Date: 20001212
Dossier: IMM-6196-99
ENTRE :
HAZEL FLORENE RAMESSAR
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE BLAIS
FAITS
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agent d'immigration David Schembri a refusé, le 21 octobre 1999, la demande que la demanderesse avait présentée en vue d'obtenir le droit d'établissement depuis le Canada pour des raisons d'ordre humanitaire, conformément au paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration L.R.C. (1985), ch. I-2.
Historique
[2] La demanderesse Hazel Ramessar est une citoyenne de la Guyane âgée de 50 ans. Elle est arrivée au Canada le 7 août 1985 afin d'accompagner sa fille Shaundell à l'hôpital Shriner, à Montréal, pour qu'elle soit traitée pour une fracture à la jambe qui n'avait pas bien guéri.
[3] Au mois de mars 1986, la demanderesse a demandé le statut de réfugié en invoquant le fait qu'elle craignait son mari (qui, dit-elle, la maltraitait lorsqu'ils étaient ensemble en Guyane) et le fait qu'elle craignait d'être persécutée par des personnes qui s'opposaient aux activités politiques de son ex-mari. Le 10 octobre 1982, il a été jugé que sa revendication n'était pas crédible.
[4] Le 19 octobre 1992, une mesure d'expulsion a été prise et un mandat en vue du renvoi de la demanderesse a été délivré le 30 mars 1998.
[5] Conformément au paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, la demanderesse a demandé, au mois de janvier 1999, le droit d'établissement depuis le Canada en invoquant des raisons d'ordre humanitaire.
[6] Le 15 novembre 1999, le CIC a envoyé à la demanderesse une lettre l'informant que son entrevue aurait lieu le 17 décembre 1999. On a également envoyé à la demanderesse un formulaire de demande de renseignements expliquant les renseignements qu'elle devait fournir à l'entrevue. Il importe de noter qu'à la page 3 du formulaire, il était dit ce qui suit : [TRADUCTION] « À l'heure actuelle, vous êtes frappée d'une mesure de renvoi et vous pouvez être détenue. Veuillez vous assurer que vous êtes en mesure de déposer un cautionnement au besoin. »
[7] Le 17 décembre 1999, la demanderesse a eu une entrevue avec l'agent d'immigration David Schembri. Juste après l'entrevue, la demanderesse a été arrêtée par deux agents chargés du renvoi. Elle a été mise en liberté après avoir fourni un cautionnement le 21 décembre 1999.
[8] Le 21 décembre 1999, M. Schembri a avisé l'avocate de la demanderesse que la demande que sa cliente avait présentée en vue d'obtenir le droit d'établissement avait été refusée et que son dossier était transféré au Centre d'exécution du Grand Toronto pour que des dispositions soient prises en vue du renvoi.
[9] La demanderesse a alors présenté une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire le 22 décembre 1999. L'autorisation a été accordée par Monsieur le juge MacKay le 8 septembre 2000, l'audience devant avoir lieu le 7 décembre 2000.
Histoire et situation de la famille
[10] Au moment où elle est arrivée au Canada, la demanderesse avait laissé en Guyane un mari (qui, dit-elle, la maltraitait et d'avec qui elle a divorcé en 1995) et cinq enfants (âgés de dix mois, et de deux, trois et dix ans ainsi qu'un enfant qui est maintenant décédé). Apparemment, son mari prenait en outre part à un mouvement politique et la demanderesse allègue que cela avait pour effet de la mettre en danger en Guyane. La revendication a néanmoins été refusée au mois d'octobre 1992.
[11] La demanderesse a eu, au Canada, deux filles dont M. Ronald Philadelphia était le père : Keisha Philadelphia (âgée de 10 ans) et Dionne Philadelphia (âgée de neuf ans). M. Philadelphia avait initialement affirmé qu'il était encore marié à une certaine Mme Blair, qu'il avait épousée en 1983, et que cela l'empêchait d'épouser la demanderesse. Toutefois, il est par la suite devenu évident qu'il est en fait marié à une autre femme qu'il a épousée en 1993 et qu'il a parrainée en 1997 pour qu'elle vienne au Canada.
[12] La fille canadienne de la demanderesse, Dionne Philadelphia, est atteinte du syndrome de Down et exige des soins spéciaux. La demanderesse est sa principale pourvoyeuse de soins.
[13] À l'heure actuelle, la demanderesse a quatre proches parents et cinq petits-enfants au Canada : ses filles Keisha et Dionne, qui sont citoyennes canadiennes, sa fille Shaundell Ramessar, âgée de vingt-quatre ans (une immigrante illégale), qui a cinq enfants; et son oncle, Ronald Jarard, âgé de 58 ans, qui déclare être citoyen canadien.
LES POINTS LITIGIEUX
[14] La demanderesse affirme :
1. que l'agent d'immigration a fondé sa décision sur des erreurs de fait;
2. que l'agent d'immigration n'a pas respecté les principes d'équité en prenant sa décision puisqu'il s'est fondé sur des considérations non pertinentes, qu'il a omis de tenir compte de considérations pertinentes et qu'il n'a pas donné à la demanderesse la possibilité d'apaiser ses préoccupations;
3. que la décision de l'agent est déraisonnable eu égard aux circonstances de l'affaire.
[15] Le défendeur soulève en outre la question de la crédibilité de la preuve présentée par la demanderesse.
ANALYSE
Erreurs de fait[1]
[16] La demanderesse conteste les conclusions tirées par M. Schembri, selon lesquelles M. Philadelphia avait un rôle important lorsqu'il s'agissait de s'occuper et de subvenir aux besoins de ses filles Keisha et Dionne et qu'[TRADUCTION] « il serait préférable pour les enfants de vivre avec leur père au Canada » .
[17] La demanderesse soutient que M. Philadelphia ne s'est jamais occupé seul de Dionne, qu'il ne peut pas s'occuper de ses filles puisqu'il habite dans un logement d'une chambre à coucher et que son horaire de travail l'empêche de prendre soin des enfants d'une façon adéquate. La demanderesse souligne que M. Schembri n'a pas demandé à M. Philadelphia s'il pouvait s'occuper seul des enfants sans l'aide de la demanderesse.
[18] Le défendeur affirme que la décision de l'agent d'immigration était avec raison fondée sur plusieurs considérations, notamment sur le fait que M. Philadelphia est un père affectueux qui voit régulièrement ses enfants et qui peut s'occuper d'elles; que M. Philadelphia exerce un emploi rémunérateur et qu'il est citoyen canadien; que les soins prodigués au Canada aux enfants qui sont atteints du syndrome de Down sont supérieurs à ceux qui sont offerts en Guyane; que la demanderesse a touché des prestations d'assistance sociale pendant presque tout le temps où elle a été au Canada et qu'elle a déménagé plus de dix fois en dix ans; que pendant deux ans et demi, la demanderesse et ses enfants ont vécu dans des refuges au Canada; et que personne n'a fourni de raisons convaincantes en vue d'expliquer pourquoi M. Philadelphia ne pouvait pas s'occuper des enfants.
[19] Le défendeur déclare que la demanderesse et M. Philadelphia ont présenté des éléments de preuve permettant d'en arriver aux conclusions qui ont été tirées et qu'ils n'ont pas dit que la demanderesse accompagne les enfants lorsqu'elles rendent visite à M. Philadelphia une fin de semaine sur deux.
[20] Nous examinons ici une décision factuelle qui a été prise par l'agent d'immigration. La Cour doit hésiter à intervenir en pareil cas. J'estime que les conclusions de l'agent ne sont pas déraisonnables. La décision de l'agent est conforme à l'avis qu'il a exprimé, à savoir qu'eu égard aux circonstances de l'affaire, il serait préférable que les enfants restent au Canada et que l'on s'occupe d'elles ici plutôt que de retourner en Guyane avec leur mère. Cet avis pourrait être fondé sur une conviction raisonnable, soit que le Canada dispose d'un meilleur filet de sécurité sociale lorsqu'il s'agit de subvenir aux besoins de Dionne et que les enfants entretiennent une relation affectueuse avec leur père, qui a pris soin d'elles par le passé. Selon certains éléments de preuve, le père a noué des liens étroits avec ses filles et il a aidé à s'en occuper, tant sur le plan matériel qu'en tant que parent. Je ne puis donc pas conclure que les conclusions de l'agent sont déraisonnables.
