Date : 20050309
Dossier : IMM-303-04
Référence : 2005 CF 341
ENTRE :
ZITA SKANDROVSKI,
DIANA SKANDROVSKI
demanderesses
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE HARRINGTON
[1] Il s'agit d'une affaire inusitée. Est-il loisible à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié de rouvrir une demande dont elle a prononcé le désistement pour manquement à un principe de justice naturelle lorsqu'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de cette même décision est en instance devant la Cour sur le fondement des mêmes motifs? J'en doute, mais vu les faits de la présente affaire, il n'est pas nécessaire que je tranche cette question.
[2] Zita Skandrovski et sa fille Diana réclament la protection du Canada au motif qu'Israël n'est pas en mesure de les protéger contre le père de Diana, l'ex-mari de Zita. La Commission a prononcé le désistement de leurs demandes d'asile parce qu'elles n'avaient pas déposé leurs formulaires de renseignements personnels (les FRP) dans le délai prescrit. Elles ont été convoquées à une audience au cours de laquelle elles ont eu l'occasion d'expliquer pourquoi leurs demandes ne devaient pas être rejetées pour cause de désistement. Aux termes de la décision qu'elle a rendue le 18 juillet 2003, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a prononcé le désistement de leurs demandes.
[3] L'avocat des demanderesses a pris deux mesures : le 11 août 2003, il a saisi notre Cour d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire, le tout conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. On a assigné à cette demande le numéro de dossier IMM-6186-03. Un des moyens invoqués au soutien de cette demande était que [TRADUCTION] « le tribunal a manqué à un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou n'a pas suivi une autre procédure qu'il était tenu de par la loi de suivre » .
[4] Alors que cette demande était en instance, les Skandrovski ont, le 10 octobre 2003, demandé à la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié de rouvrir les demandes dont elle avait prononcé le désistement au motif que le tribunal avait [TRADUCTION] « manqué aux règles de justice naturelle et ignoré les principes de justice fondamentale » .
[5] Le 9 décembre 2003, la Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande de réouverture de la demande d'asile. Cette demande était fondée sur l'article 55 des Règles de la Section de la protection des réfugiés qui permet au demandeur d'asile ou au ministre de demander à la Section de rouvrir toute demande d'asile qui a fait l'objet d'une décision ou d'un désistement.
[6] Le 31 décembre 2003, la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire déposée dans le dossier IMM-6186-03 a été rejetée. Il ne peut y avoir de contrôle judiciaire sans autorisation.
[7] En janvier 2004, la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de ne pas rouvrir la demande d'asile initiale a été déposée. L'autorisation a été accordée. C'est la demande de contrôle judiciaire dont je suis saisi.
[8] Ainsi que le défendeur l'a signalé, les observations écrites dont je dispose sont constituées d'affidavits et d'arguments qui offrent une ressemblance frappante avec ceux du dossier IMM-6186-03.
[9] Je tiens à préciser dans les termes les plus nets que la décision en date du 31 décembre 2003 par laquelle la Cour a rejeté la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire dans l'instance relative au désistement (IMM-6186-03) est une décision définitive, sous réserve uniquement de la présentation d'une requête en réexamen ou en annulation en vertu des articles 397 et suivants des Règles de la Cour fédérale. Or, aucune requête de ce genre n'a été déposée devant la Cour.
[10] Ces deux demandes tournent autour de la conduite de l'ancienne avocate des Skandrovski. Bien que rien ne permette de penser qu'elle ait été convoquée devant le Barreau ou qu'on lui ait fourni l'occasion de faire valoir son point de vue au sujet des allégations d'inconduite dont elle fait l'objet, on a soutenu que la négligence et le conflit d'intérêts dont elle se serait rendue coupable ressortent du dossier. Plus particulièrement, des FRP qui n'avaient pas été remplis au complet avaient été signés avant l'expiration du délai prescrit de 28 jours. On faisait également valoir que la Commission n'avait pas traité de la maladie de Mme Skandrovski, laquelle maladie aurait contribué au retard, si ce n'est que pour recevoir une réponse négative à la question de savoir si elle avait été hospitalisée ou non. Elle affirmait qu'on ne lui avait pas donné la possibilité d'expliquer sa maladie et qu'une question générale lui demandant si elle avait quelque chose à ajouter était insuffisante.
