T-2124-95
OTTAWA (ONTARIO), LE 11 MARS 1997
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU
AFFAIRE intéressant la Loi sur la citoyenneté,
L.R.C. (1985), ch. C-29
ET l'appel formé contre la décision
d'un juge de la citoyenneté
ET
Syh Chiang Lin,
appelant
JUGEMENT
La Cour fait droit à l'appel.
Signé : P. Rouleau
________________________________
Juge
Traduction certifiée conforme ________________________________
F. Blais, LL. L.
T-2124-96
AFFAIRE intéressant la Loi sur la citoyenneté,
L.R.C. (1985), ch. C-29
ET l'appel formé contre la décision
d'un juge de la citoyenneté
ET
Syh Chiang Lin,
appelant
MOTIFS DU JUGEMENT
Le juge ROULEAU
Il y a en l'espèce appel formé contre la décision d'un juge de la citoyenneté qui, le 14 août 1995, a refusé à l'appelant M. Lin la citoyenneté canadienne, par ce motif qu'il ne satisfaisait pas à la condition de résidence de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, à savoir qu'il n'avait pas résidé au moins trois années au Canada durant les quatre années qui précédaient sa demande. Le juge de la citoyenneté a constaté que l'appelant n'avait été présent au Canada que 520 jours sur les 1 384 jours qui suivirent son établissement, ce qui fait qu'il lui manquait encore 575 jours pour atteindre le total requis de 1 095 jours.
Il a été jugé que l'appelant ne maintenait pas des liens suffisants avec le Canada durant ses absences pour que celles-ci puissent compter pour des périodes de résidence au regard de la Loi, et qu'il n'y avait aucun motif pour recommander l'exercice par le ministre de son pouvoir discrétionnaire d'accorder la citoyenneté. Dans sa décision, le juge de la citoyenneté a pris en compte le fait que l'appelant avait toujours son entreprise à Taïwan, que juste 15 jours après son arrivée au Canada, il est retourné à Taïwan pour des affaires de famille et que, par la suite, il y est retourné régulièrement soit pour affaires soit pour raisons de famille.
Les appels instruits par la Cour fédérale sous le régime du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté étant des procès de novo, je suis habilité à examiner toutes les preuves produites, y compris les dépositions de l'appelant et celles de tout autre témoin.
L'appelant a comparu devant la Cour à Toronto le 9 janvier 1997. Son avocat soutient à la lumière du précédent Re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208, et de la jurisprudence subséquente de la même école, que le juge de la citoyenneté a commis une erreur de droit en insistant sur la condition de la présence physique au Canada.
L'appelant, qui a 49 ans, est né le 12 novembre 1947 à Miaoli (Taïwan). Arrivé au Canada avec sa femme et leurs deux fils par Vancouver le 10 août 1990, il s'est vu accorder le statut de résident permanent le même jour. Il est entré Canada à titre d'entrepreneur immigrant. Il a investi dans une entreprise d'équipement de bureau qui avait une vingtaine d'employés. Sa famille et lui-même habitent actuellement Vancouver (Colombie-Britannique).
À son arrivée au Canada, il avait prévu de liquider son entreprise de Taïwan au bout de quelques années. Cependant, son investissement au Canada n'a pas donné les résultats voulus; il y a perdu quelque 300 000 dollars. Vers novembre 1991, il avait perdu tout son investissement dans la compagnie de vente et de réparation de l'équipement de bureau. En moins d'un an, la compagnie a été en proie aux difficultés financières et il a dû y mettre encore de l'argent pour en prolonger l'exploitation; il a dû même hypothéquer sa maison à cette fin.
Heureusement, M. et Mme Lin avaient gardé leur entreprise de Taïwan, qui était une ressource leur permettant de couvrir les pertes et de conserver leur maison de Vancouver. L'appelant importe de Chine continentale une figurine en porcelaine très prisée des collectionneurs à travers le monde. Plus de 300 000 figurines de ce type ont été vendues en Amérique du Nord en 1994. Un grand nombre de Canadiens participant à la distribution de cet article tirent un bénéfice de l'entreprise de M. Lin.
Pour ce qui est de ses voyages à l'étranger, l'appelant explique que peu de temps avant son arrivée au Canada, sa mère mourut et il a dû retourner à Taïwan pour aider son vieux père à mettre de l'ordre dans les affaires de sa mère, et passer quelque temps à ses côtés pour le soutenir dans son épreuve. Il affirme qu'il a fait en sorte que ses voyages, bien que fréquents, fussent le plus brefs possible. Il est retourné à Taïwan pour conduire ses affaires et pour s'occuper de son père. Il fait savoir qu'après avoir perdu son investissement, la seule solution logique consistait à continuer à exploiter son entreprise de Taïwan jusqu'à ce qu'il soit financièrement rétabli.
Ainsi que je l'ai fait observer à la clôture de l'audience, je conclus que les absences de cet appelant du Canada étaient de nature temporaire et que sa vie est centrée au Canada.
L'appel est accueilli.
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Juge
OTTAWA (Ontario),
le 11 mars 1997
Traduction certifiée conforme ________________________________
F. Blais, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NUMÉRO DU GREFFE : T-2124-95
INTITULÉ DE LA CAUSE : In re Loi sur la citoyenneté et Syh Chiang Lin
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : 9 janvier 1997
MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE ROULEAU
LE : 11 mars 1997
ONT COMPARU :
Mary Lam pour l'appelant
Peter K. Large intervenant bénévole
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Cecil L. Rotenberg, c.r. pour l'appelant
Don Mills (Ontario)
Peter K. Large intervenant bénévole
Toronto (Ontario)