Date : 20040114
Dossier : IMM-437-03
Référence : 2004 CF 56
ENTRE :
MARIA ELENA SOLIS CASTILLO,
ANGIE CRISTINA CALDERON SOLIS
demanderesses
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
[1] Voici les motifs qui m'amènent à accueillir, à l'audience, la demande de contrôle judiciaire présentée par les demanderesses. Maria Elena Solis Castillo, une ressortissante du Costa Rica âgée de 47 ans, est venue au Canada accompagnée de sa fille de 8 ans et y a revendiqué le statut de réfugiée dès son arrivée. Sa revendication est fondée sur la violence verbale, émotive, physique et sexuelle que lui a fait subir son conjoint de fait.
[2] La Division de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (DPR) a conclu que les demanderesses ne sont pas des réfugiées au sens de la Convention ni des personnes qui ont besoin de protection. La DPR a jugé que la question essentielle était de savoir si [Traduction] « elles auraient pu demander la protection de l'État » et elle a conclu que les demanderesses n'avaient pas réfuté la présomption que l'État pouvait leur offrir sa protection.
[3] L'avocat des demanderesses a remis à la Commission huit documents portant sur la protection de l'État, plus précisément en rapport avec les attitudes sociétales, le manque de protection et la non-application des lois relatives à la protection des femmes. En outre, l'avocat a fait de nombreuses observations verbales concernant la question de la protection que l'État offre aux femmes victimes de violence conjugale au Costa Rica et il a énergiquement fait valoir qu'aucune protection n'allait leur être accordée par l'État.
[4] Dans sa décision, la DPR a déclaré qu'elle a examiné, entre autres choses, le témoignage verbal et la déposition écrite de la demanderesse, les observations de l'avocat et celles de l'agent chargé de la protection des réfugiés, la totalité de la preuve et particulièrement la preuve documentaire. À la page 8 de sa décision, la Commission a déclaré ce qui suit :
[TRADUCTION]
D'après la preuve produite, la formation ne dispose pas d'une preuve convaincante et digne de foi qui laisse entendre que la police et le système judiciaire du Costa Rica n'auraient pas offert à la demanderesse la protection de l'État.
[5] À l'exception de sa déclaration générale indiquant qu'elle a examiné la totalité de la preuve, la DPR n'a fait référence à aucun élément de la preuve documentaire ni aux observations formulées par l'avocat des demanderesses. Les demanderesses prétendent que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en omettant de mentionner ou d'examiner des éléments de preuve matériels qui contredisent sa conclusion de fait principale concernant l'existence de la protection de l'État.
[6] Les demanderesses ne prétendent pas que la DPR est tenue d'examiner chaque élément de preuve dont elle est saisie. Elles reconnaissent qu'il y a des circonstances où une déclaration indiquant que la totalité de la preuve a été examinée suffit. Elles soutiennent cependant que lorsque la question déterminante porte sur la protection de l'État, des documents indiquant que cette protection ne sera pas offerte ne peuvent être plus importants, pertinents ou contraignants. Les demanderesses ont fait valoir que leur preuve mettait en doute la capacité et la volonté des autorités du Costa Rica de leur offrir leur protection. Comment peut-on prétendre que la preuve ne fait pas ressortir qu'il n'était pas possible d'avoir recours à la protection de l'État?
[7] L'avocate du défendeur a analysé de façon exhaustive chaque élément de la preuve documentaire soumise par les demanderesses afin de justifier l'omission de la Commission de faire référence précisément au document ou de lui accorder une certaine importance. Si la DPR avait analysé la preuve de la manière suggérée par l'avocate, j'aurais rejeté la demande.
[8] Toutefois, le dossier renferme une preuve qui tend à démontrer que la police offre peu de protection et que l'application des ordonnances d'exclusion est inefficace. Il y a également une preuve portant sur la rareté des ressources consacrées à aider les victimes de violence conjugale et le fait que cette violence est très répandue au Costa Rica. Finalement, il y a également certains éléments de preuve concernant les attitudes sociétales et policières qui laissent entendre que la violence conjugale est considérée comme une affaire privée plutôt qu'une affaire criminelle. Il était loisible à la DPR, en se fondant sur la totalité de la preuve dont elle était saisie, de déterminer le poids qu'il fallait accorder à ces éléments de preuve. La difficulté vient de ce qu'elle n'a fait aucune référence à ceux-ci dans sa décision.
[9] La question de l'efficacité de la protection de l'État a été identifiée comme étant la question principale. Lorsqu'une preuve qui a trait à la question principale est soumise, le fardeau d'explication qui incombe à la Commission augmente quand celle-ci n'accorde que peu ou pas de poids à cette preuve ou quand elle retient une certaine preuve documentaire de préférence à une autre. En l'espèce, il n'y a presque aucun indice qui montre que la DPR a examiné la preuve documentaire des demanderesses ou les observations de leur avocat concernant la question de la protection de l'État. Les demanderesses avaient le droit de savoir si la Commission n'avait pas ignoré ces questions. Dans les circonstances, une déclaration générale indiquant que la totalité de la preuve a été examinée ne suffit pas.
[10] Les présents motifs n'ont pas pour but de constituer un avis quant à savoir s'il existe une protection étatique appropriée, et ils ne doivent pas non plus être interprétés comme tels. La DPR aurait fort bien pu conclure, si elle avait fait référence à la preuve documentaire des demanderesses, qu'elles auraient effectivement pu réclamer la protection de l'État. C'est son omission d'expliquer pourquoi elle n'a pas tenu compte de la preuve des demanderesses et le fait qu'elle n'a fait référence qu'à la preuve soumise par l'agent chargé de la protection des réfugiés qui créent l'impression qu'elle a ignoré la preuve qui touchait au coeur de la question et c'est pour cette raison que la demande de contrôle judiciaire a été accueillie.
[11] Les avocats n'ont pas soumis de question aux fins de la certification. Cette affaire repose sur les faits. Aucune question n'est donc certifiée.
« Carolyn Layden-Stevenson »
Juge
Toronto (Ontario)
le 14 janvier 2004
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE
Avocats inscrits au dossier
DOSSIER : IMM-437-03
INTITULÉ : MARIA ELENA SOLIS CASTILLO,
ANGIE CRISTINA CALDERON SOLIS
demanderesses
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
DATE DE L'AUDIENCE : LE 14 JANVIER 2004
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : La juge Layden-Stevenson
DATE DES MOTIFS : LE 14 JANVIER 2004
COMPARUTIONS :
Mordechai Wasserman POUR LES DEMANDERESSES
Lisa Hutt POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Mordechai Wasserman POUR LES DEMANDERESSES
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
COUR FÉDÉRALE
Date : 20040114
Dossier : IMM-437-03
ENTRE :
MARIA ELENA SOLIS CASTILLO, ANGIE CRISTINA CALDERON SOLIS
demanderesses
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE