Le tribunal a commis une erreur en se fondant notamment sur le rapport de la Direction des recherches pour conclure que le certificat n'était pas authentique. Toutefois, un autre rapport soumis en preuve relativement au pays mentionne que de faux documents se rapportant à l'avortement sont illégalement achetés et produits. Bien que le tribunal ait mal interprété le rapport de la Direction des recherches en confondant « certificat d'avortement forcé » et « certificat d'avortement » , ses autres conclusions étayent correctement l'évaluation négative qu'il a faite de la crédibilité de la demanderesse. Son erreur n'en est pas une qui justifie l'intervention de la Cour en l'espèce.
[11] Quatrièmement, le tribunal a douté que la demanderesse ait pu mettre deux enfants au monde sans être inquiétée par les autorités de la planification familiale. Contrairement à ce qu'affirme son avocat, le tribunal a compris que « [c]e n'est qu'après la naissance du deuxième enfant qu'ils [les fonctionnaires de la planification familiale] semblent être intervenus et avoir demandé qu'elle se fasse stériliser et paye une amende » , ainsi qu'il l'a écrit dans ses motifs. Cette conclusion est chronologiquement correcte. Il était loisible au tribunal de prendre ce point en considération dans son évaluation de la crédibilité.
[12] La demanderesse invoque en dernier lieu un argument relatif à la communication de la preuve. Le 27 mars 2000, environ une semaine avant le prononcé des motifs oraux à la fin de l'audition de la revendication, le rapport susmentionné de la Direction des recherches a été mis à jour, et le paragraphe suivant, qu'invoque l'avocat, a été ajouté :
[TRADUCTION]
Le « certificat » de stérilisation, d'avortement et d'installation de DIU est délivré par les hôpitaux ou par les cliniques de planification des naissances pour que les patients bénéficient d'un congé payé, et il est difficile d'en fournir un exemplaire parce qu'il n'existe pas de formulaire normalisé.
[13] Je ne suis pas d'avis que l'omission de la Commission de fournir au tribunal et à la demanderesse le rapport mis à jour avant l'audience constitue une erreur susceptible d'examen. Ce nouvel élément d'information confirme l'existence des certificats de stérilisation et leur délivrance par les cliniques de planification familiale, comme l'indiquait le document invoqué par la demanderesse. Toutefois, comme je l'ai déjà mentionné, le tribunal s'est fondé sur plusieurs autres facteurs pour rejeter le témoignage de la demanderesse, lesquels sont étayés par la transcription et ne concernent pas le certificat de stérilisation.
[14] Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des parties n'a demandé la certification d'une question sérieuse.
« Allan Lutfy »
Juge en chef adjoint
Ottawa (Ontario)
Le 27 mars 2001
Traduction certifiée conforme
Ghislaine Poitras, LL.L.
Date: 20010327
Dossier : IMM-2642-00
OTTAWA (ONTARIO), LE 27 MARS 2001
EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT LUTFY
ENTRE
XIU LAN GUAN
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
ATTENDU la demande de contrôle judiciaire présentée relativement à la décision orale rendue le 4 avril 2000, par laquelle la Section du statut de réfugié a déterminé que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention;
ATTENDU l'examen de l'argumentation écrite soumise par les parties et l'audience tenue le 15 mai 2001 à Vancouver (C.-B.),
LA COUR ORDONNE :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Allan Lutfy »
Juge en chef adjoint
Traduction certifiée conforme
Ghislaine Poitras, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-2642-00
INTITULÉ DE LA CAUSE : XIU LAN GUAN c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 15 mars 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT EN DATE DU 27 MARS 2001
ONT COMPARU :
M. Chris Elgin pour le demandeur
Mme Emilia Pech pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
M. Chris Elgin pour le demandeur
Elgin, Cannon & Associates
Vancouver (C.-B.)
Morris Rosenberg pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada