Date : 20030902
Dossier : T-1289-94
ENTRE :
GLEN TEWNION
demandeur
et
SA MAJESTÉ LA REINE
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
(Prononcés à l'audience à Vancouver
(Colombie-Britannique),
le mercredi 27 août 2003)
[1] Il s'agit d'une requête en jugement sommaire présentée par la Couronne défenderesse. L'action, telle qu'elle était initialement libellée, visait l'annulation d'une décision administrative par laquelle le demandeur avait été libéré des Forces canadiennes. On sollicitait également un jugement déclaratoire portant que certains droits que la Charte garantissait au demandeur avaient été violés et on réclamait des dommages-intérêts et d'autres mesures de réparation connexes.
[2] Dans un jugement antérieur, la Cour a radié la partie de la demande ayant trait à l'annulation de la décision de libérer le demandeur. Ainsi, il ne reste plus qu'à trancher la question de la réparation fondée sur la Charte. Cette demande est basée sur les articles 7 et 15. Certains documents font également référence à l'existence d'une demande éventuelle fondée sur l'article 2. Cette possibilité n'a cependant pas été soulevée au cours des plaidoiries, et il n'y a rien dans le dossier qui permette d'étayer une telle demande.
[3] À mon avis, l'atteinte alléguée aux droits du demandeur garantis à l'article 7 ne donne clairement pas lieu à des poursuites. Il n'y a rien dans le dossier qui permette à un tribunal de conclure que la libération du demandeur des Forces canadiennes a mis en péril sa vie, sa liberté ou la sécurité de sa personne. Même si je n'exclus pas la possibilité qu'un argument en ce sens puisse être présenté, une telle demande diffère sensiblement des demandes fondées sur l'article 7 auxquelles la Cour a fait droit jusqu'à maintenant, et elle devrait être étayée par un ensemble de faits et d'éléments de preuve très considérable. En l'absence de tels faits et éléments de preuve, la demande doit tout simplement être rejetée.
[4] L'argument du demandeur selon lequel la décision de libération contrevient aux principes de justice fondamentale est de toute évidence non pertinent dans la mesure où la violation des droits prévus à l'article 7 n'a pas été établie.
[5] Il en est de même, selon moi, de la demande fondée sur l'article 15. On affirme que le demandeur est un travesti et qu'il est donc atteint d'une déficience mentale qui échappe à sa volonté. On soutient que le demandeur fait l'objet de discrimination en raison de sa déficience, ce qui va à l'encontre de l'article 15.
[6] Indépendamment du fait que la preuve que le demandeur a présentée pour démontrer que son état échappait à sa volonté est extrêmement fragile, il n'y a rien dans le dossier qui permette à la Cour de mener une analyse de la composition du prétendu groupe auquel le demandeur affirme appartenir et de la question de savoir si le groupe en question a été victime de discrimination dans le passé ou constitue ce qu'on a appelé dans des décisions antérieures une minorité discrète et isolée.
[7] En fait, la preuve présentée ne démontre pas que le demandeur a été renvoyé des Forces canadiennes en raison de sa présumée appartenance à un groupe particulier mais plutôt parce qu'on avait conclu qu'il s'était comporté en public d'une façon qui a à juste titre été considérée comme totalement inappropriée de la part d'un membre des Forces canadiennes. Autrement dit, le demandeur n'a pas été libéré en raison de ce qu'il était mais de ce qu'il avait fait. Ceci n'a bien sûr rien à voir avec la question de savoir si la conclusion qu'il avait commis les actes reprochés était correcte. Comme je l'ai déjà dit, la partie de la demande dans laquelle on allègue que la décision administrative de libérer le demandeur est entachée d'erreur a été radiée. Par conséquent, l'argument du demandeur selon lequel la décision de le libérer était entachée d'erreur sur le plan de la justice naturelle et du droit administratif est sans pertinence quant à sa demande de réparation fondée sur la Charte, qui est la seule sur laquelle il faut statuer.
[8] Par conséquent, la requête sera accueillie et l'action sera rejetée. La Couronne aura droit à ses dépens, qui seront fixés ultérieurement.
« James K. Hugessen »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 2 septembre 2003
Traduction certifiée conforme
Aleksandra Koziorowska, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1289-94
INTITULÉ : Glenn Tewnion c. Sa Majesté la Reine
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britanniqueu)
DATE DE L'AUDIENCE : le 27 août 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : monsieur le juge Hugessen
DATE DES MOTIFS : le 2 septembre 2003
COMPARUTIONS :
Mel R. Hunt POUR LE DEMANDEUR
Christopher Rupar POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Dinning Hunter Lambert POUR LE DEMANDEUR
& Jackson
Victoria (C.-B.)
Morris Rosenberg POUR LA DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)