Date : 20010625
Dossier : IMM-3541-00
Référence neutre : 2001 CFPI 700
Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 25 juin 2001
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE
ENTRE :
BALJEET SINGH KUNDI
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision, en date du 13 juin 2000, par laquelle l'agent des visas M. Keshub a refusé la demande de résidence permanente au Canada du demandeur.
[2] Le demandeur cherche à obtenir une ordonnance de certiorari qui annulerait la décision précitée et une ordonnance de mandamus qui enjoindrait au Haut-commissariat du Canada de réexaminer sa demande conformément au droit.
[3] Le demandeur, Baljeet Singh Kundi, est un citoyen de l'Inde né le 20 mai 1965. Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre d'immigrant indépendant dans laquelle il a indiqué qu'il envisageait exercer la profession de vérificateur d'usinage et d'outillage (code CNP : 7231.2). Le demandeur a notamment fourni, avec sa demande, les éléments suivants :
· Différents documents se rapportant à ses études.
· Une lettre de Sarwan Associates, datée du 5 octobre 1990, dans laquelle il est déclaré que le demandeur a travaillé pour cette entreprise en tant que stagiaire entre le 19 juin 1988 et le 17 juillet 1990. Après avoir terminé avec succès son stage, le demandeur a été engagé comme [TRADUCTION] « machiniste (superviseur) » .
· Une lettre d'Ashish & Bros., datée du 16 novembre 1997, dans laquelle il est déclaré que le demandeur a travaillé pour cette entreprise en tant que vérificateur d'usinage et d'outillage du 6 octobre 1994 au 16 novembre 1997.
· Une lettre de KALSI Mechanical Works, datée du 2 janvier 1998, attestant que le demandeur travaille pour cette entreprise depuis le 17 novembre 1997 en tant que conseiller de contrôleurs d'outils et de matrices.
· Des photos montrant le demandeur à son lieu de travail chez KALSI.
[4] Le demandeur a déclaré s'être présenté à une entrevue avec sa femme et son fils le 10 mai 2000. Au cours de cette entrevue, le demandeur a apporté la preuve que le [TRADUCTION] « frère véritable de sa mère » vivait au Canada. Sa demande a donc été changée de la catégorie d'immigrant indépendant à celle de la famille et cinq points bonis lui ont été attribués. Par une lettre datée du 13 juin 2000, dont des extraits suivent, la demande de résidence permanente au Canada du demandeur a été refusée.
[TRADUCTION] Vous avez été apprécié sur le fondement des renseignements fournis dans votre formulaire de demande et à l'entrevue, au regard des exigences relatives à la profession devérificateur d'usinage et d'outillage, CNP 7231.2. Les points d'appréciation qui vous ont été attribués pour chaque critère de sélection sont :
Âge 10
Facteur de profession 05
FEF/PPS 15
Expérience 00
Facteur démographique 08
Études 13
Anglais 09
Qualités 04
64
Le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 ne permet pas à un agent des visas de délivrer un visa d'immigrant aux demandeurs qui n'ont obtenu aucun point d'appréciation pour le facteur de l'expérience, à moins que le demandeur n'ait un emploi réservé faisant l'objet d'une certification par un centre d'emploi du Canada et ne possède une attestation écrite de l'employeur éventuel confirmant qu'il est disposé à engager une personne inexpérimentée pour occuper ce poste. En plus de la déclaration de l'employeur éventuel, l'agent des visas doit être convaincu que l'intéressé pourra accomplir le travail voulu, malgré son manque d'expérience.
Vous avez demandé à être apprécié en tant que vérificateur d'usinage et d'outillage. Me fondant sur les renseignements et la description des fonctions dans votre emploi actuel soumis, je ne vous ai attribué aucun point pour votre expérience dans cette profession. Vous ne détenez aucune expérience correspondant aux descriptions de tâches de la profession ci-haut mentionnée. De plus, vos études ne vous permettent pas d'exercer cette profession au Canada. Selon la Classification nationale des professions (CNP), vous auriez dû suivre avec succès un programme d'apprentissage de quatre ans ou avoir plus de quatre ans d'expérience dans ce métier ainsi qu'une formation spécialisée, en milieu scolaire ou industriel, alors que vous n'avez que 12 ans d'études et un diplôme d'un an pour un cours dans le métier de machiniste, suivi dans un établissement privé.
Aucun point ne vous a été attribué pour le facteur de l'expérience et vous n'avez pas d'emploi réservé faisant l'objet d'une attestation par un centre d'emploi du Canada. Par conséquent, vous appartenez à la catégorie inadmissible de personnes décrite à l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration et votre demande est refusée.
Sur le fondement des renseignements fournis à l'entrevue, vous avez été apprécié au regard des exigences relatives à la profession de vérificateur d'usinage et d'outillage, CNP 7231.2.Malheureusement, la demande pour cette profession est nulle au Canada.
[5] Le demandeur cherche maintenant à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision.
Dispositions législatives pertinentes
[6] L'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 énonce :
19.(2) Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui_: . . . d) soit ne se conforment pas aux conditions prévues à la présente loi et à ses règlements ou aux mesures ou instructions qui en procèdent, soit ne peuvent le faire. |
19.(2) No immigrant and, except as provided in subsection (3), no visitor shall be granted admission if the immigrant or visitor is a member of any of the following classes: . . . (d) persons who cannot or do not fulfil or comply with any of the conditions or requirements of this Act or the regulations or any orders or directions lawfully made or given under this Act or the regulations. |
|
[7] Il est notamment stipulé, en ce qui a trait à la formation pour la profession correspondant au code 7231.2 de la CNP, que :
· Quelques années d'études secondaires sont exigées.
· Un programme d'apprentissage de quatre ans
ou
plus de quatre ans d'expérience dans ce métier ainsi qu'une formation spécialisée, en milieu scolaire ou industriel, sont habituellement exigés pour obtenir un certificat de qualification en usinage.
· Un certificat de qualification est offert, mais facultatif, dans toutes les provinces et tous les territoires sauf le Québec.
Questions
[8] 1. L'agent des visas a-t-il commis une erreur dans son appréciation de l'expérience du demandeur?
2. L'agent des visas a-t-il outrepassé sa compétence?
3. Y a-t-il eu un manquement au devoir d'agir équitablement?
4. L'agent des visas a-t-il commis une erreur dans son évaluation des qualités personnelles du demandeur?
Aanlyse et décision
[9] Question 1
L'agent des visas a-t-il commis une erreur dans son appréciation de l'expérience du demandeur?
Il est déclaré, au paragraphe 18 de l'affidavit de l'agent :
[TRADUCTION] Comme Baljeet Singh Kundi n'avait pas tout à fait les études ni la formation pour le métier de machiniste, je n'étais pas convaincu que Baljeet Singh Kundi avait de l'expérience comme vérificateur d'usinage et d'outillage et qu'il était qualifié pour exercer cette profession au Canada. Étant donné sa formation dans un établissement privé et l'expérience déclarée dans trois petits ateliers, j'étais convaincu qu'il remplissait probablement les fonctions d'un superviseur d'outils et de matrices.
On peut lire, dans les notes du système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (le CAIPS) :
[TRADUCTION] LE DEMANDEUR PRINCIPAL A INSCRIT COMME PROFESSION ACTUELLE ET ENVISAGÉE « VÉRIFICATEUR D'USINAGE ET D'OUTILLAGE » CNP 7231.2, PROFESSION FAISANT PARTIE DE LA PROFESSION DE MACHINISTE SELON LA CNP. LES CONDITIONS EN CE QUI A TRAIT À LA FORMATION SONT : AVOIR SUIVI AVEC SUCCÈS UN PROGRAMME D'APPRENTISSAGE DE QUATRE ANS OU AVOIR PLUS DE QUATRE ANS D'EXP. DE TRAVAIL DANS CE MÉTIER AINSI QU'UNE FORMATION SPÉCIALISÉE, EN MILIEU SCOLAIRE OU INDUSTRIEL. LE DEMANDEUR PRINCIPAL TRAVAILLE APPAREMMENT DANS UN PETIT ATELIER ET PEUT AVOIR UNE CERTAINE EXPÉRIENCE COMME MACHINISTE. CEPENDANT, IL N'A PAS TOUT À FAIT LES ÉTUDES D'UN MACHINISTE. A FOURNI UN CERT. DE QUALIFICATION D'UN ÉTABLISSEMENT PRIVÉ QUI NE PARAÎT PAS ÊTRE UN ÉTABLISSEMENT RECONNU POUR LA FORMATION DES MACHINISTES. JE NE SUIS PAS CONVAINCU QUE LE DEMANDEUR PRINCIPAL AIT LES ÉTUDES ET LA FORMATION REQUISES D'UN MACHINISTE. PAR CONSÉQUENT, IL N'EST PAS QUALIFIÉ POUR TRAVAILLER COMME VÉRIFICATEUR D'USINAGE ET D'OUTILLAGE.
