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                                                                                                          Date : 20010425

                                                                                                 Dossier : IMM-308-00

                                                                               Référence neutre : 2001 CFPI 386

Entre :

                                   Natasha Veliaj, Arber Veliaj, Stela Veliaj,

                                           Arben Aleksi, Gentiana Aleksi

                                                                                                                  demandeurs

                                                              - et -

                              le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

                                                                                                                     défendeur

                      ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Muldoon

1. Introduction

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration à l'encontre de la décision d'un agent de révision des revendications refusées (l'agent) en date du 17 janvier 2000, par laquelle l'agent avait, en raison d'un dépôt tardif, refusé la demande présentée par les demandeurs en vue d'obtenir la qualité de DNRSRC.

2. Les faits


[2]         Les demandeurs, membres de la même famille, sont des ressortissants albanais. La demanderesse principale, Natasha Veliaj, est née le 7 août 1950 et elle est la mère de deux filles, Gentiana Aleksi (née Veliaj), née le 26 février 1973, et Stela Veliaj, née le 14 mars 1978, ainsi que d'un fils, Arber Veliaj, né le 25 mai 1984. La demanderesse Gentiana Aleksi est mariée au demandeur Arben Aleksi, né le 22 octobre 1966.

[3]         En 1996, la demanderesse principale, Natasha Veliaj, son fils, Arber Veliaj, sa fille, Gentiana Aleksi, et le mari de Gentiana, Arben Aleksi, sont arrivés au Canada et ont revendiqué le statut de réfugiés au sens de la Convention. Stela Veliaj est elle aussi venue au Canada en 1997 pour revendiquer le statut de réfugiée. La revendication du statut de réfugiés des demandeurs était fondée sur leur crainte de persécution à cause de leurs supposées opinions politiques et à cause de leur appartenance à un certain groupe social, la famille élargie d'Axhem Veliaj, qui était auparavant un officier de police et un membre du Parti communiste albanais.

[4]         Les demandes de statut de réfugiés ont été entendues ensemble le 28 août et le 15 septembre 1998. Des décisions défavorables ont été rendues le 13 novembre 1998, à la suite d'un changement de circonstances en Albanie. La décision défavorable a été envoyée par la poste aux demandeurs, par avis de décision portant la date du 20 novembre 1998. Les demandeurs affirment avoir reçu la décision le 1er décembre 1998, mais la preuve sur ce point n'est pas claire et la date a changé depuis le début de cette instance.

[5]         Les demandeurs ont rencontré un nouvel avocat, M. Thomas Zweibel, le dimanche 6 décembre 1998 ou vers cette date. M. Zweibel les a instruits de leur droit de demander le contrôle judiciaire de la décision de l'agent, et il les a informés aussi de leur droit d'obtenir une évaluation des risques à titre de membres de la catégorie des DNRSRC. Les demandeurs ont payé M. Zweibel pour qu'il se charge de leur appel et de leur demande visant l'attribution de la qualité de DNRSRC. Ils étaient préoccupés par les dates limites de production des documents, mais M. Zweibel les a assurés qu'il déposerait à temps les documents requis.


[6]         M. Zweibel a informé les demandeurs que les formulaires dûment remplis de demande visant l'attribution de la qualité de DNRSRC devaient être envoyés dans un délai de 22 jours après le 1er décembre 1998, et il leur a fait signer les formulaires le 16 décembre 1998, pour ensuite les présenter le 18 décembre 1998.

[7]         En vertu de l'alinéa 11.4(2)b) du Règlement sur l'immigration de 1978, une demande d'évaluation des risques au titre du programme des DNRSRC doit être présentée par la personne concernée « dans les 15 jours suivant la date où la section du statut l'a avisée de sa décision » . Dans le formulaire visant la catégorie des DNRSRC préparé par la Commission de l'immigration, on trouve la mise en garde suivante :

Pour faire réviser votre cas, vous devez aux termes du Règlement sur l'immigration présenter une demande dans les 15 jours suivant la date de l'avis de décision de la Section du statut de réfugié. Comme nous accordons sept jours pour l'acheminement postal de la décision de la Section du statut de réfugié, vous disposez de 22 jours après la date indiquée sur l'avis de décision de la Section du statut de réfugié. Veuillez remplir le formulaire ci-joint et l'expédier à l'intérieur de ce délai de 22 jours. L'oblitération postale de votre demande déterminera si vous vous êtes conformé à ce délai réglementaire...

[8]         Eu égard à ce qu'il a dit aux demandeurs, il est évident que M. Zweibel s'en est remis au libellé du Règlement sur l'immigration. Croyant que la décision défavorable de la SSR avait été notifiée aux demandeurs le 1er décembre 1998, il a pensé que le délai de 15 jours commençait à courir le 2 décembre 1998, pour expirer le 16 décembre 1998. Cependant, il appert aussi de ce qu'il a dit aux demandeurs qu'il a conclu que les demandeurs avaient 22 jours à compter de la date de l'avis. Il a dit aux demandeurs que, puisqu'ils avaient reçu l'avis de décision de la SSR le 1er décembre 1998, ils avaient jusqu'au 23 décembre 1998 pour présenter les demandes visant l'attribution de la qualité de DNRSRC.


[9]         Lorsque les demandeurs ont rempli et signé le 16 décembre 1998 les formulaires des demandes d'attribution de la qualité de DNRSRC (les demandes DNRSRC), ils croyaient que leur avocat avait bien interprété la disposition réglementaire et que les formulaires seraient envoyés à l'intérieur du délai imparti. Par ailleurs, après la présentation des demandes DNRSRC, ce n'est que lorsque les décisions défavorables ont été reçues en janvier 2000 que les demandeurs ont appris de l'agent que leurs demandes avaient été produites tardivement.

[10]       L'alinéa 11.4(3)b) du Règlement sur l'immigration de 1978 est rédigé ainsi :

11.4(3) La personne, à l'exclusion des personnes visées aux sous-alinéas a)(i) à (vii) de la définition de « demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada » au paragraphe 2(1), peut présenter par écrit à un agent d'immigration ses observations concernant les questions visées à l'alinéa c) de cette définition; ces observations doivent parvenir à un agent d'immigration avant la date suivante :

b) dans le cas d'une personne visée à l'alinéa (2)b), la date d'expiration du délai de 30 jours suivant la date de présentation de la demande visant l'attribution de la qualité de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada ou la date de la décision de l'agent d'immigration relative à cette demande, selon la plus tardive de ces deux dates.

[11]       Le 19 janvier 1999, M. Zweibel a envoyé des arguments écrits au soutien des demandes. Les arguments consistaient surtout en déclarations manuscrites des demandeurs, auxquelles s'ajoutaient plusieurs articles extraits du Albanian Daily News.

[12]       En septembre 1999, les demandeurs se sont adressés à un autre avocat, Raoul Boulakia, parce qu'ils n'avaient pas encore reçu de réponse aux demandes DNRSRC. Le 11 novembre 1999, M. Boulakia a déposé des arguments au nom des demandeurs, qui englobaient un rapport spécialement commandé qu'avait rédigé une instance universitaire sur l'Europe orientale postcommuniste. Ce rapport corroborait l'affirmation des demandeurs selon laquelle ils couraient un risque de persécution, et cela malgré l'évolution de la situation dans leur pays.


[13]       Le 20 janvier 2000, les cinq demandeurs ont reçu de l'agent J. Graham des lettres datées du 17 janvier 2000 qui les informaient que leurs demandes DNRSRC avaient été refusées parce que le cachet de la poste montrait qu'elles étaient tardives. Plus précisément, l'avis de décision qui informait les demandeurs du rejet de leurs demandes de statut de réfugiés portait la date du 20 novembre 1998, alors que le cachet de la poste des demandes DNRSRC indiquait le 18 décembre 1998, soit plus de 22 jours après la date figurant sur l'avis de décision de la SSR.

3. Points en litige

a.         Les demandeurs se sont-ils conformés aux exigences de l'alinéa 11.4(3)b) du Règlement sur l'immigration en signant leurs formulaires de demandes DNRSRC dans un délai de 15 jours après avoir été informés de la décision de la SSR, et en présentant les formulaires en question à l'agent dans un délai de 22 jours après avoir été informés de la décision de la SSR? et

b.         Subsidiairement, l'utilisation, par l'avocat des demandeurs, des renseignements inexacts et trompeurs fournis par le défendeur sur le formulaire de demande DNRSRC, ainsi que l'omission de l'agent d'informer immédiatement les demandeurs que leurs demandes avaient été produites tardivement, puis l'acceptation tacite de l'agent de recevoir des arguments onze mois après l'expiration du délai de 15 jours, tout cela a-t-il fait naître chez les demandeurs une expectative légitime que leurs demandes d'évaluation des risques au titre du programme des DNRSRC seraient dûment traitées et étudiées selon leur bien-fondé, et non réputées nulles dès le départ pour cause de production tardive?

4. Arguments des demandeurs

a.        Demandes déposées dans le délai imparti

[14]       La Cour d'appel fédérale a récemment examiné, dans l'affaire Adam c. M.C.I.[1], les délais prévus à l'alinéa 11.4(2)b). La Cour a fait observer qu' « il n'est pas contesté que le règlement proprement dit prévoit que c'est à la date de la réception de l'avis que le délai de prescription de 15 jours commence à courir » .


[15]       Les demandeurs avancent que la date de la notification, et non la date de l'avis de décision, est la date à retenir pour le commencement du délai de 15 jours, et que M. Zweibel a eu raison de comprendre comme il l'a fait les instructions figurant sur le formulaire de demande DNRSRC. Il a compris que les demandeurs bénéficiaient de sept jours supplémentaires pour l'envoi postal des demandes DNRSRC, de telle sorte que, à compter de la date de notification, ils avaient 22 jours pour envoyer les demandes DNRSRC. Les demandeurs ont reçu notification de la décision le 1er décembre 1998 (???), ils ont signé les formulaires dans un délai de 15 jours, soit le 16 décembre 1998, puis les formulaires ont été présentés le 18 décembre 1998 avec indication de réception le 22 décembre 1998.

[16]       Les demandeurs affirment que c'est là une interprétation logique du Règlement et du formulaire de demande DNRSRC, en raison de l'incertitude du service postal. Si l'intention était d'autoriser un maximum de sept jours pour une réception par la poste, les directives contreviendraient aux dispositions de notification contenues dans la disposition réglementaire. Dans le cas présent, les demandeurs ont reçu notification de la décision le 1er décembre 1998 (???), soit plus de sept jours après le 20 novembre 1998, de telle sorte que, si les directives figurant sur le formulaire de demande DNRSRC étaient exactes, ils auraient, pour présenter leurs demandes DNRSRC, un délai inférieur au délai autorisé par la disposition réglementaire. Par ailleurs, comme le formulaire de demande DNRSRC considère la présentation de la demande par la poste plutôt que par signification en main propre ou par service de messagerie, les sept jours additionnels paraissent tenir compte de l'absence de service postal et de timbrage les week-ends et les jours fériés.


[17]       Si l'interprétation de M. Zweibel est inexacte, et si les demandeurs sont réputés avoir reçu l'avis au plus tard le 27 novembre 1998, alors, selon le formulaire de demande DNRSRC, ils auraient dû présenter leur formulaire par la poste au plus tard le 12 décembre 1998. Comme le 12 décembre 1998 était un samedi, il leur aurait fallu présenter les formulaires au plus tard le 11 décembre 1998, pour que le cachet de la poste soit appliqué dans un délai de 22 jours après la décision de la SSR. Par l'effet des directives du formulaire, les demandeurs auraient perdu cinq jours par rapport au délai accordé par le Règlement, parce qu'ils n'auraient eu, pour poster les demandes DNRSRC, que la période allant du 1er décembre 1998, c'est-à-dire la date à laquelle ils ont eu connaissance de la décision, jusqu'au 11 décembre 1998. Les demandeurs affirment que les directives du formulaire doivent s'accorder avec les dispositions du Règlement en matière de notification, dispositions qui sont équitables parce qu'elles tiennent compte des interruptions du service postal.

