Date : 19990421
Dossier : IMM-2722-98
OTTAWA (ONTARIO), LE 21 AVRIL 1999
EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE EVANS
Entre |
shukri mohamed sahal,
demanderesse,
et
le ministre de la citoyenneté et de l"immigration,
défendeur.
ordonnance
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
John M. Evans
JCFC
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes, LL.B.
Date : 19990421
Dossier : IMM-2722-98
Entre : |
shukri mohamed sahal,
demanderesse,
et
le ministre de la citoyenneté et de l"immigration,
défendeur.
motifs de l"ordonnance
le juge evans
[1] Shukri Mohamed Sahal a revendiqué le statut de réfugié au Canada au motif qu"elle craignait avec raison d"être persécutée en Somalie du fait de sa nationalité et de son appartenance à un groupe social. La section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a entendu sa revendication en septembre 1997, et l"a rejetée par décision du 11 mai 1998, au motif que la demanderesse était citoyenne de l"Éthiopie, un pays où elle n"avait aucune raison valable de craindre la persécution.
[2] La Commission a conclu que, de naissance, Mme Sahal était citoyenne éthiopienne, même si elle avait passé la majeure partie de sa vie en Somalie. Elle avait déclaré, tant dans les documents qu"elle a soumis que dans son témoignage oral, qu"elle était née en Éthiopie, mais qu"elle avait, très jeune, déménagé avec sa famille en Somalie. Par la suite, elle s"était fait naturaliser somalienne, ce qui aurait exigé qu"elle renonce à sa citoyenneté éthiopienne. Cependant, la Commission n"a pas reconnu l"authenticité des documents présentés par la demanderesse pour faire valoir sa nationalité somalienne.
[3] Néanmoins, la Commission a reconnu que Mme Sahal ayant déclaré ne posséder aucun document éthiopien établissant son lieu de naissance, elle pourrait difficilement réunir les preuves nécessaires pour convaincre les autorités éthiopiennes de sa citoyenneté.
[4] La Commission a également noté que le gouvernement éthiopien avait pour politique de favoriser le retour des citoyens éthiopiens pris dans le conflit somalien et que la citoyenneté pouvait être prouvée autrement que par la production de documents officiels éthiopiens tels qu"un titre de voyage ou un certificat de naissance. La Commission a conclu, néanmoins, que la famille de la demanderesse ayant quitté l"Éthiopie plus de vingt ans auparavant et s"étant dispersée du fait de la guerre civile en Somalie, il faudrait, sans doute, que Mme Sahal fasse diligence pour prouver sa citoyenneté à la satisfaction des autorités éthiopiennes.
[5] À l"audience, l"avocat de la demanderesse a plaidé que la Commission avait commis une erreur de droit en concluant que Mme Sahal était une citoyenne de l"Éthiopie et qu"elle avait droit, par conséquent, à la protection de ce pays, bien que la reconnaissance par l"Éthiopie de sa citoyenneté fût loin d"être acquise. Il a également plaidé qu"au chapitre de la protection, la reconnaissance, par le pays dont on se réclame, était finalement ce qui importait, et non l"avis de la Commission à cet égard.
[6] L"avocat m"a cité plusieurs cas où l"on avait dit qu"un demandeur du statut de réfugié a droit à la protection d"un pays où la preuve de la citoyenneté ne serait pour l"intéressé qu"une simple formalité qui peut être remplie auprès des autorités de ce pays par la présentation d"un sceau sur un passeport, ou par enregistrement, voir par exemple : Bouianova c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration (1993) 67 F.T.R. 74 (C.F. 1re inst.); Desai c. Canada ( Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (1994), 88 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.); Grygorian c. Canada ( Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (1995), 111 F.T.R. 316 (C.F. 1re inst.).
[7] L"avocat a de plus fait remarquer que même si le gouvernement éthiopien favorise le retour de ses citoyens résidant en Somalie, il doit également s"assurer que les Somaliens ne tirent pas avantage de cette politique. La demande de citoyenneté de la demanderesse est donc susceptible d"un examen minutieux par les autorités éthiopiennes parce qu"elle est Somalienne de par son ethnie, qu"elle a passé la majeure partie de sa vie en Somalie et conserve peu de liens avec l"Éthiopie. De fait, a noté l"avocat, un fonctionnaire de l"ambassade d"Éthiopie à Ottawa a déclaré que la citoyenneté éthiopienne de Mme Sahal ne pouvait être reconnue sans preuve à l"appui.
[8] Néanmoins, à mon avis, la Commission n"a pas commis une erreur de droit en rejetant la demande de statut de réfugié de Mme Sahal. Les cas où la Cour a conclu que la reconnaissance de la citoyenneté d"une personne n"était qu"une [TRADUCTION] " simple formalité " ne pouvaient être déterminants, dans un sens ou dans l"autre, au regard de la question que soulèvent les faits de l"espèce.
[9] Le cas Zdanov c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration (1994), 81 F.T.R. 246
(C.F. 1re inst.) est plus pertinent. La Cour a maintenu la conclusion de la Commission voulant que le demandeur était citoyen russe, et ce en dépit du fait que le statut de la citoyenneté de M. Zdanov fût loin d"être clair. En étayant sa conclusion, le juge Rouleau a déclaré (à la page 250) :
En l"espèce, le requérant n"a pas demandé la citoyenneté et ne s"est pas renseigné pour savoir si la citoyenneté lui serait refusée ou non; il ne désire pas le faire et, par conséquent, se qualifie " d"apatride ". À mon avis, il ne peut s"attendre à fonder sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention sur le fait qu"il n"a pas demandé - ou obtenu - la citoyenneté russe; si l"on statuait autrement, on lui permettrait d"ébranler la raison d"être des règles de droit international applicables aux réfugiés [...] |
[10] Cet énoncé s"applique au cas dont je suis saisi où la requérante a maintenu devant la Commission qu"elle n"était pas une citoyenne éthiopienne, mais somalienne. Ainsi, elle n"a jusqu"à présent fait aucun effort pour prouver aux autorités éthiopiennes qu"elle est née en Éthiopie et qu"elle en est citoyenne. Comme l"a dit le juge Rouleau dans la décision Zdano, précitée (à la page 250) :
[...] la question de la nationalité implique une évaluation de la preuve et une appréciation |
empirique des faits.
[11] À mon avis, la Commission disposait de preuves amplement suffisantes justifiant sa conclusion que selon la prépondérance des probabilités, Mme Sahal était, de naissance, citoyenne éthiopienne et qu"en faisant dûment diligence elle sera en mesure de fournir aux autorités éthiopiennes les preuves nécessaires établissant sa citoyenneté.
[12] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
OTTAWA (ONTARIO) |
Le 21 avril 1999. |
John M. Evans
JCFC
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes, LL.B.
cour fédérale du canada
section de première instance
avocats inscrits au dossier
no du greffe Imm-2722-98 |
intitulé de la cause : Shukri Mohamed Sahal c. M.C.I |
Lieu de l"audience : Toronto (Ontario) |
date de l"audience : 15 avril 1999 |
motifs de l"ordonnance par : le juge Evans |
en date du : 21 avril 1999 |
ont comparu
M. Lorne A. Favoritch pour la demanderesse |
M. Stephen Gold pour le défendeur |
Avocats inscrits au dossier
Chapnick & Associates
Toronto (Ontario) pour la demanderesse |
M. Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada pour le défendeur |