Date : 20031219
Dossier : T-2079-01
Référence : 2003 CF 1506
Entre :
CHANTAL-ANNICK TREMBLAY
Demanderesse
- et -
SA MAJESTÉ LA REINE
Défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD :
[1] Par sa requête en jugement sommaire, la défenderesse désire faire rejeter l'action de la demanderesse qui recherche un dédommagement monétaire pour les préjudices qu'elle aurait subis suite à la décision alléguée illégale du directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), prise aux termes de l'effet combiné du sous-alinéa 8(1)b)(i) de la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), c. C-23, et de l'alinéa 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), c. F-11, de licencier la demanderesse après que celui-ci lui eut révoqué son habilitation de sécurité nécessaire à l'exercice de ses fonctions.
[2] La défenderesse soutient fondamentalement que cette Cour n'a pas compétence, étant donné que la demanderesse, en procédant par voie d'action, a utilisé la mauvaise procédure pour obtenir le remède recherché, vu les dispositions des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), c. F-7, qui requièrent plutôt de procéder par demande de contrôle judiciaire, après épuisement des recours administratifs.
[3] Pour sa part, la demanderesse plaide qu'elle ne réclame pas l'annulation de la décision de lui retirer son habilitation sécuritaire, car elle ne demande pas la réintégration dans son poste d'agent de renseignement. Par son action, la demanderesse réclame plutôt des dommages « résultant de son congédiement illégal » . Elle précise que de toute façon, il était inutile de demander l'octroi d'une habilitation sécuritaire, car les autorités de la défenderesse avaient déjà conclu qu'elle était inapte, pour des raisons médicales, à reprendre le travail.
[4] Pour réussir sur la présente requête en jugement sommaire, la défenderesse doit convaincre la Cour qu'il n'existe pas de véritable question litigieuse quant à la déclaration dans l'action de la demanderesse (paragraphe 216(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106). Or, la demanderesse a échoué dans sa tentative de rencontrer ce fardeau, et ce, en raison de la jurisprudence suivante :
1. d'abord, dans Kim Lee Gilmour c. Her Majesty the Queen (le 17 novembre 2000), T-1883-95, [2000] A.C.F. no 1880 (QL), une cause impliquant aussi une personne employée par le SCRS, le juge Gibson, au paragraphe 33, s'appuyant sur l'arrêt Sweet et al. c. Canada, un arrêt de la Cour d'appel fédérale, a jugé que c'était la nature du remède recherché qui devait déterminer le choix de la procédure appropriée pour l'obtenir :
[33] In Sweet et al. v. Canada [(1999), 249 N.R. 17], the Federal Court of Appeal determined that where, as here, different sorts of relief are claimed, some of which require institution of proceedings as an action and others as judicial review, the proper course is to determine which relief it makes more sense to decide first, and then to determine whether the procedure taken is the proper one with respect to that relief. On the evidence before the Court and in the light of submissions of counsel, I am satisfied that the principal relief here sought is monetary compensation. . . .
2. subséquemment, dans l'arrêt Zarzour c. Sa Majesté la Reine (le 18 décembre 2000), A-399-99, [2000] A.C.F. no 2070 (QL), la Cour d'appel fédérale, sous la plume du juge Létourneau, indique, aux paragraphes 48 et 49, qu'il faut, en la matière, prendre une approche utilitaire et privilégier la procédure susceptible d'éliminer ou de réparer le préjudice découlant de la décision administrative rendue :
[48] Il faut en la matière, je crois, prendre une approche utilitaire et privilégier la procédure qui permet d'éliminer ou de réparer le préjudice découlant de la décision rendue. . . .
[49] C'est, à bon droit, cette approche pragmatique que le Protonotaire Hargrave a adoptée dans l'affaire Shaw c. Canada (1997), 134 F.T.R. 128. Au paragraphe 23 de sa décision, il écrit :
[23] I do not see that a plaintiff must, in all circumstances, first bring an application for judicial review and only then, if successful, bring an action for damages. All the more so when a declaration would serve no current purpose. Further, this is not a situation in which the procedures the plaintiff employs are alternatives leading to one end: the remedies are very different. Finally, where there are several approaches or procedures a court should impose the least intrusive remedy capable of providing a cure. In summary, I can see no utility in forcing the plaintiff to try to obtain declaratory relief, concerning something that happened over a year ago, in order to then begin a second piece of litigation by which to claim damages.
Malheureusement, il n'existe pas de formule magique applicable aux situations où une multiplicité de recours existe. Chaque cas en est un d'espèce et doit être évalué à son mérite pour déterminer la procédure appropriée.
[5] En l'espèce, donc, compte tenu des allégations de la Déclaration et du contenu des affidavits déposés en preuve, je considère que l'affaire doit aller au procès pour une détermination juste et complète des droits des parties en cause, et ce, tant sur la procédure que sur le fond.
[6] En conséquence, la requête en jugement sommaire est rejetée, avec dépens.
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 19 décembre 2003
COUR FÉDÉRALE
NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2079-01
INTITULÉ : CHANTAL-ANNICK TREMBLAY c. SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 15 décembre 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE : L'honorable juge Pinard
EN DATE DU : 19 décembre 2003
ONT COMPARU :
Me Jacques Béland POUR LA DEMANDERESSE
Me Raymond Piché
Me Chantal Labonté POUR LA DÉFENDERESSE
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Béland, Lacoursière POUR LA DEMANDERESSE
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LA DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)