IMM-2507-96
Entre :
ABDOLLAH MOHAMMADI
NINA MOHAMMADI
NADIA MOHAMMADI
NIMA MOHAMMADI
SOHEILA RAHMANI,
requérants,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE SUPPLÉANT HEALD
Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 2 juillet 1996. Dans cette décision, la Commission a conclu que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.
LES FAITS
Les requérants sont Abdollah Mohammadi (le requérant), 37 ans, son épouse Soheila Rahmani (la requérante) qui a 30 ans, leurs filles Nina et Nadia et leur fils Nima (les requérants mineurs). Ils sont tous citoyens iraniens. Le requérant est entré au Canada le 18 mars 1995, accompagnés des requérants mineurs, après avoir quitté l'Iran et transité par la Turquie, la Hollande et les États-Unis. Le 12 juillet 1995, le requérant a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention au Canada, déclarant qu'il craignait d'être persécuté à cause de ses opinions politiques. La requérante l'a rejoint au Canada le 30 juillet 1995 et a revendiqué le statut de réfugiée au sens de la Convention en janvier 1996.
Le requérant a joué un rôle actif au sein des partis communistes kurde et iranien. Il a quitté ces partis en 1990. En 1995, il y a eu une descente dans sa maison. Tous les membres de la famille, à l'exception de la requérante, ont quitté l'Iran pour la Turquie. La requérante a été arrêtée par des gardes révolutionnaires, elle a été battue et interrogée pour savoir où se trouvait son époux. En mai 1995, elle a été transférée dans un hôpital parce qu'elle avait une grossesse difficile. Aidée par les membres du parti communiste, elle a réussi à s'enfuir en Irak et, de là, en Turquie.
LA DÉCISION DE LA COMMISSION
La Commission a statué qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves crédibles ou dignes de foi lui permettant de conclure que les requérants étaient des réfugiés au sens de la Convention.
Elle en est venue à cette conclusion en raison d'un certain nombre d'invraisemblances graves dans la preuve :
a)La preuve indiquant que les requérants sont recherchés par les autorités
(i)La Commission a conclu qu'il n'était pas plausible que les autorités soient à la recherche des requérants. Elle en est venue à cette conclusion parce que la preuve indique que les requérants n'ont pas été recherchés dans les maisons de leurs proches parents (par exemple chez leur oncle).
(ii)Les autorités n'ont pas questionné les parents des requérants pour savoir où ils se trouvaient, même ceux qui vivaient dans le voisinage proche.
(iii)Les autorités n'ont pas recherché le requérant même si son épouse a révélé aux autorités l'endroit où il se trouvait.
b)La preuve concernant le départ d'Iran
(i)Le requérant prétend qu'il a pris contact avec un passeur et que ses filles et lui ont quitté l'Iran munis d'un faux passeport dans lequel figuraient leurs véritables noms et leurs photos. La Commission a jugé invraisemblable que, malgré les procédures strictes qui existent aux postes frontaliers, un fugitif recherché puisse quitter l'Iran muni d'un passeport où figurent sa photo et son nom exact.
(ii)On a laissé entendre que le passeur avait acheté le silence des agents frontaliers iraniens, mais la Commission n'a pas accepté cette explication, la qualifiant de «pure spéculation».
c)La preuve concernant les activités du requérant au Canada
Le requérant a indiqué dans son témoignage qu'il appuyait activement les causes kurde et communiste. Toutefois, depuis son arrivée au Canada, il n'a pris aucune part active à la défense de ces causes. La Commission a jugé invraisemblable que quelqu'un qui est [TRADUCTION] «si dévoué à une cause qu'il risque sa vie pour l'appuyer activement en Iran ne fasse rien pour défendre cette cause une fois au Canada, où ce genre d'activités n'est nullement sanctionné».
d)La preuve concernant le retour de la requérante en Iran
La requérante a indiqué qu'elle était retournée en Iran parce qu'elle voulait dire au revoir à sa mère et récupérer quelques effets personnels. La Commission a jugé cette explication invraisemblable, étant donné que sa mère pouvait lui rendre visite (de même que son père). Elle a également jugé invraisemblable que la requérante prenne le risque de retourner dans son pays simplement pour aller y chercher quelques vêtements.
LES QUESTIONS EN LITIGE
Les questions soulevées par les requérants sont les suivantes :
a)La Commission a-t-elle commis une erreur dans l'appréciation de la crédibilité des requérants?
b)La Commission a-t-elle tenu compte de l'ensemble de la preuve?
ANALYSE
En appréciant la crédibilité, la Commission doit s'exprimer en termes clairs et explicites. Dans l'arrêt Hilo c. Canada (M.E.I.)[1], la Cour d'appel fédérale a indiqué ce qui suit : «[...] la Commission se trouvait dans l'obligation de justifier, en termes clairs et explicites, pourquoi elle doutait de la crédibilité de l'appelant. L'évaluation (précitée) que la Commission a faite au sujet de la crédibilité de l'appelant est lacunaire parce qu'elle est exposée en termes vagues et généraux».
À mon avis, l'appréciation de la crédibilité par la Commission en l'espèce respecte les exigences énoncées dans l'arrêt Hilo, précité. J'estime que la Commission s'est exprimée de façon «claire» et «explicite».
En l'espèce, la Commission a retenu la preuve documentaire de préférence aux témoignages des requérants. En pareil cas, elle doit indiquer en termes clairs et explicites pourquoi elle a préféré la preuve documentaire aux témoignages des requérants[2].
L'examen de la preuve me convainc que la Commission a effectivement motivé de façon détaillée pourquoi elle a accordé la préférence à la preuve documentaire[3].
La jurisprudence exige également que la Commission tienne compte de l'ensemble de la preuve[4]. Étant donné que la Commission a fourni des
observations précises sur les principaux points de la preuve fournie par les requérants et fait le lien avec la preuve documentaire, je suis convaincu qu'elle a tenu compte de l'ensemble de la preuve.
Finalement, je conclus, pour les motifs précités, qu'il était raisonnablement loisible à la Commission d'en arriver en l'espèce à la décision qu'elle a prise. Pour cette raison, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.
Aucun des avocats n'a suggéré de faire certifier une question grave de portée générale en l'espèce. Je suis d'accord avec eux. Par conséquent, aucune question grave de portée générale ne sera certifiée aux termes de l'article 83 de la Loi sur l'immigration.
«Darrel V. Heald»
Juge suppléant
Toronto (Ontario)
le 16 avril 1997
Traduction certifiée conforme
François Blais, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats et procureurs inscrits au dossier
N° DU GREFFE :IMM-2507-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :ABDOLLAH MOHAMMADI ET AL.
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE : LE 15 AVRIL 1997
LIEU DE L'AUDIENCE :TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE SUPPLÉANT HEALD
DATE : LE 16 AVRIL 1997
ONT COMPARU :
Jack Martin
pour les requérants
Kathryn Hucal
pour l'intimé
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Refugee Law Office
603-481, avenue University
Toronto (Ontario)
M5G 2E9
pour les requérants
George Thomson
Sous-procureur général du Canada
pour l'intimé
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
No du greffe : IMM-2507-96
Entre :
ABDOLLAH MOHAMMADI ET AL.,
requérants,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE