Date : 20031217
Dossier : IMM-9716-03
Référence : 2003 CF 1481
Toronto (Ontario), le 17 décembre 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN
ENTRE :
MARCELLO FABIAN FERREIRA RIMOLDI
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] M. Ferreira est un citoyen de l'Uruguay et il est venu au Canada en décembre 2001. Il a fait une demande d'asile qui a été rejetée le 30 octobre 2002 et il n'a pas demandé le contrôle judiciaire de la décision. Il a fait une demande d'examen des risques avant renvoi (demande ERAR), qui a été rejetée le 7 novembre 2003. Le 12 novembre 2003, on l'a avisé que son renvoi était prévu pour le 18 décembre 2003.
[2] L'épouse de M. Ferreira et sa fille, maintenant âgée de 7 ans, l'ont rejoint au Canada en octobre 2002 et ont également fait une demande d'asile. De plus, le 19 août 2003, M. Ferreira, son épouse et sa fille ont déposé une demande d'établissement basée sur des considérations d'ordre humanitaire (la demande CH). Ces deux demandes sont pendantes.
[3] M. Ferreira demande maintenant un sursis à la mesure de renvoi prise contre lui jusqu'à ce qu'une décision soit rendue concernant la demande CH de la famille.
[4] L'agent de renvoi John McGarry a soumis les motifs suivants pour rejeter la demande de sursis du renvoi de M. Ferreira :
[traduction]
5. En ce qui concerne la demande du demandeur de reporter son renvoi, j'ai bien tenu compte de la question du préjudice qu'engendre la séparation, mais je n'ai pas trouvé de raisons convaincantes. Le demandeur, comme il est mentionné précédemment, a fait une demande d'asile en décembre 2001, mais son épouse et son enfant n'ont fait leur demande qu'en octobre 2002, et ont donc déjà vécu une séparation plutôt longue. À la lumière de ces faits, je ne sentais pas qu'un préjudice indu découlerait d'une séparation.
6. Je me suis également arrêté au fait que le demandeur était le principal soutien de la famille; il faisait cela sans avoir de permis de travail valide. Vu ce fait, je ne pouvais tenir compte du soutien qu'offrait le demandeur puisqu'il le faisait illégalement.
7. En ce qui concerne l'intérêt supérieur de l'enfant, je m'en rapporte encore au fait qu'il y a déjà eu une séparation assez longue des membres de cette famille. J'ai tenu compte de la décision Martinez, mais je ne l'ai pas trouvé convaincante dans les circonstances.
[5] Pour qu'un sursis soit accordé, le demandeur doit se conformer aux trois éléments du critère établi dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1988] 86 N.R. 302 (C.A.F.). Il doit démontrer : a) qu'il y a une question sérieuse à trancher; b) qu'il subirait un préjudice irréparable si le sursis n'était pas accordé; et c) que la prépondérance des inconvénients favorise l'octroi du sursis.
[6] Comme préjudice irréparable, M. Ferreira cite l'intérêt de l'enfant. Selon le demandeur, « l'intérêt supérieur de l'enfant » est un droit enchâssé dans la Convention des Nations Unies relative aux droits des enfants. Par le biais de l'alinéa 3(3)f) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ce droit a été incorporé dans la loi canadienne. L'alinéa 3(3)f) se lit comme suit :
ANNEXE
Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27
Interprétation et mise en oeuvre
3. (3) L'interprétation et la mise en oeuvre de la présente loi doivent avoir pour effet : [...] f) de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l'homme dont le Canada est signataire. |
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Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27
Application
3. (3) This Act is to be construed and applied in a manner that: ... (f) complies with international human rights instruments to which Canada is signatory. |
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[7] Le demandeur s'en remet à la décision Martinez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2003] A.C.F. no 1695 (1re inst.) (QL), 2003 CF 1341. La partie clé de cette décision se trouve aux paragraphes 18 et 19 où le juge Simpson dit :
La question est de savoir si les difficultés sur le plan économique et les troubles émotionnels que vivront l'épouse et la fille constituent un préjudice irréparable. Dans une analyse traditionnelle antérieure à la Convention, on aurait probablement répondu à cette question par la négative au motif que les conséquences inévitables d'un renvoi sur les plans financier et émotif ne constituent pas un préjudice irréparable.
Toutefois, la Convention met l'emphase sur l'importance de la famille et dit au paragraphe 7(1) qu'un enfant a le droit, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d'être élevé par eux. À mon avis, si l'on applique la LIPR de façon à ce qu'elle soit compatible avec la Convention, la séparation d'un parent et d'un enfant par l'État qui ne tient pas compte de l'intérêt supérieur de l'enfant constituerait une violation continue des droits de l'enfant. Il me semble également qu'une pareille violation des droits de la personne constitue un préjudice irréparable. [Non souligné dans l'original.]
[8] Il ressort clairement de la décision Martinez, précitée, que l'on doit « [tenir] compte de l'intérêt supérieur de l'enfant » lorsqu'il s'agit d'une décision sur une demande ERAR ou d'une ordonnance de renvoi. Toutefois, cela a été fait dans la présente affaire. Le fait d'en avoir tenu compte ne veut pas nécessairement dire que l'on doive conclure à une mesure de renvoi. Les extraits précédemment cités de l'affidavit de l'agent de renvoi démontrent clairement qu'il s'est conformé aux exigences mais ne les a pas trouvées convaincantes.
[9] Comme cela a été dit plusieurs fois, les décisions relatives à l'expulsion dans un contexte familial sont difficiles, et il peut en résulter des situations déplaisantes. Voir : Melo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 188 F.T.R. 39 au paragraphe 21,
[2000] A.C.F. no 403 (1re inst.) (QL). La conclusion de préjudice irréparable dans la décision Martinez, précitée, est fondée sur les faits propres à cette affaire. Comme il est décrit précédemment, le père demandeur dans l'affaire Martinez, précitée, son épouse et leurs enfants étaient tous de nationalité différente. Le Canada était le seul endroit ou les enfants avaient de plein droit accès à la possibilité d'être élevés par leur père, si on lui accordait le droit de rester. La décision sur le préjudice irréparable résultait du fait que les enfants n'avaient apparemment pas d'autre pays où aller.
[10] Par conséquent, je conclus que le demandeur n'a pas réussi à prouver un préjudice irréparable. Puisque les éléments du critère de l'arrêt Toth, précité, sont cumulatifs, je n'ai pas à examiner le sérieux de la question de la prépondérance des inconvénients.
[11] La présente demande de sursis est rejetée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que :
1. La présente demande de sursis soit rejetée.
_ K. von Finckenstein _
Juge
Traduction certifiée conforme
Caroline Raymond, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-9716-03
INTITULÉ : MARCELLO FABIAN FERREIRA RIMOLDI
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 15 DÉCEMBRE 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE von FINCKENSTEIN
DATE DES MOTIFS : LE 17 DÉCEMBRE 2003
COMPARUTIONS :
Krassina Kostadinov POUR LE DEMANDEUR
Martin Anderson POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Waldman & Associates POUR LE DEMANDEUR
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
COUR FÉDÉRALE
Date : 20031217
Dossier : IMM-9716-03
ENTRE :
MARCELLO FABIAN FERREIRA RIMOLDI
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE