Date : 20030404
Dossier : IMM-6221-00
Montréal (Québec), le 4 avril 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL
ENTRE :
TIAN LI WEN
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agente des visas Nora M. Egan du Consulat général du Canada à Buffalo (le Consulat), portant la date du 31 octobre 2000, qui a rejeté la demande de résidence permanente au Canada du demandeur.
LES FAITS
[2] Le 28 octobre 1999, le Consulat a reçu la demande du demandeur. Le demandeur, un citoyen de la Chine, est un ingénieur chimiste et c'est à ce titre qu'il a fait une demande de résidence permanente au Canada. À la case 14 de sa demande, le demandeur a mentionné son épouse et son fils comme personnes à charge, que ces derniers l'accompagnent ou non.
[3] Le 13 janvier 2000, on a fait parvenir une trousse de demande au demandeur dans laquelle on l'avisait que des examens médicaux étaient requis pour son admission au Canada.
[4] Le 28 juillet 2000, l'agente des visas a fait parvenir une lettre au demandeur mentionnant qu'elle n'avait pas reçu les rapports médicaux requis du demandeur et de ses deux personnes à charge. Le demandeur a fourni son rapport médical dans le délai prévu.
[5] Le 18 septembre 2000, l'avocat du demandeur a avisé le défendeur par télécopieur que l'épouse et le fils du demandeur n'immigreraient pas au Canada et que, par conséquent, le demandeur ne payerait que sa propre taxe d'établissement. Il semble que le Consulat n'ait jamais reçu cette télécopie.
[6] Le 31 octobre 2000, l'agente des visas a refusé la demande de résidence permanente du demandeur parce que le demandeur n'a pas fourni des rapports médicaux complets pour son épouse et son fils. Par conséquent, l'agente des visas a établi que le demandeur faisait partie des personnes non admissibles décrites à l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2.
QUESTION EN LITIGE
[7] 1. L'agente des visas a-t-elle rendu sa décision en se fondant sur une conclusion de faits erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait?
2. La lettre du 18 septembre 2000 aurait-elle été un facteur déterminant dans la présente affaire?
[8] Le demandeur prétend que son avocat a fait parvenir une lettre par télécopieur le 18 septembre 2000, laquelle mentionnait que le paiement de sa taxe d'établissement serait acheminé au Consulat; la lettre mentionnait également que son épouse et son fils n'immigreraient pas en même temps que lui et qu'il les parrainerait à une date ultérieure. Il existe une preuve selon laquelle cette télécopie a bien été envoyée au numéro de télécopieur du Consulat général du Canada à Buffalo. Je suis disposé à présumer que la télécopie a bien été reçue puisque le rapport de télécopie mentionne que la communication s'est faite.
[9] À mon avis, il incombe au ministre, sur réception d'un document se rapportant à une cause, de le classer immédiatement. Je ne peux que présumer que l'agente des visas aurait dû tenir compte de cet élément de preuve avant de rendre sa décision.
[10] Cela dit, je crois que la Cour est en mesure de déterminer si la décision de l'agente des visas aurait été différente si cette dernière avait tenu compte de la lettre manquante.
[11] D'abord, le demandeur prétend qu'il ressortait clairement de sa lettre du 18 septembre 2000 que son épouse et son fils ne l'accompagneraient pas au Canada. Il soumet que dans un Guide préparé par Citoyenneté et Immigration intitulé Traitement des demandes à l'étranger, au chapitre OP 14 intitulé Procédures médicales, la disposition 2.1.3 prévoit que les personnes à charge qui n'accompagnent pas les demandeurs au Canada doivent néanmoins subir un examen médical, sauf pour ce qui est de l'exception qui s'applique dans le cas du demandeur à la disposition 2.1.3c) qui dit « les conjoints qui sont séparés des requérants et n'habitent pas avec eux » , ce qui correspond au sous-alinéa 9(2)a)(i) du Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement).
[12] Je ne suis pas d'accord avec cet argument. L'exception ne s'applique pas au demandeur parce que selon le sous-alinéa 9(2)a)(i) du Règlement, l'agente des visas ne pouvait délivrer de visa d'immigrant au demandeur à moins que ce dernier ne fournisse une preuve écrite qu'il était séparé de sa conjointe et n'habitait plus avec elle. La version française de ce sous-alinéa aide à interpréter le sens de « séparés » : « ... lorsque, sur la foi d'une preuve écrite, un agent d'immigration est convaincu que le mariage du demandeur et de ce conjoint a dans les faits cessé d'exister à la suite de leur séparation » .
[13] À moins qu'une telle preuve ne lui ait été fournie, l'agente des visas avait le devoir de décider si la conjointe du demandeur pouvait être admise au Canada, indépendamment de la question de savoir si elle accompagnait ou non le demandeur au Canada, le tout conformément à l'alinéa 9(1)a) du Règlement.
[14] De même, en ce qui concerne le fils du demandeur, le sous-alinéa 9(2)a)(ii) du Règlement dit que l'agente des visas ne pouvait délivrer de visa d'immigrant au demandeur à moins qu'elle ne soit convaincue que la garde ou la tutelle du fils avait été légalement confiée à l'épouse du demandeur.
[15] Ces principes sont analysés par Monsieur le juge Rothstein dans la décision Yuen et al. c. Canada (M.C.I.) (1997), 140 F.T.R. 81:
[9] L'objet de l'article 9 duRèglement sur l'immigration est de considérer comme un groupe familial la personne qui demande un visa d'immigrant au Canada ainsi que toutes les personnes à sa charge, que celles-ci l'accompagnent ou non. Si une seule de ces personnes à charge n'est pas admissible, le requérant ne l'est pas non plus.
[10] Aux termes de l'alinéa 9(2)a) du Règlement, l'agent des visas doit décider s'il est nécessaire de déterminer si un conjoint appartient à une catégorie de personnes non admissibles. Si l'agent des visas est convaincu que le mariage du requérant et de son conjoint a dans les faits cessé d'exister à la suite de leur séparation, il n'est pas tenu de déterminer si le conjoint séparé fait partie d'une catégorie de personnes non admissibles. De toute évidence, le législateur visait ainsi à s'assurer que, dans la mesure du possible, les membres d'une même famille ne sont pas séparés par suite de la délivrance d'un visa d'immigrant au requérant. Lorsque des conjoints ne sont plus unis par les liens du mariage, l'octroi d'un visa d'immigrant au requérant n'aura pas pour effet de désunir les membres de la famille. Cependant, si l'agent des visas n'est pas convaincu que le mariage du requérant et de son conjoint a dans les faits cessé d'exister à la suite de leur séparation, il doit se conformer à l'alinéa 9(1)a). (Non souligné dans l'original.)
[16] Dans le présent dossier, le demandeur allègue qu'il s'est conformé aux conditions du paragraphe 9(2) du Règlement parce que la lettre du 18 septembre 2000 dit qu'il payait la taxe d'établissement seulement pour lui-même et qu'il s'agit là d'un signe que lui et son épouse étaient séparés. Je ne crois pas que les affirmations contenues dans la lettre peuvent être interprétées comme une preuve écrite que le demandeur est séparé de son épouse, surtout si on considère qu'on y mentionne une possibilité de parrainage éventuel.
[17] Par conséquent, je suis d'avis que si ce document avait été remis à l'agente des visas, elle n'aurait pas pu être convaincue que l'admissibilité de l'épouse et du fils du demandeur n'avait pas à être examinée conformément au sous-alinéa 9(2)a)(i) du Règlement.
[18] De plus, je veux ajouter que les éléments de preuve fournis à la Cour par l'affidavit du demandeur et l'affidavit de l'agente des visas démontrent que le demandeur connaissait l'importance des rapports médicaux de son épouse et de son fils, qu'il tentait d'obtenir les rapports de son épouse même après que la décision a été rendue et qu'il a finalement soumis les rapports au Consulat en décembre 2000. Il incombait au demandeur de fournir les documents nécessaires à sa demande dans les délais impartis, qu'il s'agisse des rapports médicaux ou des documents prouvant qu'il était séparé de son épouse et de son fils.
[19] Pour ces motifs, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire.
[20] Les avocats des parties n'ont soulevé aucune question pour certification.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n'est certifiée.
« Simon Noël »
Juge
Traduction certifiée conforme
Caroline Raymond, LL.L.
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20030404
Dossier : IMM-6221-00
ENTRE :
TIAN LI WEN
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-6221-00
INTITULÉ : TIAN LI WEN
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : le 3 avril 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : le juge Noël
DATE DES MOTIFS : le 4 avril 2003
COMPARUTIONS :
Barbara J. Leiter POUR LE DEMANDEUR
Jocelyne Murphy POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Barbara J. Leiter POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec)