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Date : 20040123

Dossier : T-449-02

Référence : 2004 CF 100

Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

                                                               DANNY LESKIW

                                                                                                                                           demandeur

                                                                            et

                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par la Commission d'appel des pensions (CAP), datée du 14 février 2002, rejetant la demande d'autorisation d'appel d'une décision d'un tribunal de révision en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). M. Leskiw sollicite une ordonnance qui accueillerait sa demande de contrôle judiciaire et annulerait la décision de la CAP. Il demande également un redressement semblable en rapport avec la décision du tribunal de révision et la décision de réexamen dans laquelle le ministère du Développement des ressources humaines Canada (DRHC) a refusé sa demande de paiement rétroactif des prestations qui lui étaient versées en vertu du RPC. En fin de compte, il demande que les prestations qui lui ont été versées depuis 2000 le soient également depuis le 1er juillet 1997.

Contexte

[2]                La demandeur est né le 25 juin 1937. Le 26 mai 2000, il a présenté une demande de pension de retraite en vertu du RPC. Puis, le 2 juin 2000, il a écrit à DRHC pour demander le paiement rétroactif des prestations depuis mai 1999. Il a expliqué, dans sa lettre, qu'il avait compris que tous les demandeurs pouvaient présenter une demande de prestations rétroactives allant jusqu'à un an.

[3]                Le 21 juin 2000, le demandeur a reçu une lettre du ministre l'avisant que sa demande de pension en vertu du RPC avait été approuvée et indiquant que la date de prise d'effet des paiements était juin 2000.


[4]                Le 22 juin 2000, le demandeur a de nouveau écrit à DRHC concernant l'absence de réponse à sa lettre antérieure du 2 juin 2000. Il a encore une fois demandé que les prestations lui soient versées à compter de mai 1999 et il a avisé DRHC que c'était au bureau même du ministère qu'il avait appris que le RPC permettait des paiements rétroactifs allant jusqu'à un an avant la date de la demande. Dans sa décision de réexamen, datée du 15 septembre 2000, DRHC a conclu que le Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (la Loi) ne permettait pas les paiements rétroactifs exigés par le demandeur.

[5]                Par lettre datée du 10 décembre 2000, le demandeur a interjeté appel de cette décision devant un tribunal de révision du Régime de pensions du Canada, prétendant cette fois que des fonctionnaires de DRHC l'avaient informé qu'il avait le droit de toucher sa rente rétroactivement depuis juillet 1997 plutôt que depuis mai 1999 comme il l'avait prétendu auparavant. Le 17 avril 2001, l'audition du tribunal de révision a eu lieu et, le 22 mai 2001, l'appel interjeté par le demandeur a été rejeté.

[6]                Le tribunal de révision a conclu que le ministre avait correctement appliqué le paragraphe 67(2) de la Loi qui prévoit la date à laquelle la pension est payable et qu'il avait, à juste titre, refusé la demande de paiements rétroactifs du demandeur. Le tribunal de révision a mentionné que le demandeur avait également intenté une poursuite devant la Cour fédérale pour demander un redressement en conformité avec le paragraphe 66(4) de la Loi, en se fondant sur les avis erronés qu'il alléguait avoir reçus d'un fonctionnaire de DRHC. Cependant, toutes les parties ont convenu que le tribunal n'avait pas compétence pour examiner la question d'un avis erroné. Le tribunal de révision a également conclu que l'obligation du ministre à l'égard du demandeur était une obligation découlant de la loi et non d'un contrat comme le prétendait ce dernier.

[7]                Le demandeur a demandé l'autorisation d'interjeter appel de la décision du tribunal de révision à la CAP. Sa demande a été envoyée à un membre désigné de la Commission. Le 1er février 2002, la demande d'autorisation d'interjeter appel du demandeur a été rejetée et cette décision a été communiquée par lettre datée du 14 février 2002 à M. Leskiw. Voici les motifs qui lui ont été donnés et sur lesquels la décision était fondée :

[traduction] Selon moi, le tribunal de révision a eu raison de conclure que le paragraphe 66(4) ne confère pas à l'appelant de droit à une réparation et que le ministre, dans ce contexte, n'a pas d'obligations contractuelles, mais que des obligations légales. Pour ces motifs, l'autorisation d'interjeter appel est refusée.

Dispositions législatives applicables

[8]                Voici les dispositions pertinentes du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 :

66. (4) Dans le cas où le ministre est convaincu qu'un avis erroné ou une erreur administrative survenus dans le cadre de l'application de la présente loi a eu pour résultat que soit refusé à cette personne, selon le cas :

66. (4) Where the Minister is satisfied that, as a result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act, any person has been denied

a) en tout ou en partie, une prestation à laquelle elle aurait eu droit en vertu de la présente loi,

[...]

(a) a benefit, or portion thereof, to which that person would have been entitled under this Act,

. . .

le ministre prend les mesures correctives qu'il estime indiquées pour placer la personne en question dans la situation où cette dernière se retrouverait sous l'autorité de la présente loi s'il n'y avait pas eu avis erroné ou erreur administrative.

the Minister shall take such remedial action as the Minister considers appropriate to place the person in the position that the person would be in under this Act had the erroneous advice not been given or the administrative error not been made.

67. (2) En ce qui concerne une pension de retraite qui commence à être payable le 1er janvier 1987 ou après, si les requérants ne sont pas des ayants droit et sous réserve de l'article 62, lorsque le paiement de la pension de retraite est approuvé, la pension est payable mensuellement et commence avec le dernier en date des mois suivants :

67. (2) For a retirement pension that commences to be payable on or after January 1, 1987 and where the applicant is not an estate, subject to section 62, where payment of the retirement pension is approved, the pension is payable for each month commencing with the latest of

a) le mois au cours duquel le requérant atteint l'âge de soixante ans;

(a) the month in which the applicant reached sixty years of age,

b) le mois suivant le mois au cours duquel le requérant a présenté une demande, s'il n'avait pas atteint l'âge de soixante-dix ans lorsqu'il a présenté sa demande;

[...]

(b) the month following the month in which the applicant applied, if he was under seventy years of age when he applied,

. . .

h) le mois que choisit le requérant dans sa demande.

(h) the month chosen by the applicant in his application.

[9]                Dans l'affaire qui nous occupe, M. Leskiw, alors âgé de 63 ans, a présenté une demande de prestations en mai 2000, alors qu'il avait moins de 70 ans. Par conséquent, l'alinéa 67(2)b) s'applique et ses prestations étaient payables à compter de juin 2000, soit le mois suivant le mois au cours duquel il avait présenté sa demande.

[10]            Voici les dispositions pertinentes des Règles de procédure de la Commission d'appel des pensions (prestations), C.R.C., ch. 390 (les Règles de procédure) :

8. (1) Sur réception d'une demande d'autorisation d'interjeter appel de la décision d'un tribunal de révision, le registraire avise par écrit le commissaire du dépôt de la demande.

8. (1) On receipt of an application for leave to appeal a decision of a Review Tribunal, the Registrar shall notify the Commissioner in writing that such an application has been filed.

(2) Après avoir reçu l'avis mentionné au paragraphe (1), le commissaire fournit au registraire, avant la fin du troisième jour ouvrable qui suit la date de réception de l'avis, les renseignements suivants :

(2) The Commissioner, after receiving a notification under subsection (1), shall provide to the Registrar, before the end of the third working day following the day on which the notification was received, the following:

a) les nom et adresse des parties aux procédures devant le tribunal de révision;

(a) the names and addresses of the parties to the proceedings before the Review Tribunal;

b) la décision du tribunal de révision et les motifs à l'appui;

(b) the decision of the Review Tribunal and the reasons therefor; and

c) la preuve documentaire déposée auprès du tribunal de révision.

(c) the documentary evidence that was filed with the Review Tribunal.

9. (1) Le président ou le vice-président peut demander à l'appelant ou à toute partie de produire les documents ou les renseignements dont il a besoin pour décider d'accorder ou de refuser la demande d'autorisation d'interjeter appel ou de prorogation du délai imparti pour demander cette autorisation.

9. (1) The Chairman or Vice-Chairman may request the appellant or any party to produce documents or information required for the purpose of the granting or refusal of leave to appeal or an extension of time within which to apply for leave to appeal.

(2) L'appelant peut, à l'appui de sa demande aux termes des articles 4 ou 5, produire tout document qu'il juge utile.

(2) The appellant may produce documents that the appellant considers useful in support of the application under section 4 or 5.

Norme de contrôle


[11]            Dans Callihoo c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 612, au paragraphe 15, une affaire semblable concernant un refus de prestations d'invalidité aux termes du RPC, j'ai examiné la jurisprudence sur la norme de contrôle et j'ai conclu que le contrôle d'une décision relative à une demande d'autorisation d'interjeter appel devant la CAP donne lieu à la question de savoir si le décideur a appliqué le bon critère, c'est-à-dire si la demande a des chances sérieuses d'être accueillie en ce sens que le décideur a commis une erreur de droit ou qu'il a apprécié les faits d'une manière déraisonnable. Si une nouvelle preuve est produite en même temps que la demande ou si la demande soulève une question de droit ou présente des faits importants que le tribunal de révision n'a pas pris en considération de façon opportune, une question sérieuse est soulevée et il serait justifié d'accorder l'autorisation demandée.

Analyse

[12]            En l'espèce, le défendeur prétend que la CAP a appliqué le bon critère. Elle a fait siennes la décision et les motifs du tribunal de révision et elle a décidé que le tribunal de révision avait tiré les conclusions qui s'imposaient. Je suis d'accord avec les observations du défendeur selon lesquelles la CAP a appliqué le bon critère en décidant que la demande d'autorisation d'interjeter appel de M. Leskiw n'avait pas des chances sérieuses de réussir même si la CAP aurait pu mieux expliquer ses motifs.

[13]            Le paragraphe 67(2) de la Loi empêche le ministre d'accorder des prestations rétroactives au demandeur. En l'espèce, le demandeur a présenté une demande de prestations en vertu du RPC en mai 2000, un mois avant son soixante-troisième anniversaire de naissance. Ainsi, la date de prise d'effet des prestations était juin 2000. Il n'est pas possible de prétendre que le refus d'accorder les prestations rétroactives au demandeur était erroné. Puisqu'elle est conforme aux termes du paragraphe 67(2), la décision est valable en droit.

[14]            Le demandeur fait valoir l'existence d'autres motifs permettant d'accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. Il prétend que :

1.         la CAP a commis une erreur en se fondant sur le paragraphe 66(4) de la Loi alors qu'en réalité, la question en litige visait le paragraphe 67(2);

2.         la CAP a commis une erreur en décidant que le ministre, dans le contexte de la Loi, et en particulier du paragraphe 66(4), n'avait pas d'obligations contractuelles, mais que des obligations légales;

3.         la lettre du demandeur au tribunal de révision datée du 19 avril 2001 ne faisait pas partie des documents du tribunal présentés à la CAP, une violation de l'alinéa 8(2)c) et du paragraphe 9(2) des Règles de procédure.

[15]            À mon avis, la CAP n'a pas commis une erreur en invoquant le paragraphe 66(4). Le renvoi tient compte de la question examinée par le tribunal de révision à la lumière des observations du demandeur, pendant la procédure de contrôle judiciaire, selon lesquelles il avait été induit en erreur par le personnel du ministre. Ce renvoi, par la CAP, vient tout simplement confirmer son avis, savoir que M. Leskiw n'avait droit à aucune réparation en vertu de la Loi et que les obligations du ministre découlent de la Loi. Il n'y a pas de droits qui découlent d'un contrat conclu entre le ministre et une personne qui demande des prestations : il n'y a pas d'autres droits que ceux qui découlent de la Loi.

[16]            Enfin, le demandeur soutient que la lettre du 19 avril 2001 qu'il a fait parvenir au Commissaire des tribunaux de révision, et dans laquelle il avait fait valoir qu'il n'avait bénéficié ni de l'application régulière de la loi ni d'une audition équitable, ne faisait pas partie des documents présentés à la CAP, comme l'exigeaient peut-être les Règles de procédure de la CAP. Toutefois, cette lettre, écrite après la décision du tribunal, ne contenait aucune preuve nouvelle ou supplémentaire dont la CAP aurait dû tenir compte. Au contraire, elle mentionnait les préoccupations du demandeur concernant le manque d'équité dont aurait fait preuve le tribunal dans l'examen de sa demande. Habituellement, la preuve d'un processus inéquitable constitue un motif d'intervention de la Cour lors d'un contrôle judiciaire, du moins lorsque le processus a pu influer sur la décision en cause. En l'espèce, il n'y a aucune raison de croire que si la CAP avait été saisie de la lettre du 19 avril 2001, elle aurait tiré une conclusion différente. Sa conclusion était conforme au paragraphe 67(2) de la Loi.

[17]            Le défendeur soutient que si le demandeur était d'avis que la lettre était importante dans cette affaire, rien ne l'empêchait soit de l'annexer à sa demande d'autorisation d'interjeter appel devant la CAP soit de tout simplement mentionner ses doléances dans ses observations. Il en est peut-être ainsi, mais il est tout de même malheureux que la lettre n'ait pas été produite avec les autres documents pertinents dans la demande présentée à la CAP, et ce, malgré le fait qu'elle ait été écrite après la décision visée par le contrôle et que sa prise en considération n'aurait rien changé à la décision du tribunal. Il n'y a aucune raison de conclure que la décision du tribunal de révision n'était pas fondée en droit.


Conclusion

[18]            Le demandeur n'a pas établi qu'il avait des chances sérieuses de l'emporter relativement à la décision prise par la CAP quant à sa demande d'autorisation. Il n'y a aucune raison d'intervenir relativement à la décision de refuser la demande d'autorisation d'appel de M. Leskiw.

ORDONNANCE

[19]            LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                      _ W. Andrew MacKay _             

                                                                                                     Juge                            

Ottawa (Ontario)

le 23 janvier 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             T-449-02

INTITULÉ :                            DANNY LESKIW

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 11 JUIN 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE             LE JUGE MacKAY

DATE DES MOTIFS :           LE 23 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

Danny Leskiw, pour son propre compte             POUR LE DEMANDEUR

Adrian Joseph                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Danny Leskiw, pour son propre compte             POUR LE DEMANDEUR

Etobicoke (Ontario)

Ministère de la Justice                POUR LE DÉFENDEUR

Ottawa (Ontario)


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