[18]       Les demandeurs avancent aussi que, en signant les demandes DNRSRC dans un délai de 15 jours de la notification de la décision de la SSR comme le prévoit le Règlement, et en présentant leurs demandes dans un délai de 22 jours après la notification de la décision, ils se sont conformés aux délais, et les demandes DNRSRC auraient dû être jugées recevables et examinées par l'agent selon leur bien-fondé.

b.        Expectative légitime

[19]       Subsidiairement, les demandeurs affirment que l'erreur de M. Zweibel peut être attribuée à l'information ambiguë et inexacte figurant dans les directives du formulaire. Ils affirment que, parce que le défendeur a fourni cette information ambiguë, ils ont entretenu l'expectative légitime que leurs demandes seraient examinées selon leur bien-fondé. Si le formulaire n'avait renfermé aucune directive, M. Zweibel s'en serait remis uniquement au texte du Règlement, comme il l'a fait en l'espèce pour le dépôt de la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire. S'il n'y avait pas eu de directives particulières d'envoi par la poste, alors on peut présumer qu'il aurait pris les dispositions nécessaires pour signifier les demandes DNRSRC dans un délai de 15 jours de la notification de la décision de la SSR, c'est-à-dire au plus tard le 16 décembre 1998.


[20]       Les demandeurs affirment aussi que, en attendant le 17 janvier 2000 pour les informer que leurs demandes DNRSRC ne seraient pas étudiées pour cause de production tardive, l'agent a suscité chez eux une expectative légitime que leurs demandes seraient traitées et étudiées. Si les demandeurs avaient su que leurs demandes auraient été rejetées simplement pour cause de production tardive, ils n'auraient pas demandé à leur nouvel avocat le 11 novembre 1999 de présenter d'autres arguments.

[21]       Il est bien établi que le principe de l'expectative légitime ne peut créer de droits substantifs, mais plutôt des droits procéduraux. M. le juge Gibson, rejetant dans l'affaire Perez c. M.C.I.[2] une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire d'une décision rendue par un agent d'immigration, a jugé qu'aucune preuve de promesse expresse donnée au nom du défendeur, un organisme public, n'avait été présentée à la Cour. Les demandeurs affirment que le ministre défendeur a fait une promesse expresse prenant la forme de directives inexactes et ambiguës qui accompagnaient la demande DNRSRC. Le défendeur a aussi fait au nouvel avocat des demandeurs une déclaration favorable en acceptant les conclusions écrites et les documents.

[22]       Dans l'affaire Arias c. M.C.I.[3], M. le juge Nadon devait décider si la prétendue promesse d'un agent d'immigration de recommander un permis ministériel avait suscité chez un revendicateur l'expectative légitime qu'il pourrait demeurer au Canada. Il s'est exprimé ainsi :

Ni la jurisprudence canadienne ni celle d'Angleterre n'appuient la position suivant laquelle la théorie de l'expectative légitime peut créer des droits fondamentaux. Cette théorie fait partie des règles de l'équité procédurale auxquelles peuvent être soumis les organismes administratifs. Dans les cas où elle s'applique, elle peut faire naître le droit de présenter des observations ou d'être consulté. Elle ne vient pas limiter la portée de la décision rendue à la suite de ces observations ou de cette consultation.


[23]       Les demandeurs affirment que leur avocat a suivi les directives d'une manière qui s'accordait avec le texte réglementaire. Les arguments ont été acceptés par le défendeur après l'expiration du délai de 15 jours. Rien ne permettait de croire que les arguments n'avaient pas été bien accueillis ou ne seraient jamais étudiés. L'agent n'a restreint aucune décision à la suite des observations ou de la consultation, il a plutôt rétroactivement annulé le droit des demandeurs de faire des observations ou d'être consultés après avoir reçu leurs arguments.

