Référence : 2005 CF 114
ENTRE :
NABIL ISKANDER IBRAHIM
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] De l'avis général, M. Ibrahim ferait un bon citoyen canadien. Depuis qu'il a obtenu le statut de résident permanent à titre d'investisseur, il s'est non seulement acquitté de ses engagements financiers, mais a également investi dans une autre entreprise. Il a joué un rôle actif au sein de la collectivité, et il a l'intention de prendre sa retraite ici.
[2] La juge de la citoyenneté a rejeté sa demande de citoyenneté pour le motif que M. Ibrahim n'a pas respecté les exigences relatives à la résidence. La Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29, prévoit qu'un résident permanent doit avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande. Si M. Ibrahim avait été physiquement présent au Canada pendant au moins 1 095 jours il n'y aurait pas eu de problème. Cependant, il n'a accumulé que 815 jours de résidence ici. Autrement dit, il lui manque 280 jours.
[3] Dans certaines décisions, plus précisément dans Re Pourghasemi (1993), 62 F.T.R. 122, l'obligation de résidence a été interprétée comme nécessitant impérativement une présence physique au Canada. Toutefois, il existe d'autres décisions selon lesquelles, dans le cas d'une personne qui s'est établie au Canada, des motifs légitimes peuvent justifier l'absence.
[4] La juge de la citoyenneté a décidé, comme il lui était loisible de le faire, de suivre le raisonnement du juge Reed dans Re Koo [1993] 1 C.F. 286, (1992) 59 F.T.R. 27. Dans cette décision, le juge Reed a posé six questions pouvant servir à déterminer si le Canada était le lieu où un demandeur vivait régulièrement, normalement ou habituellement ou, en d'autres termes, le pays où il avait centralisé son mode d'existence.
[5] La juge de la citoyenneté a mentionné que bien que M. Ibrahim et son associé soient arrivés en même temps, sa femme et sa famille sont restés en Égypte. Il s'est également rendu en Égypte pour conclure des ententes d'exportation de produits canadiens.
[6] Malheureusement, son associé est décédé, ce qui a forcé M. Ibrahim à prendre part à la liquidation des affaires de celui-ci et à liquider ses propres affaires au Moyen-Orient. Même si ses fils, qui sont adultes, n'ont pas exprimé le désir de venir au Canada, il a pris le temps de participer au mariage de l'un d'eux, ce qui est tout à fait normal. Il y a également eu les événements du 11 septembre.
[7] Les questions qui sont soulevées en l'espèce sont des questions mixtes de fait et de droit. La juge de la citoyenneté a-t-elle bien vérifié les faits, et la façon dont elle a appliqué la loi aux faits était-elle raisonnable? À la suite du prononcé des arrêts Dr. Q c. The College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C. S. 226 et Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 S.C.R 247, la norme de contrôle judiciaire à appliquer est la norme de la décision raisonnable simpliciter. Cette approche a été retenue dans beaucoup de décisions récentes (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Fu, [2004] A.C.F. 88 et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Chang,[2003] A.C.F. 1871, 2003 C.F. 1472).
[8] Les conclusions de fait comprennent les inférences que l'on en tire. Le principal reproche que M. Ibrahim adresse à la juge de la citoyenneté est qu'elle a eu tort de relever une tendance dans ses absences, une tendance qui l'a amenée à conclure qu'il n'avait pas centralisé son mode d'existence au Canada. Les incidents étaient, selon lui, isolés et exceptionnels. Il est mécontent des inférences défavorables tirées du fait que sa femme n'ait pas encore présenté de demande de résidence permanente au Canada. Dès l'arrivée de M. Ibrahim ici en 1997, il était clairement entendu que sa femme n'allait pas vivre ici de façon permanente avant qu'il ne se soit établi et ait obtenu la citoyenneté canadienne. Elle détient un passeport britannique, ce qui lui permet de rendre visite à M. Ibrahim fréquemment au Canada et de voyager avec lui lorsqu'il ne se trouve pas en Égypte ou au Koweit.
[9] Il ne peut exister qu'une seule décision correcte, mais il peut y avoir plusieurs décisions qui ne sont pas déraisonnables. Si la décision m'avait appartenu, j'aurais peut être accepté les explications fournies pour justifier les absences de M. Ibrahim et lui aurais accordé la citoyenneté. Ou, si je n'avais pas fait droit à sa demande, j'aurais quand même pu recommander au ministre d'user de son pouvoir discrétionnaire pour déroger à l'exigence en cause. La juge de la citoyenneté ne l'a pas fait. Cependant, je dois statuer sur la demande de contrôle judiciaire et non pas sur la demande initiale. La question que je dois me poser est de savoir si la décision de la juge de la citoyenneté était déraisonnable. La réponse est non.
[10] Si M. Ibrahim conserve son statut de résident permanent au Canada et accumule des jours supplémentaires ici, il devrait présenter une nouvelle demande.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire de la décision de la juge de la citoyenneté Rochelle Burns datée du 30 mars 2004 soit rejetée.
_ Sean Harrington _
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 25 janvier 2005
Traduction certifiée conforme
Aleksandra Koziorowska, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-928-04
INTITULÉ : NABIL ISKANDER IBRAHIM
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 21 JANVIER 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 25 JANVIER 2005
COMPARUTIONS:
Charlotte Janssen POUR LE DEMANDEUR
Deborah Drukarsh POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Janssen et associés POUR LE DEMANDEUR
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-ministre de la Justice et
sous-procureur général du Canada