Date : 20040628
Dossier : IMM-4165-03
Référence : 2004 CF 889
ENTRE :
MAURICE INNOCENT MPIANA
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée du 5 mai 2003, dans laquelle la Commission a conclu que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention ni une « personne à protéger » tel que ces expressions sont définies respectivement aux articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).
[2] Maurice Innocent Mpiana (le demandeur) est un citoyen de la République démocratique du Congo (la RDC) qui prétend craindre la persécution en raison des opinions politiques qui lui sont imputées et en raison de son appartenance à un groupe social particulier à titre de neveu de Symphorien Tshibanda (Symphorien). Le demandeur prétend aussi être une personne à protéger.
[3] La Commission a conclu que le fondement même de la demande du demandeur n'était pas crédible. En effet, la crainte alléguée de persécution du demandeur est entièrement fondée sur la relation entre son oncle Symphorien et Rashidi, laquelle s'était prétendument formée alors que les deux hommes étudiaient ensemble dans les années 1980. La Commission a constaté que Symphorien est néen 1971 et que selon la preuve documentaire, Rashidi, au moment de sa mort le 16 janvier 2001, avait soit dix-huit ans, soit une vingtaine d'années. À la lumière de cette preuve documentaire, la Commission a conclu que Rashidi était né soit en 1981 soit en 1983 et étant donné une différence d'âge aussi importante, la Commission a conclu qu'il était invraisemblable que les deux hommes aient pu devenir des amis à l'école. Le demandeur a allégué que la Commission avait écarté la possibilité que Rashidi était peut-être dans la fin de la vingtaine au moment de son décès en 2001. Toutefois, le demandeur n'a fourni absolument aucun élément de preuve à l'appui de cette interprétation des faits. Par conséquent, je conclus que le demandeur n'a pas démontré que la conclusion de la Commission sur cette question était déraisonnable. Il est important de se rappeler que la Commission est un tribunal spécialisé, capable d'apprécier la crédibilité de la preuve pourvu que les inférences qu'elle tire ne sont pas déraisonnables et que ses motifs sont exprimés de manière claire et compréhensive (voir Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.), et Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)). La Commission a également conclu que la preuve ne donnait pas à penser que l'oncle du demandeur était à ce point proche de Rashidi qu'on pourrait le soupçonner d'avoir participé à l'assassinat de Kabila. En effet, le demandeur a témoigné avoir vu Rashidi une fois tout au plus et était incapable de le décrire malgré le fait que Rashidi vivait avec Symphorien à Lubumbashi. Par conséquent, je conclus que la Commission avait suffisamment de raisons de douter de la légitimité de la relation entre Symphorien et Rashidi.
[4] La Commission a conclu qu'aucun élément de preuve crédible n'avait été présenté pour corroborer l'allégation du demandeur selon laquelle ses deux frères et un cousin avaient disparu à la suite d'une descente à sa résidence. En fait, la Commission a constaté que le demandeur avait mentionné dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) que ses frères portés disparus et son cousin vivaient à Lubumbashi. De plus, la Commission a rejeté les pièces R-3i) et R-3j) au motif qu'elles ne contenaient pas suffisamment de renseignements pour corroborer l'allégation du demandeur selon laquelle ses frères et son cousin étaient disparus. Je considère que la Commission n'a pas été déraisonnable dans son appréciation de cet aspect de la demande du demandeur. La Commission peut à bon droit apprécier la preuve dans son ensemble et, à la lumière de la contradiction contenue dans le FRP et des lettres vagues déposées comme pièces R-3i) et j), la Commission était fondée à conclure que cette allégation n'était pas crédible.
[5] Enfin, la Commission a constaté que le demandeur prétendait également craindre la persécution dans la RDC en raison de sa physionomie rwandaise. La Commission a rejeté cet élément de la demande du demandeur parce qu'il n'avait pas démontré en quoi sa physionomie ferait de lui une cible pour les autorités de la RDC. Selon les transcriptions de l'audience, le demandeur a dit de nombreuses fois à l'audience qu'il craignait également d'être persécuté en raison de sa physionomie rwandaise. Toutefois, il n'a jamais expliqué de manière satisfaisante pour la Commission en quoi sa physionomie rwandaise l'exposait à un risque de persécution. Je ne considère pas que la conclusion de la Commission sur cette question était manifestement déraisonnable, c'est-à -dire clairement irrationnelle.
[6] En réponse aux questions de la Commission, le demandeur n'a pu fournir aucune explication satisfaisante pour ces contradictions et invraisemblances, lesquelles se trouvaient au coeur de la demande du demandeur parce qu'elles remettaient en question le fondement même de sa crainte de persécution (Parnian c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) (1995), 96 F.T.R. 142). La Commission a clairement expliqué les raisons pour lesquelles elle doutait de la crédibilité du demandeur en se fondant sur ces incompatibilités et je suis convaincu que la Commission n'a commis aucune erreur manifestement déraisonnable lorsqu'elle a conclu que le demandeur n'était pas crédible.
[7] Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Yvon Pinard »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 28 juin 2004
Traduction certifiée conforme
Caroline Raymond, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4165-03
INTITULÉ: MAURICE INNOCENT MPIANA
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 27 MAI 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PINARD
DATE DES MOTIFS : LE 28 JUIN 2004
COMPARUTIONS:
Michael Crane POUR LE DEMANDEUR
Lorne McClenaghan POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Michael Crane POUR LE DEMANDEUR
Avocat
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)