Date : 20010112
Dossier : IMM-2706-99
Entre :
BI ZONG
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE O'KEEFE
ACTES DE PROCÉDURE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, de la décision de M. Gregory Chubak, vice-consul et agent des visas, en date du 7 mai 1999, dans laquelle il a refusé à la demanderesse sa demande de résidence permanente dans la catégorie des immigrants indépendants.
[2] La demanderesse réclame une ordonnance de certiorari pour infirmer la décision précitée; une ordonnance en vue d'obtenir un bref de mandamus ordonnant au défendeur de traiter sa demande de résidence permanente conformément au droit et à la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi); une ordonnance déclaratoire pour que sa demande de résidence permanente soit traitée dans les 90 jours suivant le prononcé de l'ordonnance; ses frais dans la présente instance; et tout autre redressement que la Cour estime approprié.
CONTEXTE
[3] La demanderesse, Bi Zong (la demanderesse) est citoyenne de la République populaire de Chine et a présenté une demande de résidence permanente au Canada en août 1996. Dans cette demande, elle a indiqué qu'elle comptait exercer la profession de « secrétaire de direction » . Elle a été convoquée en entrevue par l'agent des visas à Hong Kong le 7 mai 1999 et, dans une lettre datée du même jour, sa demande de résidence permanente a été refusée. La lettre de refus indique en partie ce qui suit :
[TRADUCTION]
J'ai évalué vos compétences pour la profession de secrétaire de direction en fonction des exigences de la CCDP. Toutefois, d'après la description de votre expérience et de votre formation, il a été déterminé que vous n'avez pas les qualités requises pour exercer cette profession au Canada.
Je vous ai évaluée dans la profession de commis d'administration, pour laquelle vous avez obtenu les points d'appréciation suivants :
Âge 10
Demande dans la profession 00
Préparation professionnelle spécifique 05
Expérience 04
Emploi réservé 00
Facteur démographique 08
Études 10
Anglais 09
Français 00
Personnalité 07
Total 53
Le paragraphe 11(2) du Règlement stipule que l'agent des visas ne doit pas délivrer de visa à un immigrant, si celui n'obtient pas au moins un point d'appréciation au titre de la demande dans la profession. Malheureusement, la demande au titre de cette profession au moment de votre demande était nulle, et l'est encore à l'heure actuelle. J'estime que les points d'appréciation qui vous ont été attribués reflètent avec exactitude votre capacité de vous établir avec succès au Canada.
J'ai également évalué votre demande pour la profession de commis de bureau, pour laquelle vous avez des compétences et de l'expérience. Toutefois, la demande pour cette profession au moment de votre demande était nulle, et elle l'est toujours.
[...]
Votre demande ne mentionne aucune autre profession pour laquelle vous avez les compétences et l'expérience voulues, et qui m'aurait permis d'accueillir votre demande.
J'ai en outre évalué votre demande en vertu de la Classification nationale des professions (CNP), mais j'ai le regret de vous informer que le nombre total des points d'appréciation est également insuffisant pour me permettre d'approuver votre demande.
ARGUMENTS DE LA DEMANDERESSE
Questions en litige
[4] La demanderesse énonce de la manière suivante les questions en litige dans son exposé des faits et du droit :
1. L'agent des visas a-t-il commis une erreur de fait et de droit :
(1) En évaluant la demanderesse à titre de commis d'administration alors qu'elle avait les qualités et l'expérience pour exercer la profession de secrétaire de direction ?
La demanderesse soutient que la CCDP publiée par le ministre des Approvisionnements et Services Canada en 1989, définit la profession de secrétaire de direction (4111-111), à la page 76, de la façon suivante :
Remplit des fonctions administratives et de secrétaire de direction :
Exécute des tâches analogues à celles qui sont énoncées sous le titre 4111-110 SECRÉTAIRE (bureau), en mettant à profit son expérience de secrétaire et ses connaissances en administration et en relations publiques. Organise des conférences et des réunions, et s'occupe de trouver et de compiler l'information nécessaire à l'employeur. Traite des affaires courantes lorsque l'employeur est absent. Peut accomplir d'autres tâches connexes et notamment surveiller des employés de bureau.
La demanderesse prétend que les conditions de formation et d'accès à la profession de secrétaire de direction sont les suivantes :
[TRADUCTION]
Le requérant possède également de 10 à 12 ans de formation générale et de trois à six mois d'études dans une école commerciale ou a suivi un cours commercial d'un an dans une école secondaire.
[5] La demanderesse décrit son expérience de travail dans les termes suivants :
[TRADUCTION]
Juillet 1985 à août 1988 : secrétaire chez Nanjing WuFeng Industrial Co. Ltd. L'emploi consistait, notamment, à faire la liaison entre les cadres supérieurs et inférieurs ou entre l'intérieur et l'extérieur, fonction assumée par une secrétaire de direction, mais non par une secrétaire administrative ordinaire.
Juillet 1991 à mars 1994 : secrétaire de direction chez Purina Nanjing Feed-mill Company Ltd. Les fonctions comportaient, notamment, la préparation d'horaires, la collecte et la compilation de renseignements pour le compte de l'employeur.
Mars 1994 à mars 1995 : secrétaire de direction chez Nanjing Decoration Engineering Co., poste dans lequel elle « secondait les gestionnaires dans l'adaptation de chaque équipe technique et où elle rendait compte au gestionnaire des progrès de chaque programme en cours et de la situation financière. [...] Elle secondait le gestionnaire pour l'établissement des plans de travail pour le Deuxième Service. Elle donnait des instructions au sujet de différentes réunions et activités [...] » Les fonctions de la requérante consistant à « seconder les gestionnaires dans l'adaptation de chaque équipe technique [...] et à établir les plans de travail [...] » portaient sur des questions courantes touchant les activités quotidiennes de l'organisation. Sa fonction consistant à « donner des instructions au sujet de différentes réunions et activités » consistait à surveiller des employés de bureau.
Avril 1995 à la date de l'entrevue : secrétaire de direction chez Shen Zhen Hin Dida Electronic Co. Ltd. Les fonctions de la demanderesse incluaient : « prendre les dispositions nécessaires en vue [...] des conférences et des activités de la compagnie [...] prendre les arrangements pour la tenue de réunions de négociations avec des hommes d'affaires étrangers [...] monter des expositions [...] régler les affaires courantes touchant les activités quotidiennes de l'entreprise [...] »
[6] La requérante prétend qu'en contre-interrogatoire et au cours du réinterrogatoire, l'agent des visas a déclaré qu'il était persuadé qu'elle avait exercé les fonctions d'une secrétaire de direction.
[7] La demanderesse soutient qu'elle a terminé les six années du cours primaire et les six années du cours secondaire, qu'elle a un diplôme qui lui a été décerné après trois ans d'études par le Comité d'orientation provincial des examens d'études supérieures autodidactiques de Jiangsu, qu'elle a fréquenté le Collège des sciences et de la technologie de Nanjing pendant trois mois à l'issue desquels elle a obtenu un certificat, et qu'elle a terminé un cours de secrétaire de cinq mois au département de formation du Centre des activités scientifiques et technologiques de l'état-major de Jiangsu le 8 février 1999.
[8] La demanderesse prétend qu'elle a les études, l'expérience, ainsi que les qualités requises pour exercer la profession de « secrétaire de direction » . Par conséquent, elle fait valoir que l'agent des visas a commis une erreur de droit en refusant d'évaluer sa demande dans la catégorie de « secrétaire de direction » .
(ii) En manquant aux principes de justice naturelle et d'équité procédurale du fait qu'il a omis d'aviser la demanderesse qu'il avait conclu qu'elle ne répondait pas aux conditions de formation et qu'il ne lui a pas donné la possibilité de dissiper ses doutes à cet égard ?
La demanderesse cite l'arrêt Muliadi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1986] 2 C.F. 205 (C.A.F.), où le juge Stone déclare ceci à la page 216 : « [on aurait dû lui donner] la possibilité de réfuter l'appréciation négative des autorités provinciales avant que l'agent des visas n'y donne suite [parce que le sort de sa demande en dépendait] » . La demanderesse cite également la décision Yang c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration et autres (1992), 56 F.T.R. 155 (C.F. 1re inst.), dans laquelle la demanderesse déclarait dans son affidavit qu'on ne lui avait pas posé de questions concernant ses études ni le programme scolaire de Taiwan. Le juge en chef Jerome (tel était alors son titre) a estimé que ce point avait été déterminant dans sa décision d'accueillir la demande de contrôle judiciaire, étant donné que l'omission de poser ces questions laissait subsister un doute quant à savoir si les qualités de la demanderesse avaient été correctement évaluées.
[9] La demanderesse soutient que l'agent des visas n'a pas jugé que ses trois mois de formation au Collège des sciences et de la technologie de Nanjing, pour lesquels elle a reçu un certificat en 1992, respectaient les conditions de formation et d'accès à la profession de secrétaire de direction. Bien que l'agent des visas reconnaisse qu'il s'agissait d'un cours d'informatique de 96 heures, il n'avait pas devant lui le programme complet du cours, et il n'a pas posé de questions précises sur le programme. La demanderesse prétend que l'agent des visas s'est lui-même empêché d'obtenir d'autres détails au sujet du cours, et que, par conséquent, il a omis de lui dire que le cours ne répondait pas aux conditions de formation et d'accès à la profession de secrétaire de direction au cours de l'entrevue. L'agent des visas reconnaît que si l'information au sujet du programme avait précisé que ce cours répondait aux conditions de formation et d'accès à la profession, cette information aurait été pertinente. La demanderesse soutient donc que l'agent des visas a manqué à l'équité procédurale en ne l'informant pas que le cours qu'elle avait suivi n'était pas suffisant pour répondre aux conditions de formation et d'accès à la profession de secrétaire de direction.
[10] (iii) En déclarant qu'il était nécessaire que les conditions de formation et d'accès à la profession soient respectées avant que l'expérience de travail de la demanderesse puisse être prise en compte ?
Subsidiairement, la demanderesse prétend que l'agent des visas a reconnu que le cours qu'elle avait terminé en février 1999, au Centre des sciences de l'état-major de Jiangsu était suffisant pour répondre aux conditions de formation et d'accès à la profession. Qui plus est, la demanderesse soutient que l'agent des visas a reconnu qu'il n'y avait, ni dans la Loi ni dans le Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement), aucune disposition stipulant que l'expérience de travail devait suivre le respect des conditions de formation et d'accès à la profession. Par conséquent, la demanderesse fait valoir qu'en déclarant qu'elle ne satisfaisait pas aux conditions de formation et d'accès à la profession de secrétaire de direction, l'agent des visas a commis une erreur en concluant qu'elle ne pouvait être évaluée à ce titre.
[11] 2. L'agent des visas a-t-il commis une erreur de droit et de fait en n'attribuant à la demanderesse que 10 points au titre des études ?
La demanderesse prétend que, comme elle a obtenu avec d'autres personnes un diplôme d'études spécialisées en anglais qui lui a été remis par l'Université normale de Nanjing, on aurait dû lui attribuer 13 points d'appréciation au titre des études sous le facteur 1(1)c)(ii) de l'annexe I du Règlement, plutôt que 10 points, étant donné que le diplôme lui a été décerné par une université. Elle déclare que l'agent des visas ne lui a posé aucune question concernant l'Université normale de Nanjing, et a présumé que l'admission à cette université n'exigeait pas un diplôme comme celui qui est prévu au sous-alinéa b)(ii) du facteur 1 de l'annexe I. À l'appui de ses arguments, la demanderesse cite de nouveau le juge Stone dans l'arrêt Muliadi, précité.
Subsidiairement, la demanderesse soutient que l'agent des visas ne l'a pas informée de ses opinions personnelles et qu'il ne lui a pas donné la possibilité de dissiper ses doutes. Par conséquent, comme elle n'a été confrontée à aucune des préoccupations de l'agent des visas, et qu'elle n'a pas eu la possibilité de réfuter ces préoccupations, elle soutient qu'on a manqué à son égard au principe d'équité procédurale.
[12] 3. L'agent des visas a-t-il commis une erreur de fait et de droit en évaluant la demanderesse pour la profession de commis de bureau général, qu'il a désignée sous le titre de commis d'administration, profession qui n'est pas définie dans la CCDP et pour laquelle l'agent a utilisé une préparation professionnelle spécifique (PPS) non applicable ?
La demanderesse soutient qu'en contre-interrogatoire l'agent des visas a déclaré qu'il l'avait évaluée pour la profession de commis d'administration décrite au numéro 4197-114 de la CCDP, dont la description est celle de commis de bureau général, et non pas de commis d'administration. En outre, la demanderesse soutient que la PPS pour la profession 4197-114 de la CCDP est de 4 et non de 5 points comme l'indique la lettre de refus. Elle prétend donc que l'agent des visas a commis une erreur de fait et de droit en l'évaluant à titre de commis d'administration, puisque cette description n'existe pas dans la CCDP, et que la PPS qui est indiquée dans la lettre de refus ne correspond pas à celle qui est prévue pour la profession 4197-114 de la CCDP.
ARGUMENTS DU DÉFENDEUR
[13] Le défendeur énonce les questions en litige de la façon suivante :
1. L'agent des visas a-t-il raisonnablement conclu que la demanderesse ne répondait pas aux conditions de formation et d'accès à la profession pour être évaluée à titre de secrétaire ou de secrétaire de direction.
L'intimé prétend que l'agent des visas a raisonnablement conclu ce qui suit : le diplôme que la demanderesse a obtenu du Comité d'orientation provincial des hautes études autodidactiques de Jiansu était un programme d'auto-apprentissage de l'anglais d'une durée de deux ans, et n'était pas suffisant pour satisfaire à la condition de la CCDP exigeant de « trois à six mois de formation dans une école commerciale » ; le cours d'informatique de base de 96 heures qu'a suivi la demanderesse de février à mai 1992, au Collège des sciences et de la technologie de Nanjing ne satisfaisait pas davantage aux conditions de formation prévues dans la CCDP; et il ne pouvait tenir compte que de l'expérience acquise dans un poste de secrétaire ou de secrétaire de direction après que la demanderesse eut obtenu son certificat en février 1999.
L'intimé prétend qu'une personne ne peut accumuler des années d'expérience en exerçant une profession pour laquelle elle n'est pas qualifiée. À l'appui de cet argument, le défendeur cite la décision Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 171 F.T.R. 265 (C.F. 1re inst.). L'intimé soutient que l'agent des visas n'a pas agi de façon arbitraire, partiale ou manifestement déraisonnable en limitant l'expérience de travail de la demanderesse à la période ultérieure à l'obtention de son certificat. À l'appui cette prétention, il cite la décision Huey c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. n ° 729, IMM-2753-98 (14 mai 1999) (C.F. 1re inst.). L'intimé fait valoir que la pratique adoptée reflète l'esprit du Règlement en vertu duquel personne ne devrait obtenir un visa d'immigrant reçu pour exercer une profession, décrite soit dans la CCDP soit dans la CNP (selon le cas), pour laquelle il n'a pas les qualités requises. En outre, l'intimé soutient que les définitions de la CCDP sont obligatoires et non pas de simples lignes directrices. Pour appuyer cet argument, il cite la décision Haughton c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 111 F.T.R. 226 (C.F. 1re inst.).
[14] 2. Il ressort clairement de l'affidavit de l'agent des visas et des notes au STIDI qu'il a informé la demanderesse qu'elle ne répondait pas aux conditions de formation et d'accès à la profession, et qu'il lui a donné la possibilité de dissiper ses doutes.
L'intimé fait valoir que les notes de l'agent des visas font clairement ressortir ce qui suit : [TRADUCTION] « à la conclusion de l'entrevue, l'IP a été informée que sa demande était refusée et les raisons de ce refus lui ont été expliquées » . L'agent des visas déclare également dans ses notes que [TRADUCTION] « à titre de secrétaire de direction au sens de la CCDP, l'IP ne répondait pas aux conditions de formation de base et d'accès à la profession de sorte que sa demande ne pouvait être étudiée plus à fond, malgré le fait que son expérience était dans une certaine mesure complémentaire à la définition de la CCDP » .
L'intimé soutient que les circonstances énoncées dans la décision Yang, précitée, peuvent être distinguées de l'espèce. Il fait valoir qu'il ressort clairement de l'affidavit de l'agent des visas et des notes au STIDI qu'il a examiné en détail les antécédents scolaires de la demanderesse. En outre, la demanderesse ne nie pas dans son affidavit qu'on lui a posé des questions au sujet de ses études et, même au contraire, elle se réfère précisément à certaines questions qui lui ont été posées relativement à ses études.
[15] 3. L'agent des visas a raisonnablement conclu qu'il était obligatoire que la demanderesse réponde aux conditions de formation et d'accès à la profession avant que son expérience de travail à titre de secrétaire de direction puisse être prise en compte.
L'agent des visas a raisonnablement conclu, de l'avis de l'intimé, que le certificat qui a été délivré par le Comité d'orientation provincial des hautes études autodidactiques de Jiansu, qui est un programme d'auto-apprentissage de l'anglais d'une durée de deux ans, n'exigeait pas comme condition préalable un niveau d'admission à l'université. Cette conclusion, de l'avis du défendeur, se fonde sur les nombreuses années d'expérience de l'agent des visas dans le traitement des demandes des ressortissants de la République populaire de Chine et de ce qu'il sait des types de cours qui exigent un niveau d'admission à l'université. Le défendeur soutient que la demanderesse n'a pas démontré que l'agent des visas avait exercé son pouvoir discrétionnaire de mauvaise foi, en contravention avec les principes de justice naturelle, ou encore qu'il s'était appuyé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi. Par conséquent, le défendeur soutient que la Cour ne devrait pas modifier sa décision. Les décisions Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et autre, [1982] 2 R.C.S. 2 et To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] A.C.F. n ° 696, A-172-93 (22 mai 1996) (C.F.A.) sont citées à l'appui de cette prétention.
[16] Le défendeur soutient qu'il n'est pas nécessaire qu'au cours d'une entrevue l'agent des visas « informe » le demandeur qu'il ne répond pas aux conditions de formation. Il ne s'agit pas d'une situation où la demanderesse a présenté une preuve contradictoire. Au contraire, selon la prétention du défendeur, c'est à la demanderesse qu'il incombe de convaincre l'agent des visas qu'elle a le niveau d'instruction voulu (ce que la demanderesse n'a pas fait en l'espèce). De toute façon, le défendeur soutient qu'il ressort clairement des notes de l'agent des visas au STIDI qu'il l'a informée de son refus et qu'il lui a donné la possibilité de réfuter ses conclusions. À l'appui de ses prétentions, le défendeur cite Umeda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. n ° 1603, IMM-2905-95 (6 décembre 1996) (C.F. 1re inst.).
[17] Le fait que l'agent des visas n'ait peut-être pas posé de questions visant à préciser des informations qui auraient pu aider la demanderesse ne constitue pas une erreur, au dire du défendeur. Celui-ci prétend que, d'après la décision Hajariwala c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 222, il n'existe pas d'obligation générale de poser des questions qui peuvent aider le demandeur. La décision Umeda, précitée, est également citée à l'appui de cet argument.
[18] 4. L'agent des visas a raisonnablement désigné la profession de la demanderesse comme étant celle d'un « commis d'administration » plutôt que d'un commis de bureau général, d'après l'index de la CCDP. Quoi qu'il en soit, en attribuant à la demanderesse cinq points pour la PPS plutôt que quatre, l'agent des visas lui a donné un point de plus que ceux auxquels elle avait droit.
Le défendeur soutient qu'il ressort clairement du contre-interrogatoire effectué par l'agent des visas que celui-ci a raisonnablement désigné la profession de la demanderesse comme étant celle d'un « commis d'administration » . En outre, la demanderesse n'a pas prouvé que le « titre » particulier de la profession était une erreur déterminante qui permettrait d'accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. Le défendeur soutient que l'agent des visas a clairement fait référence à la définition 4197-114 de la CCDP (quel que soit le titre de la profession). L'agent des visas a également examiné les compétences de la demanderesse au regard de la profession de commis de bureau (CCDP 4197-130), mais il a conclu qu'elle ne répondait pas aux critères de sélection.
[19] Le défendeur prétend que le fait que l'agent des visas ait accordé à la demanderesse cinq points pour la PPS plutôt que quatre ne peut être considéré comme une erreur déterminante, surtout du fait qu'elle a obtenu un point de plus que ceux auxquels elle avait droit. Ainsi, de l'avis du défendeur, la demanderesse n'a pas prouvé en quoi l'agent des visas avait agi de façon inéquitable ou déraisonnable en refusant sa demande.
[20] La demanderesse a formulé les questions de la façon suivante :
1. L'agent des visas a-t-il commis une erreur de fait et de droit :
(2) en évaluant la demanderesse à titre de commis d'administration alors qu'elle avait les qualités et l'expérience pour exercer la profession de secrétaire de direction ?
(2) En manquant aux principes de justice naturelle et d'équité procédurale du fait qu'il a omis d'aviser la demanderesse qu'il avait conclu qu'elle ne répondait pas aux conditions de formation et qu'il ne lui a pas donné la possibilité de dissiper ses doutes à cet égard ?
(3) En déclarant qu'il était nécessaire que les conditions de formation et d'accès à la profession soient respectées avant que l'expérience de travail de la demanderesse puisse être prise en compte ?
2. L'agent des visas a-t-il commis une erreur de droit et de fait en n'attribuant à la demanderesse que 10 points au titre des études ?
3. L'agent des visas a-t-il commis une erreur de fait et de droit en évaluant la demanderesse pour la profession de commis de bureau général, qu'il a désignée sous le titre de commis d'administration, profession qui n'est pas définie dans la CCDP et pour laquelle l'agent a utilisé une préparation professionnelle spécifique (PPS) non applicable ?
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES
[21] L'annexe I du Règlement se lit comme suit :
Colonne I Facteurs |
Colonne II Critères |
Colonne III Nombre maximal de points |
1. Études 3. Expérience |
(1) Sous réserve des paragraphes (2) à (4), des points d'appréciation sont attribués selon le barème suivant : a)lorsqu'un diplôme d'études secondaires n'a pas été obtenu, aucun point; b)lorsqu'un diplôme d'études secondaires a été obtenu, le plus élevé des nombres de points applicables suivants : (i) si le diplôme ne rend pas le titulaire admissible à des études universitaires et ne lui confère pas de qualification de membre d'un corps de métier ou d'un groupe professionnel dans le pays où il a été obtenu, 5 points; (ii) si le diplôme rend le titulaire admissible à des études universitaires dans le pays où il a été obtenu, 10 points; (iii) si le diplôme confère une qualification de membre d'un corps de métier ou d'un groupe professionnel dans le pays où il a été obtenu, 10 points; c) lorsqu'un diplôme ou un certificat d'apprentissage d'un collège, d'une école de métiers ou de tout autre établissement postsecondaire, qui comporte au moins un an d'études à temps plein en salle de cours, a été obtenu, le plus élevé des nombres de points applicables suivants : (i) si le programme d'études menant à un tel diplôme ou certificat exige un diplôme d'études secondaires visé aux sous-alinéas b)(i) ou (iii), 10 points; (ii) si le programme d'études menant à un tel diplôme ou certificat exige un diplôme d'études secondaires ou visé au sous-alinéa b)(ii), 13 points; d)lorsqu'un diplôme universitaire de premier cycle, comportant au moins trois ans d'études à temps plein, a été obtenu, 15 points; e) lorsqu'un diplôme universitaire de second ou de troisième cycle a été obtenu, 16 points; (2) Des points d'appréciation ne sont attribués que pour les diplômes ou certificats visés aux alinéas (1)b) à e) qui ont été obtenus d'un établissement autre qu'un établissement désigné et dans le cadre d'un programme d'études autre qu'un programme d'études désigné. (3) Lors de la détermination du nombre de points d'appréciation à attribuer, selon l'alinéa applicable du paragraphe (1), un seul diplôme ou certificat est pris en considération. (4) Les points d'appréciation visés aux alinéas (1)b) à e) ne peuvent être attribués cumulativement et seul le nombre de points le plus élevé, parmi les alinéas applicables, est retenu. Des points d'appréciation sont attribués pour l'expérience acquise dans la profession pour laquelle le requérant est apprécié selon l'article 4 ou, dans le cas d'un entrepreneur, pour l'expérience acquise dans la profession pour laquelle il possède les compétences voulues et qu'il est prêt à exercer au Canada. Ces points sont attribués selon le barème suivant : a)lorsque 1 ou 2 points sont attribués aux termes de l'article 2, 2 points pour la première année d'expérience; b)lorsque de 5 à 7 points sont attribués aux termes de l'article 2, 2 points pour chaque année d'expérience jusqu'à 2 années; c) lorsque 15 points sont attribués aux termes de l'article 2, 2 points pour chaque année d'expérience jusqu'à 3 années; d)lorsque 17 ou 18 points sont attribués aux termes de l'article 2, 2 points pour chaque année d'expérience jusqu'à 4 années. |
16 8 |
Et le paragraphe 8(1) de la Loi stipule ce qui suit :
8. (1) Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada de prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements. |
8. (1) Where a person seeks to come into Canada, the burden of proving that that person has a right to come into Canada or that his admission would not be contrary to this Act or the regulations rests on that person. |
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[22] Question 1 L'agent des visas a-t-il commis une erreur de fait et de droit :
(4) en évaluant la demanderesse à titre de commis d'administration alors qu'elle avait les qualités et l'expérience pour exercer la profession de secrétaire de direction ?
La demanderesse a demandé d'être évaluée comme secrétaire de direction. Cette classification exige habituellement de 10 à 12 années de formation générale et de trois à six mois d'études dans une école commerciale, ou un cours commercial spécial d'un an. L'agent des visas a examiné le niveau d'instruction de la demanderesse et en est arrivé à la conclusion que celui-ci n'était pas suffisant pour satisfaire aux conditions d'accès à la profession et de formation de base de la CCDP. L'agent des visas a tenu compte du diplôme d'anglais de la demanderesse, de sa formation en informatique et du cours de secrétariat à temps partiel de cinq mois pour parvenir à sa conclusion sur ses études. Je ne vois pas en quoi l'agent des visas a commis une erreur susceptible de contrôle en tirant cette conclusion. Je suis d'avis que, d'après la norme de contrôle fondée sur le simple caractère raisonnable, la décision sur ce point ne peut être révisée. Comme l'a indiqué la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8 :
C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi est exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.
[23] 1.(ii) En manquant aux principes de justice naturelle et d'équité procédurale du fait qu'il a omis d'aviser la demanderesse qu'il avait conclu qu'elle ne répondait pas aux conditions de formation et qu'il ne lui a pas donné la possibilité de dissiper ses doutes à cet égard ?
Je suis d'avis qu'un agent des visas n'a aucune obligation d'informer le demandeur du fait que ce que ce dernier lui a présenté ne satisfait pas aux conditions de formation et d'accès à la profession qu'il entend exercer au Canada pour permettre à celui-ci de dissiper ses doutes. Il ne s'agit pas d'une situation où l'agent des visas a obtenu des renseignements d'une source extérieure et n'a pas permis au demandeur de faire des observations sur ces renseignements (voir Muliadi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1986] 2 C.F. 205 (C.A.F.), cause dans laquelle le demandeur n'avait pas eu la possibilité de réfuter l'évaluation négative des autorités provinciales avant que l'agent des visas donne suite à cette évaluation). À mon avis, l'agent des visas n'a pas commis d'erreur sur ce motif de contrôle. Il ne faisait qu'exercer sa responsabilité en vertu de la loi et il était simplement tenu d'informer la demanderesse de sa décision et des motifs de celle-ci. Quoi qu'il en soit, il semble que l'agent des visas ait dit à la demanderesse à la fin de l'entrevue qu'il avait refusé sa demande et qu'il lui ait donné les raisons de son refus.
[24] 1.(iii) En déclarant qu'il était nécessaire que les conditions de formation et d'accès à la profession soient respectées avant que l'expérience de travail de la demanderesse puisse être prise en compte ?
L'agent des visas a statué que la demanderesse devait répondre aux conditions de formation et d'accès à la profession avant que son expérience de travail puisse être prise en compte. L'agent des visas a déclaré que, même s'il présumait que la formation de secrétaire de la demanderesse, qu'elle a terminé en février 1999, était réputée satisfaire aux conditions de formation et d'accès à la profession, comme il ne pouvait tenir compte de l'expérience qu'elle avait acquise avant d'avoir terminé le cours en février 1999, aucun point d'appréciation ne pouvait lui être attribuée au titre de l'expérience parce qu'elle avait travaillé moins d'un an comme secrétaire. Dans l'arrêt Chen c. Canada (M.C.I.) [1999] A.C.F. n ° 1123, IMM-4594-97, le 9 juillet 1999, au paragraphe 37, le juge Lemieux écrit ceci :
À mon avis, pour l'application du Règlement sur l'immigration, une personne ne peut avoir accumulé des années d'expérience en exerçant une profession pour laquelle elle ne possède pas les compétences requises. Il s'ensuit que, tant qu'il n'a pas terminé sa formation professionnelle, l'intéressé n'accumule aucun point au titre de son expérience dans sa profession envisagée. À cet égard, je souscris à l'analyse que le juge MacKay a faite dans le jugement Yu c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, 36 F.T.R. 296, où il déclare, à la page 301 :
[...] si la requérante n'est pas dûment qualifiée pour l'emploi qu'elle a l'intention d'occuper au Canada, aucun point d'appréciation ne sera attribué en vertu des facteurs 4 et 3 pour l'expérience, quelque [sic] soit la demande dans la profession au Canada.
J'adopte la conclusion du juge Lemieux et, par conséquent, je conclus que l'agent des visas n'a pas commis d'erreur en déterminant que l'expérience acquise avant d'avoir les compétences pour exercer cette profession ne peut être prise en compte au titre de l'expérience dans la profession qu'elle entend occuper au Canada.
[25] 2. L'agent des visas a-t-il commis une erreur de droit et de fait en n'attribuant à la demanderesse que 10 points au titre des études ?
Je suis d'avis que l'agent des visas n'a pas commis d'erreur en attribuant 10 points d'appréciation au titre des études au lieu de 13. L'agent des visas a déclaré ceci en contre-interrogatoire à la question 62 :
[TRADUCTION]
18. Pour autant que je sache, ce diplôme, ce diplôme ou ce certificat de formation à distance n'exige pas comme condition préalable un niveau d'admission à l'université.
Cela étant, l'agent des visas a eu raison d'attribuer 10 points d'appréciation au titre des études.
[26] 3. L'agent des visas a-t-il commis une erreur de fait et de droit en évaluant la demanderesse pour la profession de commis de bureau général, qu'il a désignée sous le titre de commis d'administration, profession qui n'est pas définie dans la CCDP et pour laquelle l'agent a utilisé une préparation professionnelle spécifique (PPS) non applicable ?
L'agent des visas a évalué la demanderesse au titre de la profession de commis de bureau général, mais il a mentionné qu'il s'agissait de la profession de commis d'administration, une profession qui n'est pas définie dans la CCDP. L'agent des visas lui a également attribué à tort cinq points, au lieu de quatre, au titre de la préparation professionnelle spécifique (PPS). Je suis convaincu que même s'il s'agit d'erreurs de la part de l'agent des visas, aucune d'entre elles n'est déterminante et ne peut faire l'objet d'un contrôle par la Cour. La demanderesse a malgré tout été évaluée au titre de la profession 4197-114 de la CCDP. En outre, l'attribution de cinq points au titre de la PPS au lieu de quatre est un avantage pour elle. Ce motif de contrôle est rejeté.
[27] La demanderesse réclame les frais de la présente demande, mais comme elle n'a pas eu gain de cause, il n'est pas nécessaire d'aborder cette question. Le défendeur n'a pas demandé que les dépens lui soient adjugés.
[28] La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.
[29] Les avocats des parties auront la possibilité de présenter une demande pour la certification d'une question grave de portée générale. L'avocat de la demanderesse doit déposer ses observations écrites, s'il le souhaite, au plus tard le 19 janvier 2001, concernant la certification d'une question grave. L'avocat du défendeur déposera sa réponse écrite, le cas échéant, au plus tard le 26 janvier 2001.
« John A. O'Keefe »
Juge
Ottawa (Ontario)
le 12 janvier 2001
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL. L., trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2706-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : Bi Zone c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 10 août 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE O'KEEFE
DATE : Le 12 janvier 2001
ONT COMPARU:
Cecil Rotenberg POUR LA DEMANDERESSE
Claire LeRiche POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Cecil Rotenberg POUR LA DEMANDERESSE
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada