Date : 20041116
Dossier : T-453-04
Référence : 2004 CF 1606
EDMONTON (ALBERTA), LE 16 NOVEMBRE 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY
ENTRE :
SATISH K.KHANNA demandeur
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] M. Satish Khanna demande le contrôle judiciaire de la décision prise par une représentante du ministre du Revenu de rejeter sa demande à des fins d'équité relative à un arriéré d'intérêts découlant de la cotisation pour sa déclaration de revenus de 1997.
[2] M. Khanna a acquis une petite entreprise en octobre 1993. Il a fait en sorte d'agrandir et de rénover le site d'exploitation, ce qui en a accru la valeur marchande. Il aurait pu choisir, avant le 24 février 1994, de déclarer l'augmentation de valeur à titre de gain en capital libre d'impôt, mais il n'avait pas connaissance des dispositions le lui permettant. Il a vendu l'entreprise en 1997 mais a appris l'existence de ce choix uniquement en 1998, alors qu'il a produit sa déclaration pour 1997.
[3] M. Khanna a ensuite tenté de se prévaloir rétroactivement de ce choix pour l'année d'imposition 1995. Sa demande en ce sens a été rejetée. En 2000 sa déclaration de 1997 a fait l'objet d'une vérification, et on a établi que le demandeur devait de l'impôt en raison du gain en capital réalisé et des intérêts courus depuis avril 1998. Il a déposé un avis d'opposition à la nouvelle cotisation, mais il a également présenté une demande d'examen fondée sur les dispositions d'équité, principalement au motif qu'il n'avait pas connaissance de l'échéance prévue par la loi pour demander une exonération de gains en capital et que l'impôt dû lui avait valu des problèmes de santé. Cette demande a été rejetée. M. Khanna a ensuite demandé le contrôle judiciaire de cette décision quant à l'intérêt couru d'avril 1998 à mars 2001.
[4] Le 15 mars 2002, la Cour (avec le consentement des parties) a ordonné au ministre de procéder à un examen nouveau et indépendant de la demande d'exonération d'intérêt parce que la personne qui avait examiné la première demande à des fins d'équité avait également pris la décision originelle consistant à rejeter la demande par M. Khanna d'une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1995.
[5] M. Khanna n'a produit aucun nouvel élément de preuve à l'égard de la seconde cotisation à des fins d'équité menée à bien le 2 février 2004. Le défendeur a déposé un affidavit du fonctionnaire qui a procédé à la seconde cotisation, Joyce Laverdiere. La recommandation qu'elle a faite, avalisée par le représentant du ministre, était de rejeter la demande puisque l'ignorance par M. Khanna de l'échéance ne constituait pas un motif valable pour accorder l'exonération. En ce qui concerne les problèmes de santé du contribuable, rien n'indiquait qu'ils aient pu être la cause d'une manière ou d'une autre du défaut de production en temps opportun.
[6] La décision de renoncer à des pénalités ou à des intérêts, ou de les annuler, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) paragraphe 220(3.1), a un caractère discrétionnaire. Le ministre n'a pas d'obligation en ce sens en quelque circonstance particulière que ce soit (Syal c. M.R.N., 99 D.T.C. 5451 (C.F. 1re inst.)).
[7] Dans Kaiser c. Canada (Ministre du Revenu national), [1995] A.C.F. no 349 (1re inst.) (QL), le juge Rouleau a décrit comme suit, aux paragraphes 8, 10 et 11, l'objectif visé par les examens à des fins d'équité :
L'objet de cette disposition législative est de permettre à Revenu Canada, Impôt, de gérer plus équitablement le régime fiscal, en faisant la place au bon sens dans le traitement des contribuables qui, en raison de leur infortune ou de circonstances échappant à leur volonté, sont incapables de respecter des délais ou de se conformer aux règles propres au régime fiscal. Le libellé de l'article confère au ministre un large pouvoir discrétionnaire de renoncer aux intérêts en tout temps. Pour le guider dans l'exercice de ce pouvoir, des lignes directrices ont été formulées [...].
[8] La norme que la Cour doit appliquer pour les demandes de contrôle judiciaire visant les décisions relatives à l'équité est celle de la décision manifestement déraisonnable (Sharma c. A.D.R.C., [2001] 3 C.T.C. 169 (C.F. 1re inst.)).
[9] Dans le cadre de son exposé verbal, M. Khanna a volontiers reconnu devant nous que l'erreur qu'a constitué le défaut de demander une exonération de gains en capital dans sa déclaration de revenus de 1995 était totalement due au fait qu'il n'avait aucune connaissance de l' « occasion » ainsi fournie par la Loi aux contribuables. Il estime toutefois que l'intérêt couru du 1er avril 1998 à mars 2001, soit lorsqu'il a présenté sa première demande d'examen à des fins d'équité, n'a pas à lui être imputé puisqu'il est attribuable au défaut du ministre de l'informer en 1998 que l'impôt sur les gains en capital était exigible. M. Khanna a présenté deux demandes en 1998 pour obtenir une nouvelle cotisation à l'égard de sa déclaration de revenus pour 1995. Une lettre de rejet a été transmise en réponse à chacune de ces demandes. M. Khanna prétend toutefois ne pas avoir reçu la deuxième lettre.
[10] Selon M. Khanna, il était injuste que, pour le nouvel examen par le ministre de sa demande d'équité, il ait fallu près de deux ans à compter de l'ordonnance rendue, sur consentement, par la Cour. Il ajoute que le fonctionnaire de l'Agence du Revenu du Canada (ARC) qui a procédé au nouvel examen n'a pas pris en compte tous les renseignements qu'il avait précédemment soumis, concernant notamment les circonstances entourant la vente de son entreprise, la tentative qu'il a faite en 1998 de produire une nouvelle déclaration ainsi que les réponses à ses lettres obtenues de l'ARC cette année-là.
[11] Quoique le nouvel examen si tardif du ministre soit bien regrettable, je ne puis conclure que le délai ayant suivi l'ordonnance sur consentement ait équivalu à de l'inéquité procédurale. En outre, l'erreur procédurale qui a conduit à la prise de cette ordonnance ne vicie en aucune manière la cotisation de 2000 portant qu'un montant d'impôt sur le revenu et les intérêts en découlant étaient dus pour l'année d'imposition 1997.
[12] M. Khanna a eu l'occasion de formuler des observations quant aux motifs pour lesquels le ministre devrait renoncer aux intérêts, et l'Agence disposait de tous les faits requis pour rendre une décision motivée et objective. Pour reprendre les commentaires du juge Rouleau dans Kaiser, précitée, en l'absence de mauvaise foi de la part du ministre, d'une violation des principes de justice naturelle ou de la prise en compte de facteurs externes ou non pertinents, rien ne justifie l'intervention de la Cour face à l'exercice par le ministre de son pouvoir discrétionnaire.
[13] Après avoir examiné avec soin les motifs du comité d'examen, avalisés par la représentante du ministre dans sa lettre de décision transmise à M. Khanna, je ne trouve rien de manifestement déraisonnable dans cette décision. Étant donné, toutefois, le déroulement prolongé de la présente affaire et le temps qu'il a fallu au ministre pour établir la deuxième cotisation à des fins d'équité, je vais exercer mon pouvoir discrétionnaire et m'abstenir d'adjuger les dépens au défendeur.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
La demande est rejetée. Chacune des parties acquittera ses dépens.
« Richard G. Mosley »
Juge
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-453-04
INTITULÉ : SATISH K KHANNA c. PGC
LIEU DE L'AUDIENCE : EDMONTON (ALBERTA)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 16 NOVEMBRE 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE MOSLEY
DATE DES MOTIFS ET
DE L'ORDONNANCE : LE 16 NOVEMBRE 2004
COMPARUTIONS :
Satish K Khanna (s'est représenté lui-même) POUR LE DEMANDEUR
Margaret McCabe POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
S'est représenté lui-même POUR LE DEMANDEUR
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)