ENTRE :
ISHRAT HUSSAIN
HETSHAM HUSSAIN
SHREEN HUSSAIN
HALLA HUSSAIN
AROOG HUSSAIN
USUMA HUSSAIN
et
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION et
MINISTRE DE SÉCURITÉ PUBLIQUE ET PROTECTION CIVILE CANADA
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
[1] Une mesure de renvoi hors du Canada a été prise contre la famille Hussain le 24 novembre 2005. Le 21 novembre, j'ai sursis à cette mesure. Je consigne mes motifs par écrit pour qu'il n'y ait aucun malentendu sur les raisons qui m'ont amené à surseoir au renvoi et les arguments dont je n'ai pas tenu compte.
[2] Aftab et Ishrat sont arrivés au Canada avec leurs cinq enfants en décembre 2000 après être passés par les États-Unis. Ils se sont présentés comme des réfugiés du Pakistan. La Sectionde la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a statué qu'ils n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention des Nations Unies, ni des personnes ayant besoin d'une protection internationale. Ils ont demandé à la Cour l'autorisation de soumettre cette décision à un contrôle judiciaire. L'autorisation leur a été refusée.
[3] Ils ont ensuite fait deux choses. Ils ont demandé un examen des risques avant renvoi en invoquant le fait que la situation s'était détériorée au Pakistan. Cet examen leur a été défavorable.
[4] Ils ont aussi demandé que le ministre examine leur cas et leur octroie le statut de résident permanent ou lève les critères applicables s'il estime que des circonstances d'ordre humanitaire « - compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché - ou l'intérêt public le justifient » , comme le prévoit l'article 25 de la Loisur l'immigration et la protection des réfugiés (2001, ch. 27).
[5] En plus des cinq enfants mineurs, la mesure de renvoi touche un autre enfant, Almas, né au Canada il y a moins de deux ans. Citoyenne canadienne, elle n'est pas visée par la mesure de renvoi. Il va cependant de soi dans les circonstances qu'elle partira si ses parents partent.
[6] La demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a récemment été refusée. Un avis de demande d'autorisation et de contrôle judiciaire a été déposé. Comme la date à laquelle le dossier des Hussain doit être produit n'est pas encore passée, la Cour disposait de renseignements plutôt sommaires.
[7] Les Hussain invoquent principalement deux arguments pour justifier le sursis du renvoi. Le premier est que l'intérêt supérieur des enfants, et en particulier de l'enfant né au Canada, n'a pas été pris en considération. L'autre est qu'il est illogique de les renvoyer aux États-Unis, ce que prescrit la mesure de renvoi, alors que, mis devant l'obligation de partir, ils préféreraient retourner directement au Pakistan.
[8] J'ai sursis au renvoi pour des motifs d'ordre humanitaire. Je n'ai pas tenu compte du fait qu'ils seraient renvoyés aux États-Unis.
[9] Comme je l'ai mentionné à l'audience, j'étais préoccupé par la façon dont l'agente a abordé les craintes de M. Hussain quand aux difficultés financières qu'il ferait subir à sa famille au Pakistan faute d'emploi. Elle a dit : [Traduction ] « Rien ne permet de croire que le demandeur et sa famille éprouveraient de telles difficultés financières s'ils quittaient le Canada. Il y aura une période d'adaptation au cours de laquelle le demandeur devra se réintégrer et trouver un emploi, mais rien ne prouve qu'il sera incapable de s'établir à nouveau au Pakistan et d'y trouver du travail. Le demandeur et sa famille sont arrivés au Canada sans statut juridique et ils ont su dès leur arrivée que leur statut au Canada était incertain. »
[10] Almas, qui est née ici en 2004, ne semble pas du tout avoir été prise en considération. Elle a droit à un soutien financier qui, étant donné que les Hussain ont seulement vécu au Québec, découle de l'article 585 et des articles suivants du Code civil du Québec.
[11] C'est à la fois une question sérieuse à trancher et une raison de conclure qu'il peut y avoir un préjudice irréparable. La prépondérance des inconvénients est nettement favorable aux Hussain; c'est pourquoi j'estime que le critère à trois volets appliqué au sursis dans des décisions telles que Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 aété satisfait.
[12] Il y a plusieurs raisons pour lesquelles je n'ai pas tenu compte de la crainte des Hussain d'être renvoyé aux États-Unis, plutôt que directement au Pakistan. Ils semblent penser qu'ils y seraient détenus et maltraités. En cela, ils se distinguent de la plupart des demandeurs qui disent craindre la persécution dans leur pays d'origine et préféreraient de beaucoup aller aux États-Unis.
[13] La décision d'envoyer les Hussain aux États-Unis a été prise par l'agente chargée du renvoi. Il n'y a pas de question sous-jacente dans le contexte de l'affaire Toth parce qu'ils n'ont pas encore fait de demande d'autorisation et de contrôle judiciaire relativement à cette décision.
[14] Le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, fait état des modalités de renvoi. L'article 235 et les suivants prévoient que les étrangers peuvent se conformer volontairement à la mesure de renvoi. L'agent doit alors vérifier s'ils ont les ressources suffisantes pour quitter le Canada à destination du pays qui les accueillera. Il semble que les Hussain n'ont pas les moyens de payer leur propre transport vers le Pakistan. Si, comme c'est le cas en l'occurrence, la mesure de renvoi est exécutée par le ministre, les étrangers sont renvoyés vers l'un des pays suivants : celui d'où ils sont arrivés (États-Unis); celui où ils avaient leur résidence permanente avant de venir au Canada (Pakistan); celui dont ils sont les citoyens ou les nationaux (Pakistan); leur pays natal (Pakistan).
[15] S'ils sont renvoyés aux États-Unis, les Hussain seront vraisemblablement placés en détention administrative pendant un certain temps, ne serait-ce que parce qu'ils disent ne pas avoir de passeports pakistanais à jour. Ils sont maintenant avisés et ont le temps de faire ce qu'il faut à cet égard.
[16] Quant à leurs arguments voulant que les droits à l'égalité prévus par la Charte ont été violés (une loi pour les riches qui demandent l'asile sans succès et une autre pour les pauvres qui demandent l'asile sans succès) et que le ministre a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de décider où un étranger est renvoyé en raison d'arrangements pris avec les États-Unis au sujet de l'asile, la Courn'en a pas été saisie régulièrement, de sorte qu'il serait inconvenant de formuler des observations.
JUGE
Ottawa (Ontario)
Le 29 novembre 2005
Traduction certifiée conforme :
Lucie Boisvenue, trad.a.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-6636-05
INTITULÉ : AFTAB HUSSAIN
ISHRAT HUSSAIN
HETSHAM HUSSAIN
SHREEN HUSSAIN
HALLA HUSSAIN
AROOG HUSSAIN
USUMA HUSSAIN
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION et LE MINISTRE DE SÉCURITÉ PUBLIQUE ET PROTECTION CIVILE CANADA
défendeurs
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 21 NOVEMBRE 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 29 NOVEMBRE 2005
COMPARUTIONS :
Lucrèce M. Joseph
|
POUR LES DEMANDEURS |
Thi My Dung Tran
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lucrèce M. Joseph Montréal (Québec)
|
POUR LES DEMANDEURS |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
Date : 20051121
Dossier : IMM-6636-05
Montréal (Québec), le 21 novembre 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON
ENTRE :
AFTAB HUSSAIN ET AL.
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ETDE L'IMMIGRATION et
LE MINISTRE DE SÉCURITÉ PUBLIQUE ET PROTECTION CIVILE
CANADA
défendeurs
ORDONNANCE
VU la requête des demandeurs visant un sursis de la mesure de renvoi en date du 24 novembre 2005;
VU les observations écrites et verbales des parties;
ET ÉTANT CONVAINCUE que le critère à trois volets énoncé dans la décision Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 a été satisfait;
LA COUR ORDONNE :
- La requête est accueillie.
- La mesure de renvoi fait l'objet d'un sursis en attendant l'issue de la demande d'autorisation et, si elle est accueillie, de contrôle judiciaire visant la décision du 3 octobre 2005 où Linda Parker a refusé la demande de la famille Hussain fondée sur des motifs d'ordre humanitaire.
« Sean Harrington »
JUGE
Traduction certifiée conforme :
Lucie Boisvenue, trad.a.