Et on peut lire, à la page 2 de la lettre de décision envoyée au demandeur :
[TRADUCTION] Vous avez demandé à être apprécié en tant que vérificateur d'usinage et d'outillage. Me fondant sur les renseignements soumis et la description des fonctions dans votre emploi actuel que vous nous avez donnée, je ne vous ai attribué aucun point pour votre expérience dans cette profession. Vous ne détenez aucune expérience correspondant aux descriptions de tâches de la profession ci-haut mentionnée. De plus, vos études ne vous permettent pas d'exercer cette profession au Canada. Selon la Classification nationale des professions (CNP), vous auriez dû suivre avec succès un programme d'apprentissage de quatre ans ou avoir plus de quatre ans d'expérience dans ce métier ainsi qu'une formation spécialisée, en milieu scolaire ou industriel, alors que vous n'avez que 12 ans d'études et un diplôme d'un an pour un cours dans le métier de machiniste, suivi dans un établissement privé.
[10] Le défendeur concède que l'agent des visas a mal interprété les exigences de formation pour la profession que le demandeur envisage exercer, car le demandeur n'a besoin de formation supplémentaire (un programme d'apprentissage de quatre ans ou plus de quatre ans dans ce métier ainsi qu'une formation spécialisée, en milieu scolaire ou industriel, sont habituellement exigés pour obtenir un certificat de qualification en usinage) que s'il cherche à obtenir un certificat de qualification. Seul le Québec exige que ses travailleurs détiennent un certificat de qualification et le demandeur n'avait pas l'intention de s'y établir. Le défendeur prétend que l'erreur de l'agent des visas en ce qui concerne les exigences de formation n'avait pas d'incidence sur le fait qu'il n'ait attribué aucun point au demandeur pour son expérience.
[11] Je ne partage pas cet avis pour deux raisons. Premièrement, l'agent des visas a déclaré, au paragraphe 18 de son affidavit, que comme le demandeur [TRADUCTION] « n'avait pas tout à fait les études ni la formation pour le métier de machiniste, je n'étais pas convaincu que Baljeet Singh Kundi avait de l'expérience comme vérificateur d'usinage et d'outillage et était qualifié pour exercer cette profession au Canada. » Deuxièmement, l'agent des visas, dans les notes du CAIPS, a déclaré que le demandeur peut avoir une certaine expérience comme machiniste, mais qu'il n'a pas tout à fait les études d'un machiniste. L'agent des visas semble utiliser les termes « machiniste » et « vérificateur d'usinage et d'outillage » de façon interchangeable. Dans la lettre de refus, ces termes semblent aussi avoir été utilisés l'un pour l'autre.
[12] Mon examen de la preuve indique que l'agent des visas a semblé associer le manque de formation du demandeur (quand l'agent exigeait, à tord, que le demandeur ait les études nécessaires pour obtenir un certificat de qualification) à l'attribution d'aucun point pour l'expérience. Selon moi, l'agent des visas aurait dû attribuer quelques points d'appréciation pour l'expérience du demandeur puisque l'agent des visas a déclaré, dans les notes du CAIPS, que le demandeur [TRADUCTION] « peut avoir une certaine expérience comme machiniste » . Ce n'est pas à moi qu'il revient de décider du nombre de points qui devraient être attribués. L'agent des visas a commis une erreur en n'attribuant aucun point d'appréciation pour l'expérience du demandeur et cette décision doit être annulée.
[13] Vu ma conclusion sur la question 1, je n'ai pas à me prononcer sur les autres questions soulevées par le demandeur.
[14] La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l'agent des visas est annulée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour que ce dernier procède à un nouvel examen.
[15] Aucune partie n'a demandé la certification d'une question grave de portée générale.
ORDONNANCE
[16] LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision de l'agent des visas soit annulée et que l'affaire soit renvoyée à un autre agent des visas pour que ce dernier procède à un nouvel examen.
« John A. O'KEEFE »
Juge
Fredericton (Nouveau-Brunswick)
Le 25 juin 2001
Traduction certifiée conforme
Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3541-00
INTITULÉ : BALJEET SINGH KUNDI
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE LUNDI 18 JUIN 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE O'KEEFE
DATE DES MOTIFS ET
DE L'ORDONNANCE : LE LUNDI 25 JUIN 2001
COMPARUTIONS :
M. H. S. Gahir
POUR LE DEMANDEUR
M. J. Eastman
POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Harinder S. Gahir
7955, chemin Torbram
Bureau 6
Brampton (Ontario)
L6T 5B9
POUR LE DEMANDEUR
Ministère de la Justice
130, rue King Ouest, bureau 3400,
Tour de la Bourse, C.P. 36
Toronto (Ontario)
M5X 1K6
POUR LE DÉFENDEUR
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20010625
Dossier : IMM-3541-00
Référence neutre : 2001 CFPI 700
ENTRE :
BALJEET SINGH KUNDI
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE