Date : 20010209
Dossier : IMM-514-01
Référence neutre : 2001 CFPI 46
Ottawa (Ontario), le 9 février 2001
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER
ENTRE :
OK JU (YOON) PARK et YOON KYUNG PARK,
JAE SANG PARK représentés par leur tuteur à l'instance
OK JU (YOON) PARK
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS D'ORDONNANCE
LE JUGE PELLETIER
[1] À la fin de l'audition de la présente demande, j'ai rendu mon jugement dans le cadre d'une conférence téléphonique qui a eu lieu le 7 février 2001. Voici la transcription de mes motifs, que j'ai modifiés afin d'en améliorer la lisibilité.
[2] Il s'agit d'une demande de sursis suivant le refus d'un agent de renvoi de retarder le renvoi des demandeurs. Les faits de la présente affaire sont inusités.
[3] Madame Park entretient avec son époux une relation de violence qui perdure depuis un certain nombre d'années. Elle dit qu'elle est venue au Canada en compagnie de son époux car elle estimait qu'elle améliorerait ainsi son sort, vu les plus grandes protections dont bénéficient les femmes dans notre pays. Elle n'a pas invoqué la violence dont elle faisait l'objet pour étayer sa revendication du statut de réfugiée étant donné qu'à l'époque, elle vivait toujours avec son époux. Cette revendication a été rejetée, et elle n'a fait l'objet d'aucune demande de contrôle judiciaire. Par ailleurs, aucune demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire et aucune demande invoquant la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC) n'ont été faites. La famille ne s'est pas cachée, mais elle a évité d'être renvoyée. Il y a trois mois, les époux se sont séparés l'un de l'autre par suite de la violence de M. Park. Toutefois, ce dernier a continué de communiquer avec son épouse et de la menacer. Le week-end dernier, il s'est introduit de force dans leur demeure en brandissant un couteau de boucher dont il se servait pour menacer la demanderesse et les enfants. La demanderesse a réussi à le calmer en le laissant entrer dans la maison. Le lendemain, elle a demandé aux autorités policières de la protéger; à cette occasion, on l'a arrêtée en vertu d'un mandat de l'Immigration en suspens. Selon la preuve, il sera capable de la retrouver en Corée, et elle craint pour sa sécurité et celle de ses enfants. Je suis convaincu que sa crainte est fondée, car elle l'a poussée à se rendre à la police.
[4] L'avis de demande cherche à obtenir un jugement déclaratoire portant que le renvoi des demandeurs du Canada sans évaluation valable du risque porte atteinte au droit à la sécurité de leur personne que leur garantit l'article 7 de la Charte. Les demandeurs se fondent sur l'arrêt Farhadi c. Canada, [2000] A.C.F. 646, (2000), 257 N.R. 158, de la Cour d'appel fédérale pour étayer leur argument que « pour que la décision de renvoyer une personne du Canada soit valide, il faut au préalable qu'une évaluation du risque ait été effectuée et qu'une décision ait été prise à cet égard conformément aux principes de justice fondamentale » .
[5] L'arrêt Farhadi, précité, a été rendu dans le cadre d'une affaire de réfugié, et j'hésite à laisser entendre que le principe qui y est énoncé s'applique à tous les cas de renvoi. Cependant, je suis convaincu que la présente affaire soulève une question litigieuse en ce qui concerne le mécanisme par lequel le système d'immigration réagit à un changement de situation qui pose un danger imminent à la sécurité personnelle des demandeurs.
[6] La question de l'effet d'un retard à chercher à obtenir les réparations disponibles devra être tranchée dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire, et non à ce stade-ci.
[7] J'hésite également à conclure que l'obligation d'apprécier et de soupeser la question de savoir si un tel changement de situation s'est effectivement produit incombe à l'agent de renvoi, mais il s'agit également d'une question litigieuse que soulèvent les faits de la présente affaire.
[8] Je conclus donc que l'affaire soulève une question grave à trancher et qu'il pourrait y avoir un préjudice irréparable. La prépondérance des inconvénients suivra.
[9] La Cour ordonne qu'il soit sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion prise contre les demandeurs jusqu'à ce que leur demande de contrôle judiciaire ait été tranchée ou que leur demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire ait été traitée, selon la première de ces éventualités.
« J.D. Denis Pelletier »
J.C.F.C.
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
COUR FÉDÉ RALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-514-01
INTITULÉ DE LA CAUSE : Ok Ju (Yoon) Park et autres c. M.C.I.
REQUÊTE EN SURSIS ENTENDUE PAR CONFÉRENCE TÉLÉPHONIQUE : le 7 février 2001
LIEU DE L'AUDIENCE : Entre Ottawa et Toronto
MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE PELLETIER
EN DATE DU : 9 février 2001
ONT COMPARU :
M. Ron Poulton pour les demandeurs
M. Martin anderson pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Mamann and Associates pour les demandeurs
Toronto (Ontario)
M. Morris Rosenberg pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada