Date : 20050317
Dossier : IMM-7852-04
Référence : 2005 CF 381
Ottawa, (Ontario), le 17 mars 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY
ENTRE :
JOHN WILLIAM DEJO DILLON
Demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La présente demande de contrôle judiciaire a été déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, 2001 L.C. ch. 27, (Loi), à l'encontre d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) rendue le 23 août 2004. Dans cette décision la Commission a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas à la définition de « réfugié au sens de la Convention » à l'article 96 ni à celle de « personne à protéger » à l'article 97.
QUESTION EN LITIGE
[2] Est-ce que le tribunal a erré en concluant que le demandeur ne satisfaisait pas à la définition de « réfugié au sens de la Convention » ni à celle de « personne à protéger » ?
[3] Je n'ai pas noté d'erreur manifestement déraisonnable dans cette décision. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
MISE EN CONTEXTE
[4] Le demandeur est citoyen du Pérou. Il allègue une crainte raisonnable de persécution aux mains des habitants de Pueblo Joven Zamora. Il prétend que sa vie serait grandement en danger et qu'il risquerait d'être victime de peines et de traitements cruels et/ou inusités s'il devait retourner dans son pays d'origine.
DÉCISION CONTESTÉE
[5] Les conclusions du tribunal sont basées sur les faits suivants :
- L'épouse du demandeur ainsi que son beau-père sont restés dans cette région jusqu'en septembre 2003 pour ensuite aller s'installer à Lima.
- Que le demandeur n'ait pas obtenu de garanties personnelles n'est pas suffisant pour démontrer que les autorités de son pays ne peuvent lui offrir la protection.
- Les problèmes du demandeur n'ont aucun lien avec le Sentier Lumineux (SL).
- La preuve documentaire démontre que les forces de sécurité de l'État manifestent une farouche détermination dans leur lutte contre le SL.
ANALYSE
[6] Le demandeur soutient que le tribunal ne s'est pas prononcé sur sa crédibilité. Il allègue que le décideur n'a pas tenu compte de l'explication qu'il a donnée pour ne pas avoir indiqué aux policiers l'adresse de ses agresseurs. Le tribunal a omis d'indiquer que son beau-père et l'épouse du demandeur sont déménagés à Lima afin de se cacher. Le demandeur croit qu'il n'y a pas de possibilité de refuge interne étant donné qu'il est de race jaune et qu'il pourrait facilement être repéré dans sa communauté s'il devait être retourné dans son pays. Enfin, il n'aurait pas été confronté avec la preuve documentaire. Il ajoute, qu'il n'aurait aucune objection à ce que le dossier soit retourné au même commissaire.
[7] La norme de contrôle applicable en ce qui concerne la protection de l'état (PE) ainsi que la possibilité de refuge interne (PRI) est la norme de la décision manifestement déraisonnable puisqu'il s'agit d'une question de fait (Czene c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2004] A.C.F. no 912 (1ère inst.) (QL) et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Abad, [2004] A.C.F. no 1065, (1ère inst.) (QL)); (PRI) (Chorny c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1263 (1ère inst.) (QL), paragraphe 9).
[8] Le droit international relatif aux réfugiés a été établi afin de suppléer à la protection qu'un État doit fournir à ses ressortissants. La communauté internationale veut que les personnes persécutées s'adressent d'abord à leur pays avant de requérir la protection des autres États (Canada (Procureur Général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, paragraphe 18; voir aussi James Hathaway, The Law of Refugee Status (1991), à la page 135).
[9] Il appartient au demandeur de démontrer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de son État à le protéger. Sauf dans le cas d'un effondrement complet de l'appareil étatique, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger ses citoyens. C'est au stade de la crainte objective que l'analyse de la protection de l'État entre en jeu (Ward, précité).
[10] Dans la cause qui nous occupe, le tribunal a jugé étonnant que le demandeur n'ait pas pu indiquer aux policiers l'adresse de ses agresseurs étant donné qu'il vivait dans une petite communauté (de 1 100 en 1993 à 2 000 ou 2 500 habitants au moment de l'audition).
[11] Mais la question fondamentale pour reprendre les termes du décideur est « ...la possibilité pour le demandeur d'asile, dans l'éventualité où la famille de son beau-père aurait été effectivement la cible des autres habitants de la région, d'obtenir la protection de l'État péruvien ou de trouver refuge dans d'autres régions du Pérou.... » . Dans Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.) paragraphe 2, la Cour d'appel fédérale a mentionné deux éléments à être considérés lorsqu'il s'agit d'établir une PRI : la Commission doit être convaincue selon la prépondérance des probabilités que le demandeur ne risque pas sérieusement d'être persécuté à l'endroit proposé comme PRI, et compte tenu de toutes les circonstances, dont celles propres au demandeur, la situation à l'endroit proposé est telle qu'il n'est pas déraisonnable pour le demandeur d'y chercher refuge.
[12] Les raisons alléguées par le demandeur pour ne pas pouvoir trouver refuge dans une autre ville du Pérou sont à l'effet que les ennemis de son beau-père ont des liens avec le SL et que ce dernier vit avec l'épouse du demandeur cachés à Lima. Ces explications n'ont pas été retenues faute de preuve. Bien au contraire, la preuve documentaire indépendante analysée supporte les conclusions du tribunal. Je ne vois pas ici d'erreur manifestement déraisonnable.
[13] Il est vrai que dans la décision, on ne retrouve pas une mention de non crédibilité comme tel, mais en la lisant il est évident que le tribunal n'a pas endossé les explications fournies par le demandeur (voir paragraphe 2, page 2 de la décision « ... Le tribunal n'a reçu en preuve aucun document sérieux pour étayer les allégations du demandeur d'asile.... » et le paragraphe 4, page 2 « ... Le tribunal estime que cette déclaration n'est fondée sur aucune preuve.... » .
[14] Le décideur n'avait pas à se prononcer sur la crainte subjective du demandeur étant donné qu'il a raisonnablement conclu que ce dernier n'avait pas démontré une crainte objective de persécution.
[15] Malgré une plaidoirie bien étayée par le procureur demandeur, je ne suis pas satisfait que le demandeur d'asile a réfuté la présomption que le tribunal a pris en considération toute la preuve déposée devant lui avant de rendre sa décision (Florea c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.) (QL)).
[16] Les parties ont décliné de soumettre des questions à certifier. Ce dossier n'en comporte aucune.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.
« Michel Beaudry »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-7852-04
INTITULÉ : JOHN WILLIAM DEJO DILLON
c. LE MINISTRE DE LA
CITOYENNETÉ ET DE
L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : le 10 mars 2005
MOTIFSDE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE: L'HONORABLE JUGE BEAUDRY
DATE DES MOTIFS : le 17 mars 2005
COMPARUTIONS :
Michel Le Brun POUR LE DEMANDEUR
Lucie St-Pierre POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Michel Le Brun POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec)