Ottawa (Ontario), le 11 mai 2005
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER
ENTRE :
PETRA LECIA
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LA JUGE SNIDER
[1] Les demandeurs, Dumitru Lecia et Petra Lecia, sont un couple marié originaire de Roumanie. Ils demandent l'asile parce que, en tant que membres de l'Église pentecôtiste, ils craignent avec raison d'être persécutés du fait de leurs croyances religieuses. Les demandeurs sont arrivés au Canada le 5 octobre 2000 et ont revendiqué le statut de réfugié le 12 juillet 2001. Dans une décision datée du 22 avril 2004, un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section de la protection des réfugiés) (la Commission) a statué que les demandeurs n'étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.
[2] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de cette décision.
Questions en litige
[3] Les demandeurs soulèvent un certain nombre de questions, mais celles-ci peuvent être résumées de la manière suivante :
1. La Commission a-t-elle mal compris la demande en concluant qu'elle portait essentiellement sur un litige relatif à des biens?
2. La Commission a-t-elle commis une erreur importante en concluant que les demandeurs avaient déclaré qu'il n'y avait pas d'Église pentecôtiste à Bucarest?
3. La Commission a-t-elle mal compris ou fait abstraction d'éléments de preuve concernant certaines de ses conclusions?
Analyse
[4] Toutes les questions se rapportent à des conclusions de la Commission qui relèvent bel et bien de sa compétence. Par conséquent, la norme de contrôle est celle de la décision manifestement déraisonnable, ce qui signifie que je ne peux annuler la décision que si elle n'est pas étayée par la preuve.
[5] La décision de la Commission reposait sur les éléments cruciaux suivants :
· La preuve documentaire n'étaye pas la crainte qu'ont les demandeurs d'être persécutés du fait de leur foi pentecôtiste.
· L'élément central de leur demande est un litige relatif à des biens.
· En ce qui concerne le litige relatif à des biens, les demandeurs se sont adressés à maintes reprises aux tribunaux pour protéger leurs droits de propriété et n'ont pas montré qu'en Roumanie, les décisions judiciaires ne sont pas confirmées.
· Les demandeurs ont une possibilité de refuge intérieur (PRI) à d'autres endroits en Roumanie.
· Le temps qu'ont mis les demandeurs à quitter la Roumanie et à demander l'asile au Canada ne dénote pas le genre de comportement auquel on s'attendrait de la part de personnes craignant de retourner en Roumanie.
[6] Les demandeurs d'asile doivent établir la validité de leur demande en s'appuyant sur un fondement à la fois subjectif et objectif (Rajudeen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1984), 55 N.R. 129 (C.A.F.)), ce que n'ont pas fait les demandeurs en l'espèce. En ce qui concerne tout d'abord l'élément objectif de leur demande, ils n'ont pas convaincu la Commission que leur crainte d'être persécutés du fait de leur foi pentecôtiste était objectivement fondée. Pour tirer sa conclusion, la Commission a tenu compte de la preuve documentaire. Les demandeurs ne sont pas d'accord avec cette conclusion, mais ils ne m'ont pas indiqué d'éléments de preuve documentaire dont la Commission a fait abstraction ou qu'elle a mal compris. J'estime que la Commission n'a pas commis d'erreur en concluant que leur crainte fondée sur leur religion n'avait aucun fondement objectif. Il s'agit là d'une conclusion déterminante car la Commission pouvait, pour ce seul motif, rejeter la demande.
[7] Les demandeurs font valoir que la Commission a conclu a tort que leur demande était un « litige relatif à des biens » . Après avoir examiné le dossier et lu la décision dans son ensemble, je suis convaincue que la Commission a compris la nature de leur demande. Bien que les demandeurs aient indiqué que leur religion était le motif pour lequel ils étaient persécutés, le litige relatif au bien-fonds, qui reposait en partie du moins sur leur religion, constituait un élément central de leur demande. C'est ainsi que la Commission a interprété la preuve. Tout en décrivant, dans sa décision, l'élément central de la demande comme un litige relatif à des biens, la Commission a également pris soin d'examiner la preuve documentaire concernant le traitement réservé aux membres de l'Église pentecôtiste et, comme il est indiqué ci-dessus, a conclu qu'il n'y avait pas de fondement objectif à leur demande. La nature de la demande n'a pas été mal comprise, et la Commission n'a pas commis d'erreur à cet égard.
[8] Dans ses motifs, la Commission dit avoir compris, d'après ce que les demandeurs ont déclaré, qu'il n'y a pas d'église pentecôtiste à Bucarest. Je conviens avec les demandeurs que c'est inexact; les demandeurs ont déclaré qu'il n'y avait pas d'église pentecôtiste dans leur village. Il s'agit là d'une erreur de la Commission. Toutefois, cette erreur constitue une déformation mineure des faits qui n'a servi de fondement à aucune autre conclusion, et elle n'est donc pas assez grave pour être déterminante.
[9] Les demandeurs font valoir qu'en général, la Commission [traduction] « a fait montre d'un zèle déraisonnable en faisant ressortir les présumées incohérences ou invraisemblances » que comportaient leurs témoignages. La Commission ne doit pas manifester une « vigilance excessive en examinant à la loupe les éléments de preuve » (Attakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989) 99 N.R. 168)). Je ne suis pas d'accord avec la manière dont les demandeurs évaluent la décision. Selon moi, la Commission a pris soin de traiter de toutes les questions qu'ont soulevées les demandeurs. Contrairement à ce qu'affirment les demandeurs, qui considèrent que l'examen de la preuve a été fait avec un zèle excessif, je dirais de la démarche de la Commission qu'elle a été minutieuse et complète.
[10] Plus précisément, les demandeurs font valoir que la Commission a fait abstraction d'éléments de preuve concernant un certain nombre de ses conclusions ou les a mal compris :
· la conclusion selon laquelle ils n'ont jamais été directement victimisés;
· la conclusion selon laquelle les possibilités de refuge intérieur en Roumanie sont probablement sûres;
· la conclusion selon laquelle la mère de la demanderesse n'a probablement pas été frappée délibérément à la tête lors d'une dispute;
· la déclaration de la Commission selon laquelle les deux demandeurs poursuivaient des [traduction] « carrières modestes dans le secteur public » .
[11] J'ai examiné le dossier relativement à chacune des erreurs alléguées par les demandeurs et je ne suis pas convaincue que la Commission s'est trompée. Les demandeurs interprètent la preuve d'une manière différente, mais cela ne veut pas dire que la preuve a été mal comprise. La Commission n'a pas interprété la preuve sans tenir compte de celle-ci. En ce qui concerne chacune de ces questions, le dossier étaye les conclusions de la Commission. Les demandeurs sollicitent le réexamen de la preuve et une nouvelle appréciation de celle-ci. Toutefois, il n'incombe pas à la Cour de le faire.
Conclusion
[12] En résumé, il n'y a pas lieu pour la Cour de modifier la décision de la Commission. La demande sera rejetée. Aucune des deux parties n'a proposé de question à certifier; aucune question ne sera certifiée.
ORDONNANCE
La Cour ordonne :
1. La demande est rejetée.
2. Aucune question de portée générale n'est certifiée.
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne Bolduc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4856-04
INTITULÉ : DUMITRU LECIA et al c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 5 MAI 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LA JUGE SNIDER
DATE DES MOTIFS : LE 11 MAI 2005
COMPARUTIONS :
Mario D. Bellissimo POUR LES DEMANDEURS
A. Leena Jaakkimainen POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Mario D. Bellissimo POUR LES DEMANDEURS
Avocat
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada