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Date : 19980922


Dossier : T-1045-98

ENTRE

     GUNTHER R. MUNZEL,

     demandeur,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE RICHARD

[1]      Il s"agit de l"appel interjeté par le demandeur contre la décision du 17 août 1998 du protonotaire John A. Hargrave qui radiait la déclaration en l"espèce au motif que le demandeur, Gunther R. Munzel, n"avait pas la qualité pour instituer l"action. La déclaration a été radiée sans que la permission de la modifier ne soit accordée.

[2]      Le demandeur, qui se représente lui-même, demande la prorogation du délai d"appel, vu son omission de se conformer à l"article 51 des Règles de la Cour fédérale (1998) . Cet article prévoit que l"avis de la requête pour porter en appel l"ordonnance d"un protonotaire doit être signifié dans les 10 jours suivant la date de l"ordonnance visée par l"appel. En l"espèce, l"ordonnance a été rendue le 17 août 1998 et l"avis de requête a été signifié le 16 septembre 1998.

[3]      L"article 56 des Règles permet à la Cour d"exempter une partie de l"application d"une règle. La partie qui présente une requête à cet effet doit démontrer l"existence de circonstances exceptionnelles justifiant une ordonnance en ce sens.

[4]      Le demandeur affirme qu"une prorogation de délai doit lui être accordée vu :

         a)      qu"avant le 11 septembre dernier, il ne connaissait pas l"existence du délai prescrit par l"alinéa 51(2)a) des Règles;
         b)      sa méconnaissance des termes et du langage juridiques, et des procédures;                 
         c)      la recherche nécessaire pour établir des motifs solides au soutien de sa requête;         
         d)      qu"il ne s"est pas vu accorder un délai suffisant pour formuler une réponse à la requête en radiation de sa déclaration présentée par la défenderesse et que celle-ci a l"obligation de démontrer à la Cour qu"il a reçu cette requête dans le délai prescrit;                 

[5]      Pour ce qui est de l"alinéa d), le demandeur n"a pas demandé l"ajournement de l"audition devant le protonotaire et il a fait des observations qui sont mentionnées par ce dernier.

[6]      Le demandeur a plaidé l"appel au fond à l"audition puisque j"avais entendu sous réserve sa requête en prorogation de délai.

[7]      Vu les circonstances de la présente affaire, je suis d"avis de régler la question en accordant au demandeur la prorogation du délai et en rejetant l"appel au fond.

[8]      Comme l"a mentionné le protonotaire dans les motifs joints à l"ordonnance radiant la déclaration :

                 [2] Bien qu"assez difficile à suivre, la déclaration de M. Munzel se veut une présentation de son point de vue portant que la Loi de l"impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), et la Loi sur les normes des prestations de pension, L.R.C. (1985), ch. P-7, permettent aux employeurs non seulement de s"abstenir de cotiser à la caisse de retraite, mais aussi de récupérer à même les caisses de retraite les sommes que les calculs actuariels désignent comme excédentaires. À son avis, de telles pratiques sont abusives et inconstitutionnelles. Il s"inquiète du fait que des prévisions actuarielles erronées pourraient mener à un déficit dans les caisses de retraite. Dans sa déclaration, le demandeur présente certains exemples et une jurisprudence abondante. Dans ce contexte, il fait état de son intérêt pour ces questions en tant que personne qui reçoit une retraite d"une banque à charte. Il ajoute toutefois qu"étant donné son âge et son état de santé, il est peu probable qu"il tire un avantage personnel d"une décision favorable. Il a toutefois ajouté, dans ses plaidoiries orales, que son épouse pourrait être touchée.                 

[9]      En tranchant la requête en radiation présentée par la défenderesse, le protonotaire a exposé correctement le critère à suivre et l"a appliqué à la lumière des renseignements qu"il avait lors de l"audition. De plus, les conclusions de fait du protonotaire ne sont pas contestées par le demandeur.

[10]      Le protonotaire a appliqué le critère en trois étapes permettant d"établir la qualité pour agir dans l"intérêt public qu"a énoncé le juge Cory dans l"arrêt Conseil canadien des Églises c. Canada , [1992] 1 R.C.S. 236, à la page 253 :

                 On a vu qu"il faut tenir compte de trois aspects lorsqu"il s"agit de déterminer s"il y a lieu de reconnaître l"intérêt pour agir dans l"intérêt public. Premièrement, la question de l"invalidité de la loi en question se pose-t-elle sérieusement? Deuxièmement, a-t-on démontré que le demandeur est directement touché par la loi ou qu"il a un intérêt véritable quant à sa validité? Troisièmement, y a-t-il une autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour?                 

[11]      Abordant la première étape du critère, le protonotaire a conclu :

                 [9] En l"espèce, M. Munzel croit avoir décelé une injustice qui aurait pour résultat le sous-financement de certaines caisses de retraite. Il croit que son point de vue est justifié par une analyse du financement des retraites ainsi que du droit en vigueur. Toutefois, je ne suis pas d"avis que la déclaration de M. Munzel soulève quelque question importante quant à la validité de la législation sur les retraites. Ce dont il est question ici, c"est plutôt du dégoût que M. Munzel ressent face à la législation en cause et à la latitude qu"il croit qu"elle accorde aux employeurs.                 

[12]      Abordant la deuxième étape du critère, le protonotaire a conclu :

                 [10] Il ressort de la déclaration que M. Munzel est une personne âgée à la retraite qui reçoit, probablement en vertu d"un régime qui est réglementé par la Loi sur les normes des prestations de pension , des prestations de retraite d"une banque non identifiée. La complication en l"instance vient du fait que M. Munzel ne dit pas être personnellement touché par le manque à contribuer de l"employeur ou par la récupération par l"employeur des sommes excédentaires d"une caisse de retraite. Il affirme même que [TRADUCTION] " ... il est peu probable que le demandeur puisse profiter de l"introduction des changements dont il est question dans la présente déclaration ... " mais que l"action entreprise est [TRADUCTION] " ... au bénéfice de ceux qui pourraient difficilement défendre leurs droits et privilèges ou qui n"en ont pas les moyens ... " (paragraphe 12 de la déclaration).                 
                 [11] Dans sa déclaration, le demandeur ne démontre pas qu"il a un intérêt véritable. De plus, il n"y a aucune raison de croire qu"il n"y a pas d"autres personnes ayant un intérêt véritable qui pourraient présenter une demande similaire.                 

[13]      Enfin, abordant la troisième étape du critère, le protonotaire a conclu :

                 [12] On peut démontrer de deux façons qu"il y a au moins quelques autres personnes qui ont un intérêt véritable et qui peuvent avoir été directement touchées par la législation contestée. Premièrement, M. Munzel admet que bien qu"il ne soit pas directement touché et qu"il ne le sera pas dans l"avenir, il n"en va pas de même pour son épouse, qui est plus jeune. Deuxièmement, les tribunaux ont déjà été saisis de questions relatives aux régimes de retraite, notamment en ce qui concerne les périodes d"exonération de cotisations et la législation habilitante. D"ailleurs, M. Munzel renvoie à plusieurs affaires similaires dans sa déclaration, sans toutefois donner des références précises. L"avocate de la défenderesse renvoie à plusieurs affaires similaires, notamment Schmidt c. Air Products of Canada Ltd. [1994] 8 W.W.R. 305; [1994] 2 R.C.S. 611, portant sur la disposition de sommes excédentaires à la liquidation de deux régimes de retraite privés; Hockin v. Bank of British Columbia (1990), 46 B.C.L.R. (2d) 382 (C.A.B.-C.), portant sur le retrait de sommes excédentaires d"une caisse de retraite; et C.U.P.E. - C.L.C. Local 1000 v. Ontario Hydro (1989), 58 D.L.R. (4th) 552 (C.A. Ont.), autorisation de pourvoi                 
                 devant la Cour suprême du Canada refusée (1989), 104 N.R. 320, portant sur une période d"exonération de cotisations. Malgré le fait que M. Munzel adopte une attitude méritoire en cherchant à obtenir une réparation au nom d"autres personnes qu"il dit ne pas pouvoir se défendre elles-mêmes, aucune preuve n"établit que les personnes ayant qualité ne peuvent présenter leur propre cause devant les tribunaux. En fait, c"est le contraire qui est vrai.                 

[14]      La décision du protonotaire n"est pas clairement erronée, n"étant pas fondée sur un principe erroné ou sur une mauvaise interprétation des faits.

[15]      Dans la mesure où la décision du protonotaire implique l"exercice d"un pouvoir discrétionnaire, celui-ci a été exercé à bon droit, de sorte que je confirme la décision.

[16]      La requête du demandeur en prorogation du délai d"appel est accueillie et l"appel au fond est rejeté.

                                  " J. Richard "

                                 Juge en chef adjoint

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 22 septembre 1998

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DATE DE L"AUDIENCE :      le 21 septembre 1998

NO DU GREFFE :              T-1045-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      GUNTHER R. MUNZEL

                     c.
                     SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L"AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE EN CHEF ADJOINT RICHARD

en date du 22 septembre 1998

COMPARUTIONS :

     Mr. Gunther R. Munzel          se représentant lui-même

     Mme Adrienne Mahaffey          pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     M. Gunther R. Munzel          se représentant lui-même
     Morris Rosenberg              pour la défenderesse

     Sous-procureur général

     du Canada


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