Date : 20050527
Dossier : IMM-9071-04
Référence : 2005 CF 759
ENTRE :
VIVEKANANTHAN NALLIAH
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeurs
INTRODUCTION
[1] Les présents motifs font suite à l'audition d'une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 29 septembre 2004, par laquelle un agent d'examen des risques avant renvoi (l'agent) a décidé que le demandeur ne courrait pas de risques de traitement ou de peine cruel ou inusité s'il devait retourner au Sri Lanka, son pays de nationalité ou de résidence habituelle.
[2] La présente demande de contrôle judiciaire était l'une de trois demandes semblables, entendues ensemble à Toronto les 25 et 26 avril 2005, dans lesquelles a été soulevée la question de partialité institutionnelle ou d'absence d'indépendance et d'impartialité des agents d'examen des risques avant renvoi pendant la période du 12 décembre 2003 au 8 octobre 2004, alors que ces agents relevaient, sur le plan organisationnel, de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) du Gouvernement du Canada. Cette question a été examinée dans les motifs de la décision d'une des deux autres affaires, Chea Say et al c. Le Solliciteur général du Canada[1], qui sera publiée en même temps que les présents motifs. Ces motifs, dans la mesure où ils concernent la question de la partialité institutionnelle, sont incorporés par renvoi dans les présents motifs.
CONTEXTE
[3] Le demandeur est un citoyen tamoul du Sri Lanka, originaire du nord de ce pays insulaire. Il est arrivé au Canada en 1999 et y a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Cette revendication a été rejetée en juin 2002. La Section de la protection des réfugiés a déterminé que le demandeur devait être exclu de la protection des réfugiés en vertu de l'article 1F(A) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, c'est-à-dire qu'elle a conclu que le demandeur était une personne dont on avait des raisons sérieuses de penser qu'elle avait commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes. La Section du statut de réfugié a de plus estimé que si le demandeur n'avait pas été exclu de la protection des réfugiés, il aurait été reconnu comme réfugié au sens de la Convention.
[4] Le demandeur a demandé un examen des risques avant renvoi, en alléguant ce qui suit : alors qu'il était au Sri Lanka, il a été victime d'extorsion de la part des agences quasi-gouvernementales. À la même époque, il a été harcelé par les Tigres tamouls qui lui ont demandé des produits de la ferme et l'ont forcé à travailler pour eux. Il a cédé aux exigences des Tigres tamouls en pensant qu'il serait tué s'il ne se soumettait pas. Pour échapper aux Tigres tamouls, il s'est enfui à Colombo. À Colombo, il a été arrêté par la police, emmené à un poste de police et détenu pendant presque trois semaines, durant lesquelles on l'a torturé, photographié et on a pris ses empreintes digitales. Il a été relâché uniquement après avoir versé un pot-de-vin. Comme condition de sa libération, on lui a imposé de se présenter à la police tous les deux jours. Quand il se conformait à l'exigence, il était détenu pendant la nuit et encore maltraité. On l'a obligé à fournir à la police des renseignements sur les Tigres tamouls. Confronté à cette exigence, et craignant pour sa vie, il a quitté le Sri Lanka pour le Canada.
[5] Ayant reçu une décision négative relativement à sa demande d'ERAR, il a présenté la présente demande de contrôle judiciaire. En même temps, les mesures de son renvoi du Canada étaient finalisées. Le demandeur a demandé qu'il soit sursis à l'exécution de cette mesure. Son renvoi devait avoir lieu vers les États-Unis, mais il a demandé à être de préférence renvoyé au Sri Lanka.
[6] La demande de sursis au renvoi du demandeur a été rejetée. Bien que ma collègue la juge Snider ait conclu qu'il y avait une question sérieuse à juger à propos de cette demande et des demandes semblables de contrôle judiciaire, elle a conclu que le risque de préjudice irréparable auquel le demandeur prétendait être soumis était une simple conjecture. En outre, ma collègue a estimé que la « prépondérance des inconvénients » favorisait le renvoi du demandeur[2].
[7] Les mesures de renvoi ont été finalisées. Le demandeur, de sa propre initiative, est retourné au Sri Lanka.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[8] En ce qui concerne la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur a formulé une seule question dans son exposé de faits et du droit :
[TRADUCTION] La décision relative à l'ERAR a-t-elle été prise en violation de la justice naturelle et des principes de justice fondamentale reconnus à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et des libertés[3], dans la mesure où cette décision a été prise par un tribunal qui n'avait pas l'indépendance institutionnelle requise?
[9] À l'ouverture de l'audience, la Cour a soulevé la question du caractère théorique de cette demande de contrôle judiciaire. Les avocats ont demandé la permission de traiter de la question par écrit, ce qui leur a été accordé. Les observations écrites ont été reçues et examinées par la Cour. Pour les motifs qui suivent, la Cour conclut que la présente demande de contrôle judiciaire est théorique et refuse d'exercer son pouvoir discrétionnaire de traiter néanmoins de la question substantielle soulevée par le demandeur, dans la mesure où cette question est posée dans le contexte de deux autres demandes de contrôle judiciaire entendues en même temps que la présente. Pour ces demandes de contrôle judiciaire, les demandeurs sont restés au Canada. Aussi, la question de caractère théorique ne s'est pas posée dans ces affaires.
ANALYSE
1) Le caractère théorique
[10] Dans l'affaire Figurado c. Canada (Solliciteur général)[4] (Figurado), mon collègue le juge Martineau était saisi d'une demande de contrôle judiciaire de la décision d'une agente d'ERAR relative à un citoyen du Sri Lanka qui, comme le demandeur dans la présente affaire, s'était vu refuser un sursis au renvoi en attendant l'issue de sa demande de contrôle judiciaire mais qui, encore comme le demandeur en l'espèce, avait été autorisé à faire une demande de contrôle judiciaire. Le juge Martineau a écrit au paragraphe [8] de ses motifs :
Le demandeur sollicite l'annulation de la décision ERAR et le renvoi de la question à un agent différent pour nouvel examen. Toutefois, entre-temps, le 16 février 2004, la Cour a rejeté la requête en sursis d'exécution de la mesure de renvoi du demandeur jusqu'à ce que la présente demande de contrôle judiciaire soit entendue et tranchée. Le juge des requêtes a décidé qu'il n'y avait aucune question sérieuse à trancher. Par la suite, le demandeur a été renvoyé du Canada. Cela dit, le 17 septembre 2004, le juge des requêtes a autorisé la demande de contrôle judiciaire.
[11] Ainsi, même si les circonstances sur lesquelles se penchait le juge Martineau se rapprochaient de celles de la présente demande de contrôle judiciaire, elles différaient en ce qu'un sursis d'exécution dans cette affaire avait été refusé pour le motif qu'il n'y avait aucune question sérieuse à trancher alors que, dans la présente affaire, on a conclu qu'il y avait une question sérieuse, mais que l'existence d'un préjudice irréparable n'avait pas été établie.
[12] L'arrêt de principe en matière de caractère théorique est l'arrêt de la Cour suprême du Canada Borowski c. Canada (Procureur général)[5] où le juge Sopinka, pour la Cour, a écrit à la page 353 :
La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu'un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s'applique quand la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l'affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l'action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l'introduction de l'action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu'il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique. Le principe ou la pratique général s'applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n'exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l'appliquer. J'examinerai plus loin les facteurs dont le tribunal tient compte pour décider d'exercer ou non ce pouvoir discrétionnaire.
La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l'affaire. La jurisprudence n'indique pas toujours très clairement si le mot « théorique » (moot) s'applique aux affaires qui ne comportent pas de litige concret ou s'il s'applique seulement à celles de ces affaires que le tribunal refuse d'entendre. Pour être précis, je considère qu'une affaire est « théorique » si elle ne répond pas au critère du « litige actuel » . Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s'il estime que les circonstances le justifient. [Non souligné dans l'original.]
[13] À l'instar du juge Martineau qui a mené une analyse approfondie dans Figurado, je considère que la présente espèce est théorique dans la mesure où elle ne répond pas au critère du « litige actuel » . Le juge Martineau a écrit au paragraphe [41] :
Conformément à l'article 232 du RIPR, les demandeurs d'ERAR bénéficient d'un sursis de la mesure de renvoi. Le législateur voulait donc que l'ERAR soit complétée avant le renvoi des demandeurs pour faire face au risque qu'ils allèguent. L'ERAR a pour objet principal de décider si une personne peut être renvoyée d'une manière sécuritaire du Canada sans qu'elle soit exposée à la persécution, à la torture ou à des traitements inhumains. Cet objet cesse d'exister si la personne est renvoyée. En outre, si le demandeur est renvoyé et qu'il a été persécuté ou soumis à la torture ou à un traitement inhumain, la nouvelle ERAR n'aura peut-être aucun effet pratique. Dans ce contexte, on peut comprendre que les juges des diverses juridictions aient dit que, dans ce type de situation, lorsqu'il y a une question sérieuse à trancher, il y a lieu d'accorder un sursis pour éviter un préjudice irréparable. Comme l'a décidé le juge Lane de la Cour de l'Ontario (Division générale) dans Suresh c. R. [...], lorsque [traduction] « la preuve révèle que [le demandeur] sera fort probablement détenu et interrogé et exposé à un risque de torture et d'exécution sommaire [...] il est fort probable que les tribunaux canadiens ne seront à même d'exercer aucune influence sur la situation. Sa demande sera inutile puisque toute réparation obtenue ne sera pas exécutoire » . [...]. Il s'ensuit que le refus par la Cour d'accorder un sursis à un demandeur en attendant qu'une décision soit prise au sujet de sa demande de contrôle judiciaire « sera définitif » et constituera très certainement, dans ces circonstances, un préjudice irréparable. [référence omise]
[14] Ma collègue la juge Snider ne partageait manifestement pas l'opinion du juge Martineau voulant que le refus d'accorder un sursis au regard de faits comme ceux maintenant soumis à la Cour « constituera très certainement, dans les circonstances, un préjudice irréparable » . S'agissant des faits de la présente affaire, je partage la position de la juge Snider. Le juge Martineau a poursuivi ainsi au paragraphe [43] de ses motifs dans Figurado :
Une demande de protection en vertu de l'article 112 de la LIPR n'a pas pour objet principal l'obtention du statut de résident permanent ni d'un visa une fois le renvoi exécuté. Il devient très certainement plus difficile, voire impossible, pour le Canada de protéger efficacement une personne qui se trouve en dehors de ses frontières, en attendant le réexamen d'une demande de protection si la Cour a annulé une décision ERAR négative. Par conséquent, j'estime que l'argument présenté par l'avocat du demandeur est très percutant. Ce dernier soutient que toute demande de contrôle judiciaire d'une décision négative ERAR [devient quelque peu théorique] si la personne visée a été renvoyée du Canada.
[15] Je suis tout à fait d'accord avec la conclusion du juge Martineau dans la dernière phrase du passage précité, sauf pour ce qui est du caractère « quelque peu théorique » . Je conclus que toute demande de contrôle judiciaire d'une décision négative touchant l'ERAR est théorique quand le demandeur a été renvoyé du Canada ou a quitté volontairement le pays par suite de la décision d'un juge de la Cour de lui refuser le sursis d'exécution parce qu'il n'a pas satisfait au volet « préjudice irréparable » du critère tripartite applicable en la matière.
[16] Dans la décision Freitas c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration)[6], j'ai écrit au paragraphe [29], dans le contexte du contrôle judiciaire d'une décision refusant le statut de réfugié au sens de la Convention :
Cet objectif nettement en rapport avec les droits de la personne constituant le contexte de la présente affaire, j'adopte la position de l'avocat du demandeur. En l'absence de dispositions expresses de la Loi qui m'obligeraient à le faire, je ne suis pas disposé à conclure que le droit conféré au demandeur par le paragraphe 82.1(1) de la Loi est rendu inopérant du fait que le défendeur s'acquitte de son obligation d'exécuter une mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent. Je ne suis pas non plus disposé à accepter que le droit du demandeur soit rendu indirectement inopérant par suite d'une décision de notre Cour qui confère un droit vide de sens à une nouvelle décision de la part de la SSR. Je considère que la présente demande n'est pas théorique et qu'elle constitue la poursuite d'un litige réel. Je suis convaincu que cette conclusion est fidèle à la décision du juge Rothstein dans Ramoutar, précité. [référence omise]
[17] Je suis convaincu, comme il s'agit en l'espèce d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision relative à l'ERAR plutôt que d'une décision sur le statut de réfugié au sens de la Convention, que cette affaire se distingue de la précédente, surtout qu'en l'espèce la Cour a estimé que le demandeur ne subira pas de préjudice irréparable du fait de son renvoi ou de son retour volontaire.
[18] Je passe alors à la deuxième étape de l'analyse des situations théoriques, la détermination de savoir si, nonobstant une constatation de caractère théorique, la Cour devrait néanmoins exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l'affaire. Dans l'arrêt Borowski, précité, la Cour suprême du Canada a défini les facteurs qu'un tribunal doit considérer pour décider d'exercer ou non son pouvoir discrétionnaire d'entendre une affaire :
- premièrement, l'existence d'un contexte contradictoire;
- deuxièmement, la préoccupation touchant l'économie des ressources judiciaires;
- troisièmement, la nécessité pour les tribunaux d'être conscients de leurs fonctions véritables dans l'élaboration du droit.
[19] Bien que l'on puisse prétendre avec une certaine justesse qu'un contexte contradictoire continue à exister dans la présente affaire, je suis persuadé qu'un tel contexte contradictoire n'est pas pertinent pour mon jugement. Dans l'affaire Canada (Solliciteur général) c. Bubla[7], le juge Strayer a écrit au paragraphe [16] de ses motifs :
Les juges n'ont aucune autorité inhérente de se prononcer sur le bien-fondé des décisions des autres juges de juridiction équivalente. La décision d'un juge d'une cour supérieure n'est pas non plus susceptible de contrôle dans des procédures indirectes. Bien qu'il puisse être loisible au juge saisi d'une demande d'autorisation d'examiner de nouveau l'affaire lui-même dans certaines circonstances restreintes, il n'est pas permis à un autre juge de se prononcer en appel sur cette décision. L'audition d'une demande de contrôle judiciaire n'offre pas l'occasion de statuer en appel sur la décision d'accorder l'autorisation de demander le contrôle en question. Par conséquent, le juge de première instance aurait dû refuser de traiter de la contestation, par l'avocat de M. Bubla, de la validité de l'ordonnance par laquelle le juge MacKay a donné son autorisation.
[20] Par analogie, j'estime qu'il ne me serait pas loisible, si je devais juger ce contrôle judiciaire et en l'absence d'éléments de preuve qualitativement significatifs non soumis à la juge Snider, de statuer sur le bien-fondé de la décision de ma collègue, laquelle avait conclu, en se fondant sur la preuve soumise, que le demandeur dans la présente affaire n'avait pas établi qu'il subirait un préjudice irréparable s'il était renvoyé au Sri Lanka dans les conditions existant alors. Je suis convaincu que telle serait l'essence de toute décision renvoyant la décision négative de l'agente d'ERAR pour réexamen par un autre agent d'ERAR[8].
[21] Compte tenu de ma conclusion quant au premier facteur, je n'ai pas à examiner le deuxième facteur relatif à l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire d'entendre la présente affaire, c'est-à-dire la préoccupation touchant l'économie des ressources judiciaires. J'examinerai toutefois brièvement le troisième facteur, soit la nécessité pour la Cour d'être consciente de ses fonctions véritables dans l'élaboration du droit.
[22] L'article 232 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés[9] prévoit qu'il est sursis à la mesure de renvoi dès la présentation d'une demande d'ERAR, et que ce sursis s'applique en général jusqu'à ce que la demande d'ERAR soit rejetée, le cas échéant. C'est ce qui s'est produit en l'espèce. Il convient de souligner que ce même Règlement ne prévoit pas le maintien du sursis en cas de demande de contrôle judiciaire d'une décision d'ERAR, que cette demande soit accordée ou pas. Ainsi, le gouverneur en conseil, agissant en vertu des pouvoirs conférés par le Parlement, n'a pas jugé bon d'étendre l'application du sursis prévu à l'article 232 à des circonstances comme celles qui sont sous-jacentes à la présente demande de contrôle judiciaire. Il en résulte que ma collègue la juge Snider pouvait refuser un sursis judiciaire discrétionnaire et, quand elle l'a fait, le défendeur pouvait renvoyer le demandeur, malgré le risque sérieux de préjudice irréparable qu'il alléguait.
[23] Si la Cour allait maintenant à l'encontre de la décision de la juge Snider de refuser le sursis et du départ consécutif du demandeur au Sri Lanka, elle usurperait en quelque sorte une fonction législative que le gouverneur en conseil a clairement décidé de ne pas exercer. La juge Snider a estimé que le demandeur n'avait pas prouvé qu'il subirait un préjudice irréparable s'il était renvoyé au Sri Lanka. Dans ces conditions, si la Cour entendait néanmoins la présente demande de contrôle judiciaire et l'accueillait en renvoyant l'affaire à un autre agent d'ERAR pour appréciation du risque, cela constituerait, à mon avis, un empiétement injustifié sur la fonction législative du gouverneur en conseil.
[24] En conséquence, la Cour refuse d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'entendre la présente demande de contrôle judiciaire malgré son caractère théorique.
CONCLUSIONS
[25] La Cour refuse d'examiner la présente demande et elle sera par conséquent rejetée. Si la Cour devait trancher cette affaire, vu l'unique question soulevée évoquée précédemment et vu le raisonnement et la conclusion de la Cour à cet égard dans l'affaire Chea Say et al c. Le Solliciteur général du Canada, précitée et incorporée par renvoi dans les présents motifs, la demande de contrôle judiciaire serait rejetée.
CERTIFICATION D'UNE QUESTION
[26] Les avocats du demandeur et des défendeurs ont conjointement proposé la certification de la question suivante en l'espèce :
[Traduction] La Section d'examen des risques avant renvoi possédait-elle, sous l'autorité de l'Agence canadienne des services frontaliers, le degré nécessaire d'indépendance institutionnelle pour que soient respectées la justice naturelle et la justice fondamentale?
[27] Je suis convaincu que la question proposée conjointement est une question sérieuse d'importance générale et qu'une réponse à cette question serait clairement déterminante sur tout appel de l'ordonnance reflétant mes conclusions incorporées par renvoi dans les présents motifs si mes conclusions sur la question de caractère théorique étaient jugées erronées. La question proposée sera certifiée.
[28] L'avocat du demandeur a proposé la question suivante sur la question de caractère théorique :
[Traduction] La demande de contrôle judiciaire d'un examen des risques avant renvoi devient-elle théorique après qu'une personne a été renvoyée du Canada?
[29] Selon l'avocat du demandeur, cette question transcende les intérêts représentés dans cette demande particulière et est par conséquent d'importance générale. Il soutient que c'est une question sérieuse et qu'elle serait déterminante si appel était interjeté de ma décision.
[30] L'avocat du défendeur a plaidé contre la certification de cette question. Une variante de la question proposée sera certifiée, car la Cour est convaincue que c'est une question sérieuse d'importance générale qui, telle que modifiée, serait déterminante d'un appel. La question sera réécrite de la manière suivante :
La demande de contrôle judiciaire d'un examen des risques avant renvoi est-elle théorique quand la personne qui fait l'objet de la décision a été renvoyée du Canada ou l'a quitté après le rejet d'une demande de sursis d'exécution pour la raison que le demandeur n'a pas réussi à établir qu'un tel renvoi lui causerait un préjudice irréparable et, en outre, si elle est théorique, le tribunal de première instance a-t-il le droit de refuser d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'entendre la demande de contrôle judiciaire malgré son caractère théorique?
[31] Ces deux questions, soit la question proposée conjointement et la question reformulée sur le caractère théorique, seront certifiées.
Frederick E. Gibson Juge
Ottawa (Ontario)
Le 27 mai 2005
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
INTITULÉ : Vivekananthan Nalliah c.
Le Solliciteur général du Canada
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Les 25 et 26 avril 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge GIBSON
DATE : Le 27 mai 2005
COMPARUTIONS :
Lorne Waldman
Leigh Salsberg
Brena Parnes
Toronto (Ontario)
Marie-Louise Wcislo
Anshumala Juyal
Rhonda Marquis
Toronto (Ontario)
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Waldman and Associates
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada
[1] 2005 CF 739.
[2] Voir Nalliah c. Le Solliciteur général du Canada et al, 2004 CF 1649, aux paragraphes [23] à [34].
[3] Partie I de la Loi constitutionelle de 1982 (L.R.C., 1985, appendice II, no 44), annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11.
[4] [2005] A.C.F. no 458 (Q.L.).
[5] [1989] 1 R.S.C. 342.
[6] [1999] 2 C.F. 432 (C.F. 1re inst.).
[7][1995] 2 C.F. 680 (C.A.F.), (pas cité devant moi).
[8] Au même effet, voir la décision Guzman c. Canada (MCI) [2002] A.C.F. no 25, au paragraphe [16] (C.F. 1re inst.), et Zhu c. Canada (MCI) [1995] A.C.F. no 1396, au paragraphe [8] (C.F. 1re inst.).
[9] DORS/2002 - 227.