Date : 20060308
Toronto (Ontario), le 8 mars 2006
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL
ENTRE :
IRMA ELIZABETH CASTANEDA COVARRUBIAS
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Au moment où elle a déposé sa demande d'asile à la Section de la protection des réfugiés (SPR), la demanderesse était âgée de 26 ans. Elle prétend essentiellement avoir subi, à partir de l'âge de sept ans, des violences psychologiques, physiques et sexuelles commises par son père, y compris des viols à partir de l'âge de dix-huit ans. La SPR a accepté le témoignage de la demanderesse au sujet des violences qu'elle a subies.
[2] La demanderesse, pour la violence physique qu'elle subissait, a demandé l'aide de la police deux fois, mais celle-ci a refusé les deux fois de faire un rapport. La demanderesse n'a pas rapporté les viols à la police.
[3] Dans sa décision, la SPR a tiré les conclusions importantes suivantes :
Toutefois, la question déterminante est la disponibilité d'une protection étatique adéquate en faveur de la demandeure d'asile au Mexique aujourd'hui. Une demandeure d'asile doit faire des efforts diligents pour solliciter la protection étatique dans son pays d'origine avant de demander l'asile à l'étranger [...] La demandeure d'asile n'a jamais rapporté d'agression sexuelle ou de viol aux autorités, et sa mère ne l'a pas fait non plus bien qu'elle était au courant de l'inceste dès l'année 2000. Je conclus que les deux déclarations effectuées par la demandeure d'asile en 1997 et en 1998 ne démontrent aucunement qu'elle a réalisé des efforts diligents pour solliciter la protection de son État, car elle n'a pas informé les autorités de la gravité de la violence qu'elle subissait. Elle n'a rapporté à aucun moment l'inceste ou la violence sexuelle de son père alors que ceux-ci se sont poursuivis jusqu'en milieu d'année 2003 lorsque la demandeure d'asile a voyagé au Canada pour la troisième fois.
(Décision, pages 4-5)
[4] Dans la décision à l'étude, la SPR affirme que les Directives du président concernant la persécution fondée sur le sexe ont été prises en compte. Cependant, je conclus que le raisonnement de la SPR sur le fait que la demanderesse n'ait pas rapporté les agressions sexuelles commises par son père ne se conforme pas aux attentes établies par les Directives. Celles-ci prévoient qu'il faut traiter de manière compréhensive les témoignages des victimes d'agression sexuelle afin de comprendre pourquoi certaines mesures ont été prises et d'autres non.
[5] Dans la présente affaire, il est évident que la SPR a eu de la difficulté à comprendre pourquoi la demanderesse n'avait pas rapporté les viols commis par son père. Dans son témoignage, la demanderesse a affirmé clairement que les deux refus de la police avaient ébranlé sa volonté de rapporter les agressions sexuelles. La demanderesse a expliqué qu'elle était gênée de le faire et qu'elle ne souhaitait pas que les autorités apprennent la conduite de son père (dossier du tribunal, pages 207-210).
[6] Je conclus qu'une mise en application compréhensive des Directives au témoignage de la demanderesse aurait dû amener la SPR à prendre en compte les raisons avancées et à expliquer pourquoi elles ne pouvaient être considérées comme valides. La décision à l'étude ne comporte pas de telle analyse.
[7] Je conclus donc que la décision de la SPR est manifestement déraisonnable.
ORDONNANCE
En conséquence, j'annule la décision de la SPR et je renvoie l'affaire à un tribunal différemment constitué pour qu'il rende une nouvelle décision conformément à la directive suivante : dans le cadre du réexamen, les faits énumérés aux pages trois et quatre de la décision de la SPR à l'étude doivent être considérés comme vrais, mais cela n'empêche pas la SPR de tirer des conclusions sur d'autres questions.
Traduction certifiée conforme
Elisabeth Ross
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2090-05
INTITULÉ : IRMA ELIZABETH CASTANEDA COVARRUBIAS
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 7 MARS 2006
ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS : LE 8 MARS2006
COMPARUTIONS :
Lorne Waldman POUR LA DEMANDERESSE
Gordon Lee POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lorne Waldman POUR LA DEMANDERESSE
Avocat
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR