Toronto (Ontario), le 29 juin 2006
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL
ENTRE :
GERARDO ALBERTO DIAZ‑SUAREZ
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Dans la présente demande, le demandeur, citoyen de la Colombie et travailleur bénévole auprès d’une garderie pour enfants démunis issus d’un quartier à faible revenu de Bogota, sollicite l’asile parce qu’il a été l’objet de menaces de la part des Forces armées révolutionnaires de Colombie (les FARC). Le demandeur fonde sa demande sur sa crainte des FARC, qui ont menacé de s’en prendre à lui et à sa famille parce qu’il refusait de fournir des renseignements personnels sur les familles dont les enfants fréquentaient la garderie à laquelle il avait accès. Les menaces constituent donc l’élément clé de la demande de protection du demandeur. En ce qui concerne la preuve du demandeur au sujet des menaces proférées, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a conclu ce qui suit :
[traduction]
Le tribunal trouve peu vraisemblable que les FARC aient passé des années à tenter d’obtenir l’aide du demandeur pour obtenir des données de base sur ces familles démunies. En outre, le tribunal trouve peu vraisemblable que ces familles, en supposant qu’elles vivaient dans des conditions aussi primitives, aient même un numéro de téléphone et une adresse. Quand ce manque de vraisemblance a été souligné au demandeur, celui‑ci a expliqué que ces personnes, même si elles étaient démunies, avaient tout de même un numéro de téléphone à la maison ou au travail. Le tribunal a pris en considération cette explication, mais trouve quand même la situation peu vraisemblable.
(Décision du tribunal, p. 4)
[2] À mon avis, cette conclusion ne satisfait pas au critère applicable aux conclusions d’invraisemblance dont le juge Muldoon fait état dans la décision Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 1131, au paragraphe 7 :
Un tribunal administratif peut tirer des conclusions défavorables au sujet de la vraisemblance de la version des faits relatée par le revendicateur, à condition que les inférences qu’il tire soient raisonnables. Le tribunal administratif ne peut cependant conclure à l’invraisemblance que dans les cas les plus évidents, c’est‑à‑dire si les faits articulés débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le revendicateur le prétend. Le tribunal doit être prudent lorsqu’il fonde sa décision sur le manque de vraisemblance, car les revendicateurs proviennent de cultures diverses et que des actes qui semblent peu plausibles lorsqu’on les juge en fonction des normes canadiennes peuvent être plausibles lorsqu’on les considère en fonction du milieu dont provient le revendicateur. [voir L. Waldman, Immigration Law and Practice (Markham, ON, Butterworths, 1992) à la page 8.22]
[3] Par conséquent, je conclus que la décision de la SPR comporte une erreur susceptible de révision.
ORDONNANCE
En conséquence, pour les motifs exposés ci‑dessus, la décision de la SPR est annulée et l’affaire renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.
« Douglas R. Campbell »
Traduction certifiée conforme
David Aubry, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM‑6347‑05
INTITULÉ : GERARDO ALBERTO DIAZ‑SUAREZ
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 29 JUIN 2006
ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS : LE 29 JUIN 2006
COMPARUTIONS :
Douglas Lehrer POUR LE DEMANDEUR
Greg G. George POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
VanderVennen Lehrer POUR LE DEMANDEUR
Avocats
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous‑procureur général du Canada