[24]       Dans l'affaire Owusu-Baidov c. Canada[4], M. le juge Cullen, citant le jugement Dermitas c. M.E.I., s'est exprimé ainsi :

La Cour d'appel a statué que la doctrine de l'attente légitime ne s'appliquait pas parce que la déclaration du ministre ne constituait pas une promesse faite par une autorité administrative. De plus, la Cour a déclaré que cette doctrine ne pouvait s'appliquer lorsqu'il existe un empêchement prévu par la Loi aux actes ou à la procédure promis au requérant.

[25]       Les demandeurs affirment que l'ambiguïté des directives, combinée à l'acceptation des arguments onze mois après l'expiration du délai, avait valeur de promesse faite par un organisme administratif aux demandeurs, une promesse selon laquelle leurs arguments seraient étudiés. L'agent a donc suscité chez les demandeurs l'espoir légitime que leurs demandes seraient traitées et étudiées selon leur bien-fondé.

[26]       Dans l'affaire Melinte c. M.C.I.[5], M. le juge Gibson a rejeté une demande de contrôle judiciaire de la décision d'un agent d'immigration qui avait refusé de proroger un délai de 120 jours. Le juge Gibson a examiné la jurisprudence et invoqué les motifs rédigés par le juge en chef adjoint Jerome dans l'affaire Mumin c. M.C.I., une affaire où un demandeur avait reçu des informations erronées d'un agent d'immigration et s'était fondé à son détriment sur ces informations erronées. Le juge en chef adjoint Jerome s'est exprimé ainsi :


La seule réponse opposée par l'intimé aux arguments de M. Mumin est que l'agent d'immigration pouvait s'en tenir à bon droit aux dispositions strictes de la Loi sur l'immigration et du règlement pris pour son application. Cependant il est maintenant de droit établi que dans les cas de ce genre, une autorité publique abuse de ses pouvoirs discrétionnaires lorsqu'elle les exerce de manière à causer une injustice à l'individu sans qu'il en résulte aucun bénéfice pour la collectivité. Dans les circonstances comme celles qui nous intéressent en l'espèce, le juge peut mettre dans la balance le préjudice que subit le requérant d'un côté, et l'intérêt général de l'autre. Il n'y a rien à gagner en l'espèce ni aucun bénéfice pour la collectivité si le requérant doit supporter les conséquences des informations erronées et incomplètes que l'intimé lui avait données et auxquelles il s'est honnêtement fié à son détriment.

[27]       Les demandeurs affirment que ce passage est applicable à la présente espèce. Aucun motif impérieux d'intérêt public ne force les demandeurs à supporter les conséquences des informations inexactes que leur a données le défendeur et dont ils se sont servis à leur détriment. Par ailleurs, aucun motif d'intérêt public n'exige d'opposer à l'intérêt public le préjudice que pourraient subir les demandeurs. Les demandeurs affirment qu'ils ont un droit fondamental à une évaluation des risques avant d'être expulsés du Canada.

5. Arguments du défendeur


[28]       Le défendeur fait observer que quatre des cinq demandeurs ont produit des affidavits sous serment à l'appui de cette demande de contrôle judiciaire, mais qu'aucun d'entre eux n'a dit quand exactement ils ont reçu en l'espèce la décision défavorable de la SSR. La preuve de la demanderesse Natasha Veliaj consiste à dire que les demandeurs ont été informés de la décision de la SSR environ une semaine après le 20 novembre 1998. Toutefois, dans la demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de la SSR, les demandeurs ont mentionné qu'ils avaient été informés de la décision défavorable le 1er décembre 1998. Les demandeurs étaient tenus, en vertu des dispositions réglementaires, de produire une demande DNRSRC dans un délai de 15 jours après avoir été informés de la décision défavorable. La demande de prise en considération au titre du programme DNRSRC a été déposée le 18 décembre 1998. Le défendeur affirme que les demandeurs n'avaient pas une expectative légitime que la demande DNRSRC serait étudiée malgré sa présentation tardive. (Il est pris note des paragraphes [4] et [8] précédents.)