L'équité administrative
[21] La demanderesse soutient que M. Schembri s'est laissé influencer par des considérations non pertinentes en prenant la décision fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Ainsi, l'avocate de la demanderesse affirme que l'agent a inféré que la demanderesse était une mauvaise mère parce que ses enfants et elle avaient déménagé à maintes reprises, qu'elles avaient vécu dans un refuge pendant deux ans et demi et que la demanderesse touchait depuis longtemps des prestations d'assistance sociale, ce qui permettait de conclure que son établissement au Canada était [TRADUCTION] « contestable » . L'agent doutait également que la demanderesse ait pu s'occuper de ses petits-enfants pendant qu'elle habitait dans un refuge. L'avocate de la demanderesse souligne que l'agent aurait dû savoir que la demanderesse ne pouvait pas obtenir un permis de travail après que la demande qu'elle avait présentée en vue d'obtenir le statut de réfugié eut été refusée, ce qui expliquait qu'elle devait habiter dans un refuge.
[22] L'avocate de la demanderesse soutient également que l'agent aurait dû poser des questions additionnelles et que, s'il l'avait fait, il aurait découvert que la fille de la demanderesse, Shaundell, avait également vécu dans le refuge pendant un certain temps et qu'à d'autres moments elle avait amené ses enfants au refuge pour que leur grand-mère en prenne soin.
[23] Le défendeur soutient que tous les facteurs dont l'agent d'immigration a tenu compte étaient des considérations importantes mettant en cause l'intérêt des enfants. Le défendeur affirme que l'agent a soupesé certains facteurs en vue d'apprécier le soin que les enfants recevraient de la demanderesse par rapport à celui qu'elles pourraient recevoir de leur père, si celui-ci en avait la garde. Le défendeur déclare que l'agent a eu raison de faire remarquer que les arguments de la demanderesse étaient souvent vagues et non corroborés et que le fait qu'elle comptait sur des prestations d'assistance sociale est pertinent, en ce qui concerne la question de l'établissement au Canada.
[24] La demanderesse soutient que M. Schembri n'a pas tenu compte de facteurs pertinents en prenant sa décision. L'avocate affirme que l'agent n'a pas apprécié comme il se doit le rôle qu'avait la demanderesse lorsqu'il s'agissait de s'occuper de Keisha et de Dionne et de ses petits-enfants. Elle fait remarquer que la fille de Mme Ramessar, Shaundell, a fait face à une crise (elle avait été violée) et que la demanderesse l'a aidée à prendre soin de ses enfants. L'avocate dit également que la Société d'aide à l'enfance a pris en main les enfants de Shaundell, étant donné que celle-ci est incapable de s'en occuper, et que l'organisme a déclaré que Shaundell sera autorisée à reprendre son jeune fils si la demanderesse continuait à habiter avec elle et à l'aider[2].
[25] Le défendeur déclare qu'il incombe à la demanderesse de démontrer pourquoi son renvoi du Canada causerait des difficultés indues et que la demanderesse ne saurait maintenant déclarer qu'on ne lui a pas demandé de quelle façon elle s'occupait de ses petits-enfants.
[26] La demanderesse affirme que M. Shembri n'a pas demandé de renseignements suffisants au sujet de sa situation et de celle de ses enfants, et qu'il s'est plutôt fondé sur des hypothèses qu'il a lui-même émises au sujet de sa situation.
[27] L'avocate cite l'arrêt Baker et la décision que le juge Campbell a rendue dans l'affaire Park c. MCI, IMM-3675-98, 8 juin 1999 (C.F. 1re inst.) à l'appui de la proposition selon laquelle les lignes directrices du Guide de l'immigration s'appliquent dans des cas comme celui-ci. Les directives figurant en IE-9 prévoient ce qui suit :
[TRADUCTION]
On ne s'attend pas à ce que les agents s'arrêtent à des questions qui n'ont pas été présentées au cours de l'interrogatoire ou des entrevues, mais les agents devraient néanmoins tenter de préciser les raisons d'ordre humanitaire possibles et les considérations d'intérêt public même si elles ne sont pas bien énoncées.
et
Dans d'autres cas, il peut être justifié de se pencher sur la question à cause de la situation personnelle de l'intéressé par rapport aux lois et pratiques qui existent dans leur pays d'origine.
et les directives figurant en IP-5 prévoient ce qui suit :
Informer le demandeur si vous vous fondez sur de l'information fournie par un tiers (source externe) et lui donner la possibilité de présenter des observations.
S'il faut des renseignements supplémentaires, les demander.
[28] La demanderesse soutient également que M. Schembri n'a pas tenu compte des éléments de preuve suivants :
– la déclaration de M. Ron Philadelphia selon laquelle [TRADUCTION] « il serait fort inhumain de la renvoyer de ce pays étant donné que les enfants feraient face à des difficultés indues, qu'elle est une mère bonne et affectueuse envers les enfants [...] » ;
– la déclaration du mois de novembre 1998 de Claire Silva, chargée du cours sur le rôle parental à l'école publique de Shirley Street, qui a déclaré que la demanderesse l'aidait, qu'elle était un bon modèle de comportement pour les autres parents, qu'elle était une mère affectueuse et que tout le monde lui tenait à coeur.
[29] Il est soutenu que M. Schembri a émis des hypothèses sur plusieurs points et qu'il ne s'est pas acquitté de l'obligation qui lui incombait de vérifier ces hypothèses et de permettre à la demanderesse d'y répondre. Il est soutenu que M. Schembri :
– doutait que la demanderesse puisse avoir eu un rôle lorsqu'il s'était agi de s'occuper de ses petits-enfants puisqu'elle avait vécu dans un refuge pendant deux ans et demi (en omettant de se rendre compte que la fille de la demanderesse avait également vécu dans le refuge pendant un certain temps et qu'à d'autres moments elle avait amené les enfants au refuge);
– ne s'était pas renseigné d'une façon adéquate au sujet de la déclaration de la demanderesse selon laquelle elle craignait toujours son ex-mari en lui demandant des renseignements additionnels ou en examinant le dossier du CIC qui renferme le dossier complet de l'interrogatoire sous serment que la demanderesse a subi au sujet de la revendication qu'elle avait présentée en 1987;
– n'avait pas demandé à la demanderesse si elle pouvait obtenir une lettre signée d'offre d'emploi à la place de la lettre non signée (écrite sur du papier sans en-tête) fournie par Mme Bell;
– n'avait pas demandé à la demanderesse de quelle façon elle assurait les besoins éducatifs et psychosociaux de sa fille Dionne.
[30] Le défendeur déclare qu'en pareil cas, il incombe à la demanderesse de prouver que son renvoi du Canada causera des difficultés indues et qu'elle ne peut pas simplement alléguer qu'on ne lui a pas demandé de prouver la chose.
[31] Le défendeur soutient que l'agent se préoccupait de la suffisance de la preuve qui lui avait été fournie. Il déclare en particulier qu'en ce qui concerne l'offre d'emploi, l'agent a fourni des motifs convaincants expliquant pourquoi il y avait accordé peu de poids.
[32] Quant à l'allégation selon laquelle l'agent n'a pas tenu compte du fait que la demanderesse craignait son ex-mari en Guyane, le défendeur déclare que cette crainte n'a pas été invoquée avec vigueur. Il affirme que la demanderesse n'a pas fait de déclaration au sujet des ennemis politiques possibles en Guyane. Fait important, le défendeur signale qu'il a été jugé que la revendication de la demanderesse n'était pas crédible.
[33] En réponse au fait que la demanderesse se fondait sur le Guide de l'immigration, le défendeur cite la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans l'affaire Mohammed c. Canada (MEI), [1989] 2 C.F. 363, où la Cour a statué que la population n'a aucun recours pour assurer leur observation.
[34] À mon avis, la demanderesse invoque certains arguments valables, en particulier en ce qui concerne le rôle qu'elle semble avoir à titre de principale pourvoyeuse de soins de Dionne, ainsi que dans la vie de ses petits-enfants. Toutefois, étant donné le degré élevé de retenue dont il est fait preuve dans les décisions de ce genre et de l'ensemble de l'argumentation, je crois que la décision de l'agent d'immigration est raisonnable.
[35] Il importe de se rappeler qu'il incombait à la demanderesse de prouver à l'agent que son renvoi du Canada causerait des difficultés indues à sa famille. L'agent a tenu compte du niveau de vie qu'avaient les enfants pendant qu'elles vivaient avec leur mère et du fait qu'elles ont ici un père affectueux qui travaille et qui est citoyen canadien. Il peut sembler légèrement exagéré pour l'agent de conclure qu'à l'heure actuelle, le père subvient à presque tous les besoins matériels des enfants, mais la décision n'est pas pour autant déraisonnable. Même si M. Philadelphia ne s'est pas occupé seul des enfants, certains éléments de preuve montrent qu'il est davantage en mesure de fournir un foyer à ses enfants et de s'en occuper que ne l'est la demanderesse.
La demanderesse soutient que la décision de l'agent d'immigration Schembri est déraisonnable.
[36] La demanderesse affirme que, compte tenu de l'arrêt Baker, la norme de contrôle qui s'applique à la décision d'un agent d'immigration qui est saisi d'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable simpliciter. Elle cite les lignes directrices figurant en IE-9 qui s'appliquaient encore au moment où elle a présenté la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Elle fait remarquer que l'on demande aux agents de tenir compte de l'intérêt sociétal, de l'intérêt familial et de la situation de tous les membres de la famille (en mentionnant en particulier les enfants et l'effet que la décision aura pour eux).
[37] Étant donné l'absence d'un besoin pressant de la renvoyer du Canada, la demanderesse soutient, au paragraphe 70 de son exposé additionnel des points d'argument qu'[TRADUCTION] « une fois que l'agent Schembri a conclu que c'était la mère, la demanderesse, qui était la principale pourvoyeuse de soins des enfants et qu'il était préférable pour les enfants de rester au Canada parce que les établissements d'enseignement qui existent ici sont meilleurs pour Dionne, qui est atteinte du syndrome de Down et qui s'épanouit dans sa classe d'enseignement spécial, la seule conclusion raisonnable qu'il pouvait tirer était que la demande devait être accueillie. Il est non seulement déraisonnable, mais aussi cruel et inhumain de soutenir qu'il serait préférable pour les enfants de rester au Canada, tout en étant privés de leur principale pourvoyeuse de soins » .
[38] Le défendeur affirme de nouveau, pour les raisons qu'il a invoquées à l'appui des conclusions factuelles tirées par l'agent, que la décision de ce dernier est raisonnable. Il soutient en outre que la demanderesse n'a pas expliqué pourquoi ses enfants ne pourraient pas rester avec leur père au Canada.
[39] À mon avis, la décision de l'agent est raisonnable. Les demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire visent à permettre aux gens qui sont dans la même situation que la demanderesse de présenter une demande de résidence permanente depuis le Canada. En l'espèce, l'agent a tenu compte de tous les facteurs en cause et a conclu à l'absence de difficultés indues. Les difficultés possibles font partie des difficultés normales auxquelles font face tous ceux qui sont renvoyés du Canada.
[40] La demanderesse peut à son gré laisser les enfants vivre avec leur père au Canada, celui-ci semblant être en mesure de devenir leur principal pourvoyeur de soins. La demanderesse peut également demander à résider en permanence au Canada depuis l'étranger, étant donné qu'aucune décision l'empêchant de le faire n'a été prise.
[41] Même si je crois qu'une enquête plus approfondie aurait peut-être été justifiée en ce qui concerne le rôle que la demanderesse avait lorsqu'il s'agissait de s'occuper de ses petits-enfants et d'aider sa fille Shaundell, en plus du rôle précis qu'avait M. Philadelphia lorsqu'il s'agissait de prendre soin de ses filles (et en particulier de sa fille Dionne), il incombait à la demanderesse de fournir pareils renseignements. La décision de l'agent d'immigration n'est pas déraisonnable eu égard aux circonstances de l'affaire dans leur ensemble.
[42] La demande devrait être rejetée.
[43] La demanderesse a soulevé la question suivante aux fins de la certification :
[TRADUCTION]
La décision de refuser une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire visant à accorder le droit d'établissement à un demandeur qui, comme le reconnaît le décideur, est le principal pourvoyeur de soins à de jeunes enfants, peut-elle être considérée comme raisonnable si le décideur conclut qu'il est préférable, pour les enfants mineurs, de rester au Canada?
[44] À mon avis, la question proposée ne soulève pas une question de portée générale. Cette question ne sera donc pas certifiée.
Pierre Blais
Juge
OTTAWA (ONTARIO),
le 12 décembre 2000.
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : IMM-6196-90
INTITULÉ DE LA CAUSE : HAZEL FLORENE RAMESSAR c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le jeudi 7 décembre 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Blais en date du 13 décembre 2000
ONT COMPARU :
Geraldine Sadoway POUR LA DEMANDERESSE
Kevin Lunney POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Geraldine Sadoway POUR LA DEMANDERESSE
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
[1] Il importe de noter que l'état civil de M. Philadelphia a été remis en question, en ce qui concerne le fait qu'il avait affirmé avoir eu l'intention d'épouser la demanderesse. La demanderesse concède maintenant que M. Philadelphia est de fait marié à une autre femme qu'il a parrainée au mois de juillet 1997 pour qu'elle obtienne le droit d'établissement. Il semble que M. Philadelphia est en outre également encore marié à sa première conjointe, Maureen Blair, qu'il affirme avoir épousée en 1983.
[2] Affidavit de Shaundell Ramessar, p. 100-101 du dossier de la demande.