Date : 20020405
Dossier : IMM-1302-02
Référence neutre : 2002 CFPI 379
OTTAWA (ONTARIO), LE 5 AVRIL 2002
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE
ENTRE :
OMAR ALBERTO GOMEZ
HERMINA ARIAS
LUZ STELLA ARIAS
MARIANA GOMEZ
MARIA NATALIA ARIAS
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE O'KEEFE
[1] Il s'agit d'une requête que les demandeurs ont présentée en vue d'obtenir une ordonnance sursoyant à leur expulsion, qui doit avoir lieu le 8 avril 2002, en attendant qu'une décision définitive soit rendue au sujet de la demande d'autorisation ou de la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision qui a été prise à leur égard, en tant que demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (les DNRSRC).
[2] Le demandeur, Omar Alberto Gomez (M. Gomez), ainsi que sa conjointe, Luz Stella Arias, sa belle-mère, Hermina Arias, sa fille, Mariana Gomez, et sa belle-fille, Maria Natalia Arias, sont tous des citoyens colombiens. Ils sont arrivés au Canada le 20 juin 2000 et ont revendiqué le statut de réfugié; la demande a été rejetée au mois de novembre 2001.
[3] Les demandeurs ont présenté une demande à titre de DNRSRC, laquelle a été rejetée le 13 mars 2002.
[4] Les demandeurs ont présenté une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision relative aux DNRSRC.
[5] Les demandeurs doivent être renvoyés en Colombie le 8 avril 2002.
[6] M. Gomez possédait un autobus en Colombie. Il affirme que des extorqueurs lui demandaient de l'argent. Les extorqueurs ont menacé d'enlever ses filles et ont proféré à son endroit des menaces de mort s'il ne versait pas les sommes exigées.
[7] M. Gomez et sa conjointe travaillent à plein temps depuis qu'ils ont obtenu leurs permis de travail.
[8] Les deux enfants vont maintenant à l'école.
[9] Les demandeurs affirment craindre de retourner en Colombie; en effet, ils craignent des représailles de la part des extorqueurs parce que les paiements n'ont pas été effectués.
[10] Les extorqueurs en cause ont fortement conseillé à M. Gomez de ne pas s'adresser à la police parce qu'ils s'en rendraient compte et que M. Gomez en subirait les conséquences.
Point litigieux
[11] Une ordonnance devrait-elle être rendue en vue de surseoir au renvoi?
Analyse et décision
[12] Il est maintenant reconnu que l'argent chargé du renvoi a un certain pouvoir discrétionnaire et peut, dans certains cas, surseoir au renvoi (voir Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2001] A.C.F. no 295 (C.F. 1re inst.)).
[13] Afin d'obtenir un sursis, les demandeurs doivent satisfaire aux exigences énoncées dans la décision Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), page 305 :
Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire et énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396. [Note de bas de page 3 jointe au jugement]. Ainsi, que l'a déclaré le juge d'appel Kerans dans l'affaire Black précitée :
[TRADUCTION] Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance.
Les demandeurs doivent satisfaire aux trois volets du critère.
[14] L'existence d'une question sérieuse
J'ai examiné les documents qui ont été déposés dans cette requête et je suis d'avis qu'ils soulèvent des questions sérieuses. Il s'agit notamment de savoir si la décision de l'agent chargé de la révision des revendications refusées (l'ARRR) était raisonnable compte tenu de la preuve dans son ensemble, y compris la preuve documentaire. Il s'agit en outre de savoir si l'ARRR a tiré une conclusion au sujet de la crédibilité et, dans l'affirmative, si la conclusion a été tirée d'une façon appropriée.
[15] L'existence d'un préjudice irréparable
Selon la preuve, les demandeurs craignent de graves représailles de la part des extorqueurs en Colombie puisque les sommes exigées n'ont pas été payées. De plus, le dossier montre que les demandeurs craignent d'être enlevés ou d'être tués par le groupe paramilitaire en cause. Je conclus, en me fondant sur ces faits, que les demandeurs subiraient un préjudice irréparable s'ils retournaient en Colombie.
[16] La prépondérance des inconvénients
Le ministre est tenu d'appliquer les dispositions de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985) ch. I-2, mais il pourra s'acquitter de cette obligation dès que les procédures de contrôle judiciaire auront pris fin si les demandeurs n'ont pas gain de cause. Je note également que les demandeurs ne présentent aucun danger pour le public.
[17] Il est par les présentes sursis à la mesure de renvoi (l'expulsion) qui a été prise contre les demandeurs, en attendant qu'une décision définitive soit rendue au sujet de la demande d'autorisation ou de la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision relative aux DNRSRC.
ORDONNANCE
[18] LA COUR ORDONNE : Il est par les présentes sursis à la mesure de renvoi (l'expulsion) qui a été prise contre les demandeurs en attendant qu'une décision définitive soit rendue au sujet de la demande d'autorisation ou de la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision relative aux DNRSRC.
« John A. O'Keefe »
JUGE
OTTAWA (ONTARIO),
le 5 avril 2002.
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1302-02
INTITULÉ : OMAR ALBERTO GOMEZ ET AUTRES
c.
MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 25 mars 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : Monsieur le juge O'Keefe
DATE DES MOTIFS : le 5 avril 2002
COMPARUTIONS :
M. Lorne Waldman POUR LES DEMANDEURS
Mme Jillian Siskind POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jackman, Waldman et associés POUR LES DEMANDEURS
Toronto (Ontario)
M. Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada