Date : 20030224
Dossier : IMM-2853-02
Référence neutre : 2003 CFPI 216
CALGARY (Alberta), le lundi 24 février 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL
ENTRE :
MUHAMMAD BABAR
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a accueilli, en date du 6 juin 2002, la demande du ministre d'annuler la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée au demandeur, en conformité avec le paragraphe 69.1(9.1) de la Loi sur l'immigration (la Loi), et a conclu à l'absence de minimum de fondement de la revendication.
[2] Le demandeur est un citoyen pakistanais. Il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention en 2000 parce qu'il craignait avec raison d'être persécuté du fait de son appartenance au Parti national unifié du peuple du Cachemire (UKPNP). Sa demande a été acceptée; le statut de réfugié au sens de la Convention lui a été reconnu le 13 mars 2001.
[3] En septembre 2001, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) a déposé une requête pour faire annuler cette reconnaissance du statut de réfugié au motif qu'elle a été obtenue par suite de fausses indications du demandeur. Les paragraphes 69.2(2) et 69.3(5) de la Loi sont les dispositions pertinentes appliquées par la SSR. Ils sont rédigés comme suit :
69.2(2) Demande d'annulation (2) Avec l'autorisation du président, le ministre peut, par avis, demander à la section du statut de réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée en application de la présente loi ou de ses règlements et d'annuler cette reconnaissance, au motif qu'elle a été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important, même si ces agissements sont le fait d'un tiers. |
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69.2(2) Application to vacate (2) The Minister may, with leave of the Chairperson, make an application to the Refugee Division to reconsider and vacate any determination made under this Act or the regulations that a person is a Convention refugee on the ground that the determination was obtained by fraudulent means or misrepresentation, suppression or concealment of any material fact, whether exercised or made by that person or any other person. |
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69.3(5) Rejet de la demande d'annulation malgré preuve de la fraude (5) La section du statut peut rejeter toute demande bien fondée au regard de l'un des motifs visés au paragraphe 69.2(2) si elle estime par ailleurs qu'il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut. |
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69.3(5) Rejection of otherwise established application (5) The Refugee Division may reject an application under subsection 69.2(2) that is otherwise established if it is of the opinion that, notwithstanding that the determination was obtained by fraudulent means or misrepresentation, suppression or concealment of any material fact, there was other sufficient evidence on which the determination was or could have been based. |
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[4] De la preuve présentée par le ministre, la SSR n'a eu aucune difficulté à conclure que la reconnaissance initiale du statut de réfugié au sens de la Convention avait été obtenue à la suite de fausses indications importantes. En fait, le demandeur a admis que c'était bien le cas. En ce qui a trait à l'incidence des fausses indications, la SSR a tiré la conclusion cruciale suivante :
Le tribunal a déterminé que les fausses indications et la dissimulation que l'intimé reconnaît maintenant sont au coeur même de sa revendication, et le tribunal détermine que sa crédibilité a été gravement minée à un point tel que le tribunal conclut, de façon générale, à un manque de crédibilité. (Décision, p. 6)
[5] La preuve présentée devant le tribunal initial quant à la revendication du statut de réfugié combinait des éléments propres au demandeur et des éléments indépendants provenant d'autres sources. Je peux comprendre comment ces fausses indications données par le demandeur à l'audience initiale peuvent à juste titre donner lieu à une conclusion que les éléments de preuve qui lui sont propres sont viciés. Mais, cela ne répond pas à la question de savoir comment ses fausses indications ont pu entacher les éléments de preuve indépendants qu'il a produits à l'appui de sa revendication.
[6] En fait, il se peut très bien qu'à la suite d'une analyse méticuleuse, les éléments de preuve indépendants amènent le décideur à reconsidérer l'opinion selon laquelle l'entière version des faits du demandeur n'est pas crédible. Autrement dit, dans un cas comme celui en l'espèce où une preuve indépendante révèle des activités antigouvernementales de la part d'un demandeur, une évaluation minutieuse pourrait faire en sorte que certaines parties de la version des faits du demandeur soient considérées comme étant véridiques.
[7] Le ministre soutient que la Cour doit reconnaître que cette évaluation a eu lieu, en se fondant sur les propos suivants de la SSR :
Le tribunal a conclu que son manque de crédibilité est tellement grand que, même en mettant de côté ses fausses indications et sa dissimulation, il n'y a aucun élément de preuve crédible sur lequel le tribunal aurait pu se fonder pour accorder le statut de réfugié au sens de la Convention à l'intimé. (Décision, p. 7)
[8] À mon avis, cet extrait permet de conclure de manière raisonnable que la réflexion de la SSR sur la preuve « indépendante » et la réévaluation possible de la preuve du demandeur était tellement dominée par les fausses indications données par celui-ci qu'il n'a pas été question de procéder à un exercice d'évaluation approfondi.
[9] Par conséquent, j'estime que le type d'évaluation minutieuse et prudente nécessaire en l'espèce n'a pas été conduit. À mon sens, pour appliquer correctement les dispositions précitées, une telle évaluation est nécessaire pour déterminer raisonnablement quels éléments de preuve ne sont pas viciés, qu'il s'agisse de la preuve indépendante et, en fait, de la preuve connexe présentée par le demandeur.
[10] Pour ces motifs, j'estime que la SSR a commis une erreur donnant matière à révision.
O R D O N N A N C E
Par conséquent, la décision de la SSR est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu'il statue à nouveau sur l'affaire.
« Douglas R. Campbell »
Juge
Calgary (Alberta)
Le 24 février 2003
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20030224
Dossier : IMM-2853-02
ENTRE :
MUHAMMAD BABAR
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2853-02
INTITULÉ : MUHAMMAD BABAR c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : CALGARY (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE : Le vendredi 21 février 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS : Le lundi 24 février 2003
COMPARUTIONS :
M. Birjinder P. S. Mangat POUR LE DEMANDEUR
Mme Tracy King POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
M. Birjinder P. S. Mangat POUR LE DEMANDEUR
Calgary (Alberta)
Morris A. Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada