Date : 20000306
Dossier : IMM-5182-99
ENTRE :
DUC CUONG DAN
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L"IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS D"ORDONNANCE
M. JOHN A. HARGRAVE,
PROTONOTAIRE
[1] Monsieur Dan est un citoyen canadien. Son cas, qui porte sur la réunification d"une famille, soit la réunification du demandeur et de son épouse vietnamienne et leur enfant canadien, qui se trouvent tous les deux au Vietnam, réunification qu"un agent d"immigration a refusée, a pris une mauvaise tournure. La demande d"autorisation que M. Dan a produite en vue de présenter une demande de contrôle judiciaire a également été rejetée.
[2] Monsieur Dan, qui se représente lui-même, cherche à obtenir un réexamen de l"ordonnance en refus datée du 11 février 2000. Cependant, il n"a pas respecté le délai de prescription de dix jours, prévu à la Règle 397, applicable au dépôt d"une demande de réexamen, en partie parce que la Cour a attendu au sixième jour de ce délai pour poster l"ordonnance. Cela dit, M. Dan doit, dans la présente instance, pouvoir invoquer l"un des motifs d"examen prévus à la Règle 397. Le ministère public a souligné à bon droit que ni l"intention de M. Dan de présenter une demande de réexamen, ni un quelconque préjudice que subirait le défendeur n"était en cause, ce qui fait que M. Dan doit établir qu"il est visé par le critère que prévoit la Règle 397(1)b ), selon lequel une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement.
[3] En examinant cet aspect, soit celui d"une question qu"on a oublié ou omis accidentellement de considérer, je dois avoir à l"esprit qu"un réexamen ne constitue pas une occasion de produire de nouveaux éléments de preuve ou de nouveaux arguments, en l"espèce pour des motifs d"ordre humanitaire. Pour obtenir un réexamen, il doit y avoir des circonstances extraordinaires : voir par exemple Vinogradov c. M.E.I. (1994), 77 F.T.R. 296 (C.F. 1re inst.). Dans le cas où l"affaire ne comporte pas de telles circonstances, le demandeur doit assumer les conséquences de ses omissions.
[4] En l"espèce, il y a une circonstance extraordinaire. Elle est fondée sur le principe que l"avocat [TRADUCTION] " ... doit porter à l"attention de la cour tous les précédents pertinents, qu"ils soient favorables ou non à la partie qu"il représente " : Halsbury, 4th Edition, revised, à la page 324. En outre, [TRADUCTION] " ... dans les affaires au civil, l"avocat doit veiller à ce que la cour soit informée de toutes les décisions pertinentes qu"il connaît, qu"elles soient favorables ou non à sa thèse; ... " (ibid. , à la page 377). En fait, il incombe à la Cour de porter à l"attention de l"avocat tout précédent qu"on a oublié de mentionner : voir par exemple Glebe Sugar Refining Co. v. Trustees of Port and Harbours of Greenock [1921] 2 A.C. 66 (C.L.), aux pages 71 et 78.
[5] À la fin des plaidoiries, j"ai demandé si l"on avait tenu compte de l"intérêt de l"enfant canadien de M. Dan et de son épouse, Thuy-Binh Luong. La décision de la Commission n"a mentionné l"enfant, Khanh Tu Dan, que lorsqu"elle a accepté des faits de peu d"importance, soit que M. Dan souhaitait que l"enfant accompagne sa mère au Canada, que l"avocat de M. Dan avait souligné que [TRADUCTION] " ... les conditions de vie au Vietnam sont terribles et que l"on craint que cela aura une incidence sur le bien-être de l"enfant, qui est un citoyen canadien ", et que selon l"agent d"immigration qui a refusé la demande, M. Dan souhaitait faire venir sa fille au Canada [TRADUCTION] " pour améliorer ses conditions de vie ".
[6] Vu l"absence de toute considération de l"intérêt et du bien-être de l"enfant de la part de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié, voire l"absence totale de toute considération, de la part de quiconque, de l"intérêt de Khanh Tu, j"ai renvoyé l"avocat à l"arrêt Baker c. La Reine , [1999] 2 R.C.S. 817. La question litigieuse dans l"arrêt Baker portait sur la situation et l"intérêt d"enfants à charge canadiens dans le contexte de considérations de nature humanitaire. On trouve un passage pertinent à la page 864 de l"arrêt Baker :
La question certifiée demande s"il faut donner la primauté à l"intérêt supérieur des enfants dans l"examen du cas d"un demandeur sous le régime du par. 114(2) et du règlement. Les principes susmentionnés montrent que, pour que l"exercice du pouvoir discrétionnaire respecte la norme du caractère raisonnable, le décideur devrait considérer l"intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt. Cela ne veut pas dire que l"intérêt supérieur des enfants l"emportera toujours sur d"autres considérations, ni qu"il n"y aura pas d"autres raisons de rejeter une demande d"ordre humanitaire même en tenant compte de l"intérêt des enfants. Toutefois, quand l"intérêt des enfants est minimisé, d"une manière incompatible avec la tradition humanitaire du Canada et les directives du ministre, la décision est déraisonnable. |
Les parties auraient dû faire part à la Cour, pour fins d"examen, du fait qu"on a accordé très peu d"importance à l"intérêt de l"enfant canadien, Khanh Tu Dan. Monsieur Dan, bien qu"il ne soit pas un plaideur, semble avoir fait un travail minutieux malgré son manque de connaissances, dont le fait qu"il ne connaît pas les règles de pratique et de procédure de même que le droit en matière d"immigration. Son omission est malheureuse. Cependant, l"avocate du défendeur aurait dû aborder l"arrêt Baker .
[7] Outre le fait que M. Dan a été avisé très tardivement du rejet de sa demande d"autorisation en vue de présenter une demande de contrôle judiciaire, compte tenu du fait qu"on n"a pas tenu compte de l"intérêt de l"enfant canadien, Khanh Tu Dan, la Cour ordonne que M. Dan puisse chercher à obtenir un réexamen de l"ordonnance datée du 11 février 2000.
" John A. Hargrave "
protonotaire
Vancouver (Colombie-Britannique)
Le 6 mars 2000
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-5182-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : DUC CUONG DAN
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L"IMMIGRATION
LIEU DE L"AUDIENCE : VANCOUVER (C.-B.)
DATE DE L"AUDIENCE : LE 6 MARS 2000
MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR M. JOHN A. HARGRAVE, PROTONOTAIRE
EN DATE DU : 6 MARS 2000
ONT COMPARU :
M. Duc Cuong Dan pour son propre compte
Mme Kim Shane pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada pour le défendeur