a.         Absence de compétence permettant de proroger le délai de présentation d'une demande DNRSRC

[29]       Le défendeur affirme que l'arrêt Adam ne peut être distingué de la présente affaire et que la Cour d'appel fédérale a conclu qu'un agent n'a pas le pouvoir discrétionnaire de proroger des délais. Compte tenu du raisonnement suivi dans l'arrêt Adam, la présente demande doit être rejetée. (Il est pris note du paragraphe [14] précédent.)

b.         Expectative légitime

[30]       Le défendeur affirme que le dossier ne permet nullement d'affirmer que les demandeurs avaient une expectative légitime que leur demande serait traitée. Selon lui, il est impossible, vu le dossier présenté à la Cour, de conclure qu'une personne a, par certains mots ou par une certaine conduite, donné à entendre clairement et sans équivoque, au nom du défendeur, qu'une certaine ligne de conduite serait adoptée.

[31]       Les demandeurs soutiennent que, en raison du temps qui s'est écoulé entre le dépôt tardif et le refus, et parce que leurs avocats ont déposé dans l'intervalle des pièces supplémentaires, ils ont été conduits à croire que le délai de 15 jours ne s'appliquerait pas. Le défendeur affirme que cette proposition n'est pas appuyée en droit, ni par les faits de la présente affaire. Il est absurde de présumer que, parce qu'il a reçu des arguments, le défendeur s'est engagé à renoncer au délai imposé par les règlements. Cela voudrait dire que tout délai pourrait être prorogé par le simple envoi d'arguments au défendeur.


[32]       Dans l'arrêt Adam, la Cour d'appel fédérale a jugé qu'aucun fondement juridique n'autorise la prorogation du délai de présentation d'une demande DNRSRC. Le principe de l'expectative légitime ne saurait habiliter un fonctionnaire de l'immigration à faire ce qui serait par ailleurs illégal.

6. Recours

[33]       Les demandeurs voudraient que la décision de l'agent soit annulée et que l'affaire soit renvoyée pour nouvelle décision au fond.

[34]       Le défendeur voudrait que la présente demande soit rejetée. Les demandeurs seraient ravis si le juge saisi de la présente affaire était investi de tous les pouvoirs de cet ancien juge, le roi Solomon, mais tel n'est pas le cas. Comme il est indiqué au paragraphe [32] ci-dessus, aucun fondement juridique n'autorise la prorogation du délai, qui est un délai fixe. La présente affaire ne se prête pas à l'adjudication de dépens.

                                                O R D O N N A N C E

La demande de contrôle judiciaire de la décision d'un agent de révision des revendications refusées, en date du 17 janvier 2000, par laquelle l'agent a refusé d'accepter la demande DNRSRC des demandeurs pour cause de production tardive, est rejetée, sans dépens.

« F.C. Muldoon »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                                       IMM-308-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                     Natasha Veliaj et autres

c.

M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        le 10 janvier 2001

ORDONNANCE ET MOTIFS

DE L'ORDONNANCE PAR :                                   MONSIEUR LE JUGE MULDOON

DATE DES MOTIFS :                                               le 25 avril 2001

ONT COMPARU

Geraldine Sadoway,                                                      POUR LES DEMANDEURS

David Tyndale,                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Geraldine Sadoway                                                       POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



1                (1998), 161 F.T.R. 42 (C.A.F.).

2            IMM-2380-97, le 10 septembre 1998, le juge Gibson.

3                IMM-3685-94, IMM-3706-94, le 15 décembre 1994, le juge Nadon.

4                IMM-2627-93, le 7 juin 1994, le juge Cullen.

5                IMM-3655-96, le 17 juillet 1997, le juge Gibson.

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