Date : 20000619
Dossier : T-944-00
ENTRE :
BRENDA JOHNSON-PAQUETTE ET SA FAMILLE
demanderesse
- et -
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE BLAIS
[1] Il s'agit d'une requête en injonction interlocutoire visant à faire interdire premièrement que la défenderesse place la demanderesse en invalidité et deuxièmement que la demanderesse subisse une nouvelle évaluation.
LES FAITS
[2] Le 18 novembre 1999, Katalin Deczky, directrice du Développement des ressources humaines Canada, a demandé à la demanderesse de prendre un rendez-vous médical auprès des agents de l'Agence d'hygiène et de sécurité au travail (de Santé Canada).
[3] Dans sa lettre, Mme Deczky a dit :
[TRADUCTION] Je vous le demande parce que je m'inquiète de votre bien-être. Il est devenu évident pour moi, compte tenu de vos courriels, de vos lettres, de vos messages vocaux et de votre comportement général, que vous êtes de plus en plus agitée et stressée.
Par conséquent, je vous donne l'ordre de rentrer chez vous et d'y demeurer avec salaire jusqu'à ce qu'un rendez-vous médical ait été pris avec les agents de l'AHST. Vous êtes également prévenue de vous rendre disponible pour ce rendez-vous dès qu'une heure et une date seront données.
[4] Le 8 décembre 1999, le Dr J. Lloyd-Jones, médecin pour l'Agence d'hygiène et de sécurité au travail, a écrit à la demanderesse pour confirmer un rendez-vous avec le Dr Gilles Melançon, psychiatre, le 14 décembre 1999.
[5] Le 7 février 2000, le Dr J. Lloyd-Jones, a envoyé une lettre à Steve Shipley, gestionnaire de relations de travail et de l'HST, portant sur l'évaluation de Mme Paquette. Dans cette lettre, le Dr Lloyd-Jones a fait un certain nombre de recommandations :
[TRADUCTION] 1. Nous sommes d'avis que Mme Paquette ne devrait pas retourner à son ancien poste.
2. Nous faisons des recommandations pour un traitement et un suivi pour Mme Paquette.
3. Nous croyons que Mme Paquette pourrait retourner dans un nouveau poste dans un secteur différent (c.-à.d., un nouveau milieu et de nouveaux collègues). Pendant cette réintégration, elle sera suivie médicalement.
4. Nous fournirons au médecin traitant de Mme Paquette le résultat de notre évaluation.
Si Mme Paquette devait faire face à de nouvelles difficultés au travail, il nous ferait plaisir de la revoir, à votre demande.
[6] Le 23 février 2000, la demanderesse a écrit à Steve Shipley. Dans cette lettre, la demanderesse a dit :
[TRADUCTION] Je suis d'accord avec les recommandations de l'Agence HST et, en outre, je demande que mon poste d'attache passe de la Direction de l'apprentissage et de l'alphabétisation à un milieu de travail qui me donnerait un nouveau départ et qui empêcherait également que les gestionnaires de la Direction de l'apprentissage et de l'alphabétisation aient des rapports avec mon nouveau poste et mes nouveaux gestionnaires ou exercent une influence sur ceux-ci.
Je demande également que le poste se rapporte aux ordinateurs.
[7] Le 17 mai 2000, le Dr Lloyd-Jones a écrit une autre lettre à Steve Shipley, dans laquelle il disait :
[TRADUCTION] Par suite de ma lettre du 7 février 2000, j'ai maintenant obtenu plus de renseignements médicaux du spécialiste traitant de Mme Paquette. Compte tenu de ces nouveaux renseignements, je souhaite modifier mes recommandations précédentes.
Nous estimons que Mme Paquette n'est pas présentement en mesure de satisfaire aux exigences médicales de son poste. Elle a besoin davantage de traitements et de surveillance avant de pouvoir retourner à un nouveau poste. Son médecin croit qu'un délai de 4 à 6 mois serait nécessaire.
Nous proposons que Mme Paquette soit dirigée de nouveau vers notre service pour une nouvelle évaluation quand son médecin dira qu'elle est prête à retourner au travail.
[8] Le 30 mai 2000, la demanderesse a déposé une déclaration demandant 10 000 000 $ en dommages-intérêts dans laquelle elle prétendait en particulier que la défenderesse avait agi de mauvaise foi en présentant ses propres interprétations et avait fait preuve de négligence envers les lois, les politiques et les procédures du lieu de travail et avait encouragé des intérêts qui ne pouvaient que miner la demanderesse et empoisonner le lieu de travail. En même temps, la demanderesse a signifié et déposé la présente requête en injonction interlocutoire.
[9] Le 8 juin 2000, la Cour a commencé l'audition de la requête en injonction interlocutoire.
[10] La demanderesse a dit à la Cour que la lettre du 17 mai 2000 du Dr Lloyd-Jones n'était pas exacte et qu'elle pouvait fournir un rapport de son propre médecin qui serait plus exact.
[11] L'audition de la requête a été ajournée au 15 juin 2000 pour permettre à la demanderesse de signifier et de déposer le nouveau rapport du médecin et également pour permettre aux parties de se parler pour voir si l'affaire pouvait être réglée.
[12] La demanderesse a effectivement déposé une lettre du Dr Marion Koch avec un affidavit d'elle-même. Cette lettre du Dr Koch dit :
[TRADUCTION] Le 9 juin 2000
À qui de droit
Objet : BRENDA JOHNSON
Je suis actuellement son médecin traitant et je suis d'avis qu'elle est en état de travailler et d'aller à l'école malgré une maladie prédominante.
Veuillez agréer mes salutations,
Marion Koch, M.D., FRCPC
[13] L'avocat de la défenderesse m'a dit que cette lettre avait été envoyée au Dr Lloyd-Jones et comme cette lettre n'était pas détaillée, le Dr Lloyd-Jones voulait discuter de l'affaire avec le Dr Koch. Cependant, la demanderesse a vigoureusement empêché au Dr Lloyd-Jones de le faire, elle a prétendu que cette lettre parlait d'elle-même et qu'elle ne faisait pas confiance au Dr Lloyd-Jones.
[14] J'ai demandé à l'avocat de la défenderesse s'ils allaient modifier l'opinion exprimée dans la lettre du 17 mai 2000, dans le cas où la dernière preuve serait présentée à sa cliente.
[15] L'avocat de la défenderesse a mentionné à plusieurs reprises qu'ils étaient disposés à changer d'avis si le Dr Lloyd-Jones était autorisé à discuter librement avec le médecin de la demanderesse de l'état de cette dernière.
[16] Pour que son injonction interlocutoire soit accueillie, la demanderesse est tenue de démontrer qu'elle satisfait au critère en trois volets : elle doit prouver qu'il y a une question grave, qu'elle subira un préjudice irréparable et que la prépondérance des inconvénients penche en sa faveur.
[17] La Cour a décidé d'aborder la question du préjudice irréparable.
[18] La demanderesse est d'avis qu'elle subira un préjudice irréparable si l'opinion du Dr Lloyd-Jones, exprimée dans la lettre datée du 17 mai 2000, n'est pas modifiée. En même temps, elle s'oppose fortement à ce que son médecin fournisse davantage de renseignements au Dr Lloyd-Jones.
[19] À la toute fin de la lettre du 17 mai 2000, il est très clair que le Dr Lloyd-Jones évaluera de nouveau la demanderesse dès que son médecin indiquera qu'elle est prête à retourner au travail. Or, en même temps, le Dr Lloyd-Jones a besoin d'un peu plus de détails que la lettre de deux lignes du Dr Koch, datée du 9 juin 2000.
[20] Il appartient à la demanderesse de décider si elle présentera une preuve supplémentaire pour permettre à la défenderesse de changer d'avis et de modifier les recommandations figurant dans la lettre du 17 mai 2000.
[21] La demanderesse a également mentionné que si elle obtient de l'argent de sa demande, l'affaire serait probablement réglée, bien qu'elle croie qu'elle n'obtiendra pas les 10 000 000 $ qu'elle demande.
[22] L'avocat de la défenderesse a prétendu que la demanderesse avait été mise en congé de maladie du 17 mai 2000 au 1er juin 2000 et qu'elle pouvait demander des prestations d'assurance-invalidité de la Sun Life à compter de cette dernière date jusqu'à ce que son état médical se clarifie.
[23] Il semble évident qu'il ne s'agit pas d'une situation pour laquelle une injonction interlocutoire est le recours adéquat et même si je tenais pour acquis qu'il existe une question grave, je suis d'avis que la demanderesse n'a pas réussi à démontrer l'existence d'un préjudice irréparable.
[24] Je recommande tout de même que les parties se réunissent pour essayer de régler l'affaire et l'avocat de la défenderesse a montré qu'il était de bonne foi et qu'il était disposé à veiller à ce que la défenderesse modifie les recommandations figurant dans la lettre du 17 mai 2000 en tenant compte de la nouvelle preuve que la demanderesse pourrait présenter.
[25] Pour ces motifs, la requête en injonction interlocutoire est rejetée sans frais.
« Pierre Blais »
J.C.F.C.
OTTAWA (ONTARIO)
Le 19 juin 2000
Traduction certifiée conforme
Martine Brunet, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-944-00
INTITULÉ DE LA CAUSE : Brenda Johnson-Paquette et sa famille c. Sa Majesté la Reine
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa
DATE DE L'AUDIENCE : 8 et 15 juin 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PAR LE JUGE BLAIS
EN DATE DU : 19 juin 2000
ONT COMPARU :
Brenda Johnson-Paquette en son propre nom POUR LA DEMANDERESSE
Louis Sébastien POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Brenda Johnson-Paquette en son propre nom
Gatineau (Québec) POUR LA DEMANDERESSE
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada POUR LA DÉFENDERESSE