[11] Les paragraphes 55(1) et (4) disposent :
55. (1) Le demandeur d'asile ou le ministre peut demander à la Section de rouvrir toute demande d'asile qui a fait l'objet d'une décision ou d'un désistement.
[...]
(4) La Section accueille la demande sur preuve du manquement à un principe de justice naturelle. |
55. (1) A claimant or the Minister may make an application to the Division to reopen a claim for refugee protection that has been decided or abandoned.
...
(4) The Division must allow the application if it is established that there was a failure to observe a principle of natural justice. |
[12] Malgré le libellé général de ces dispositions, le juge Mosley a estimé, dans la décision Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1153; [2004] A.C.F. no 1394 (QL), qu'une demande de réouverture ne peut être accueillie que lorsqu'on peut établir qu'il y a eu un manquement à un principe de justice naturelle. Je suis du même avis. La décision de refuser la réouverture était raisonnable et demeure valable.
[13] L'affaire Ali, précitée, était semblable. Dans cette affaire, le FRP n'avait pas été déposé dans le délai prescrit et la Commission avait prononcé le désistement de la demande d'asile. À la différence des Skandrovski, Ali avait seulement demandé la réouverture de sa demande en vertu de l'article 55 des Règles de la Section de la protection des réfugiés. Il n'avait pas présenté de demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision initiale par laquelle le désistement avait été prononcé.
[14] Il s'avère que les deux décisions allaient dans le même sens et qu'elles étaient toutes les deux défavorables. En supposant qu'elles aient été toutes les deux favorables, le contrôle judiciaire de la décision par laquelle le désistement a été prononcé suivrait-il son cours et les Skandrovski poursuivraient-elles en passant à l'étape de l'audience relative à la réouverture advenant le cas où la demande de contrôle judiciaire serait rejetée? Et qu'arriverait-il si les décisions étaient différentes?
[15] Il serait inacceptable que la Commission en arrive en fait à réviser involontairement et inconsciemment la décision de la Cour de refuser d'accorder l'autorisation demandée. Il aurait à tout le moins fallu que la Commission soit informée de la demande d'autorisation en instance qui portait sur la décision prononçant le désistement, laquelle demande soulevait aussi une question de manquement aux principes de justice naturelle. Juger autrement déconsidérerait l'administration de la justice. Qui plus est, une requête en réouverture risque fort, dans ces conditions, de constituer un abus de procédure qui porterait atteinte à l'intégrité de la Commission. L'article 52 des Règles de la Section de la protection des réfugiés ne donne qu'un seul exemple d'abus de procédure.
[16] Ce qui ne veut pas dire qu'il ne soit jamais possible de présenter une demande de réouverture d'une demande si la Cour refuse d'accorder l'autorisation. Ainsi, de nouveaux faits pourraient être révélés. Par exemple, on pourrait découvrir que le commissaire est un vieil ami de M. Skandrovski.
[17] Aux termes de l'article 74 de la Loi, il ne peut être interjeté appel de la présente décision à la Cour d'appel fédérale que si le juge certifie que l'affaire soulève une question grave de portée générale et qu'il énonce celle-ci. Bien que l'interaction entre l'article 74 de la Loi et l'article 55 des Règles soit très importante, la certification d'une question ne serait d'aucune utilité pour les Skandrovski. Quelle que soit la norme de contrôle retenue, la décision de la Commission de refuser de rouvrir la demande dont le désistement a été prononcé au motif qu'aucun manquement aux règles de justice naturelle n'avait été commis était bien fondée. Une question certifiée doit être pertinente en ce sens qu'elle doit permettre d'accueillir l'appel.
_ Sean Harrington _
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 9 mars 2005
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-303-04
INTITULÉ : ZITA SKANDROVSKI,
DIANA SKANDROVSKI
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 22 FÉVRIER 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 9 MARS 2005
COMPARUTIONS :
Robin Morch POUR LES DEMANDERESSES
Karen Dickson POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Robin Morch POUR LES DEMANDERESSES
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Date : 20050308
Dossier : IMM-303-04
Ottawa (Ontario), le 8 mars 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON
ENTRE :
ZITA SKANDROVSKI,
DIANA SKANDROVSKI
demanderesses
et
LE MINISTRE DE LA
CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
VU la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire d'une décision en date du 9 décembre 2003 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande présentée par les demanderesses en vue de rouvrir leurs demandes d'asile;
LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B..