Ottawa (Ontario), le 21 mars 2005
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN
ENTRE :
DIMITAR NIKLOV ILIEV, alias DIMITAR NIKOLOV ILIEV
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] M. Dimitar Niklov Iliev, alias Dimitar Nikolov Iliev (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire d'une décision en date du 5 février 2004 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a fait droit à la demande du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le défendeur) d'annuler la conclusion selon laquelle le demandeur était un réfugié au sens de la Convention.
[2] Le demandeur, un citoyen de Bulgarie, est arrivé au Canada in 1996. Il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention et, à la suite de l'audience qui s'est déroulée devant la Section du statut de réfugié en octobre 1997, le statut de réfugié lui a été accordé en janvier 1998. En mai 2002, le défendeur a obtenu l'autorisation d'introduire une demande en vue de faire annuler la décision de la Section du statut de réfugié.
[3] Le défendeur invoquait l'article 109 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, modifiée (la Loi) au soutien de sa demande d'annulation de la décision reconnaissant au demandeur la qualité de réfugié au sens de la Convention. Le défendeur alléguait que le demandeur avait obtenu le statut de réfugié par des moyens frauduleux, de fausses déclarations et la suppression ou la dissimulation de faits importants, spécialement en ce qui concerne deux condamnations au criminel en Bulgarie. Le défendeur se fondait sur des certificats de condamnation qui avaient été délivrés par un tribunal bulgare. Le premier certificat se rapportait à la condamnation du demandeur en 1991 relativement à l'infraction de « vols de biens publics » , le second concernant la condamnation du demandeur en 1996 pour « fraude » et « dommages matériels » pour la somme de 14 680 $US.
[4] La Commission a considéré que les deux certificats de condamnation constituaient une preuve que le demandeur avait été reconnu coupable d'infractions criminelles en Bulgarie. Elle a conclu que, comme le demandeur avait écopé d'une peine de deux ans d'emprisonnement relativement à sa condamnation de 1991, cette infraction ne constituait pas un crime grave de droit commun et qu'elle n'aurait pas déclenché l'application de l'article 1Fb) de la Convention sur les réfugiés, une disposition qui a pour effet d'empêcher l'admission au Canada des personnes déclarées coupables d'un crime grave de droit commun. Toutefois, la Commission en est arrivée à une conclusion différente au sujet de la condamnation prononcée en 1996.
[5] En l'espèce, la Commission a retenu l'argument du défendeur suivant lequel le demandeur avait été jugé coupable d'une fraude de 14 680 $US laquelle infraction, au Canada, constituerait une fraude de plus de 5 000 $CAN, un crime punissable au Canada d'une peine maximale de dix ans d'emprisonnement. Suivant la Commission, cette situation donnait lieu à l'application de l'article 1Fb) de la Convention sur les réfugiés, car il s'agissait d'une personne à qui la qualité de réfugié ne peut être reconnue parce qu'elle a commis un crime grave de droit commun. La Commission a pris acte de l'arrêt Chan c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2000] 4 C.F. 390 (C.A.F.).
[6] Le problème que soulève la conclusion de la Commission à cet égard est que cette conclusion a été tirée sans qu'aucune preuve n'ait été présentée au sujet de l'équivalence entre le droit criminel bulgare et le droit criminel canadien. Suivant le jugement Xie c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2004] 2 R.C.F. 372 (C.F. 1re inst.) confirmé pour d'autres motifs à [2004] 2 R.C.F. 372 (C.A.), l'équivalence des infractions criminelles est une question de fait qui doit être établie par la preuve.
[7] L'existence d'une conclusion de fait tirée sans égard à la preuve donne ouverture à l'intervention judiciaire aux termes du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, modifée. En l'espèce, cette conclusion de fait a joué un rôle essentiel dans la suite que la Commission a donnée à la demande présentée par le défendeur en vue de faire annuler la conclusion initiale suivant laquelle le demandeur était un réfugié au sens de la Convention.
[8] La présente demande de contrôle judiciaire est donc accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu'il rende une nouvelle décision. Il n'y a aucune question à certifier.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu'il rende une nouvelle décision. Il n'y a aucune question à certifier.
Juge
Traduction certifiée conforme
Richard Jacques, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2162-04
INTITULÉ: DIMITAR NIKLOV ILIEV
demandeur
et
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE LUNDI 14 MARS 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : MADAME LA JUGE HENEGHAN
DATE DES MOTIFS : LE 21 MARS 2005
COMPARUTIONS : Jay Bernholtz
POUR LE DEMANDEUR
Jamie Todd
POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jay Bernholtz
Markham (Ontario)
POUR LE DEMANDEUR John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada
POUR LE DÉFENDEUR