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Date : 20000616

Dossier : IMM-3120-99

ENTRE :

                                             MANISH GUPTA ET PRACHI GUPTA

demandeurs

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON :

INTRODUCTION


[1]         Les présents motifs ont trait à une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un conseiller (Immigration), (l'agent des visas) datée du 25 mai 1999 dans laquelle l'agent des visas a rejeté la demande de visas de visiteur des demandeurs qui leur auraient permis, ainsi qu'à leur enfant mineur, de venir au Canada rendre visite aux parents, au frère et à la soeur de la demanderesse, Prachi Gupta. Elle et le demandeur, Manish Gupta, sont mari et femme et ils sont des citoyens de l'Inde. Voici en quoi consiste l'essentiel de la décision écrite de l'agent des visas :

[TRADUCTION] Après un examen consciencieux et approfondi de tous les aspects de votre demande et des renseignements fournis à l'appui, votre demande a été refusée. Selon l'agent des visas, vous n'avez pas satisfait aux exigences du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration de 1976, en ce que vous n'avez pas su démontrer que vous cherchez à être admis au Canada à titre temporaire, parce que :

(Ö)            Vous semblez ne pas avoir suffisamment de liens avec votre pays de citoyenneté ou de résidence pour assurer votre retour à la fin de votre séjour autorisé au Canada;

[...]

La décision qui fait l'objet d'un contrôle est la seconde décision semblable en ce qui a trait aux demandeurs, qui a été prise dans un très court intervalle, comme les demandeurs ont de nouveau présenté une demande de visas de visiteur, sur la base de renseignements additionnels, lorsqu'ils ont été avisés que leur première demande était rejetée.

CONTEXTE

[2]         Comme il a été mentionné, les demandeurs sont mari et femme. Ils ont un jeune enfant. Environ deux ans avant que les demandeurs ne présentent leur demande de visas de visiteur, les parents et le frère et la soeur de la demanderesse ont quitté l'Inde pour venir s'installer au Canada.


[3]         Les notes du STIDI, qui constituent une partie du dossier de la Cour dont cette dernière est saisie, fournissent un résumé utile des renseignements dont bénéficiait l'agent des visas et des motifs de sa décision de refuser de délivrer des visas de visiteur. Les notes du STIDI comprennent un résumé de l'entrevue et de la décision relatives à la première demande des demandeurs, de même qu'un résumé du traitement de la seconde demande, qui a mené à la décision qui fait l'objet d'un contrôle en l'espèce, y compris un résumé de l'entrevue menée par un adjoint aux programmes du Haut-commissariat du Canada à New Delhi, la recommandation de cet adjoint aux programmes à l'agent des visas et une note faisant état de l'adoption de cette recommandation par l'agent des visas. Sur la première demande des demandeurs, les notes du STIDI indiquent que, pendant l'entrevue, le demandeur a dit que lui, sa conjointe et leur enfant souhaitaient aller au Canada pour [TRADUCTION] « faire du tourisme » et pour [TRADUCTION] « visiter mes beaux-parents et le frère et la soeur de ma conjointe » . Le demandeur a déclaré qu'il travaillait dans le secteur de la construction. Il a fourni certains indices quant à sa situation financière en Inde. Les notes indiquent également que le séjour projeté des demandeurs au Canada serait de vingt-cinq (25) jours dans le cas du demandeur et de deux (2) mois dans le cas de la demanderesse.

[4]         Les notes qui portent sur la première demande ont pour conclusion l'annotation suivante :

[TRADUCTION] Le sujet voyage avec conjointe et fils. Vont visiter les parents de sa conjointe et son frère et sa soeur. Bien que le sujet ait suffisamment d'argent, pas convaincu que sa conjointe ait suffisamment de liens pour retourner en Inde. Recommandation: refus.

Les notes du STIDI contiennent par la suite une entrée qui semble avoir été faite par l'agent des visas qui a rejeté la première demande. Voici le libellé de l'annotation :

[TRADUCTION] Liens étroits au Canada. Emmène la famille en entier. Premier voyage. Passeport délivré le 1er mai 1999.

Pas convaincu référence : bonne foi. Rejetée.

      


Les notes du STIDI qui portent sur la deuxième demande, et qui ont mené à la décision qui fait l'objet d'un contrôle en l'espèce, mettent l'accent sur des éléments de preuve additionnels fournis par les demandeurs relativement à leur situation financière en Inde, aux biens qu'ils possèdent en Inde et à certains détails relatifs à l'emploi du demandeur au sein de l'entreprise familiale de construction, y compris une annotation selon laquelle il est l'un des trois directeurs de l'entreprise. Le résumé et la recommandation de l'adjoint aux programmes sont libellés de la façon suivante :

[TRADUCTION] Ils n'ont pas été refusés sur la base des ressources financières. Ils ont été refusés vu les liens étroits avec le Canada. Il semble très risqué d'accepter la famille en entier. Ils chercheront peut-être à y demeurer en permanence. Recommandation : rejet.

La brève annotation de l'agent des visas est la suivante :

Rejetées BF.

Apparemment, BF signifie « bonne foi » .

[5]         Au moins deux omissions importantes sont apparentes à la lecture des notes du STIDI :

premièrement, elles ne contiennent pas de commentaires sur la famille nombreuse du demandeur en Inde et sur les relations entre les demandeurs et ces membres de la famille; et deuxièmement, il n'y a absolument aucune analyse des liens que le demandeur a créés avec l'Inde dans le cadre de son emploi au sein de l'entreprise familiale de construction.

[6]         Seulement la deuxième de ces deux considérations fait l'objet de commentaires dans l'affidavit de l'agent des visas déposé dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. Au paragraphe 7 de cet affidavit, l'agent des visas atteste notamment :


[TRADUCTION] Les demandeurs ont produit des titres et des preuves, selon lesquels ils possédaient de l'épargne dans un compte bancaire, qui n'avaient pas été fournis précédemment. Ces documents fournissaient de la preuve additionnelle que les demandeurs possèdent suffisamment de ressources financières pour le voyage projeté bien qu'en l'espèce les ressources financières n'aient pas été mentionnées à titre de motif pour étayer le rejet. Les documents fournis indiquaient que le demandeur prétendait être un homme d'affaires qui réussissait bien. Toutefois, les documents indiquaient un revenu annuel de 1 15.391 roupies ou de 4 048 $ canadiens. Étant donné que le père du demandeur est le propriétaire-exploitant principal de l'entreprise, il n'y aurait pas de risque de perte d'entreprise si les demandeurs ne retournaient pas en Inde.

Au paragraphe 11 de son affidavit, l'agent des visas a écrit :

[TRADUCTION] L'affirmation selon laquelle le demandeur principal est un homme d'affaires qui réussit très bien n'est pas étayée par la preuve documentaire déposée et à laquelle il est fait référence au paragraphe 7 du présent affidavit.

La lecture de l'affidavit de l'agent des visas ne révèle aucune préoccupation relativement aux liens familiaux entre les demandeurs et les membres de la famille du demandeur en Inde.

NORME DE CONTRÔLE

[7]         L'avocat du défendeur a insisté sur le fait que la norme de contrôle pour les décisions discrétionnaires des agents des visas dans des affaires semblables est celle de la décision manifestement déraisonnable. Pour cette prémisse, il s'est fondé sur la décision de mon collègue le juge Nadon dans Benoit c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[1] dans laquelle celui-ci était saisi d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision qui rejetait une demande de visa de visiteur « [...] afin de pouvoir visiter sa fille [celle du requérant] et de faire la connaissance de sa petite-fille et de son gendre » .


[8]         Pour prendre la décision de rejeter la demande de contrôle judiciaire, Monsieur le juge Nadon s'est fondé sur la décision de l'ancien juge en chef Jerome dans De La Cruz c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration[2] et sur le passage suivant de Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et autres[3] qui est fréquemment cité :

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

[9]         Tout ce qui précède est antérieur à l'arrêt de la Cour suprême dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[4], dans lequel la Cour a traité en détail, entre autres, de la norme de contrôle de certaines décisions discrétionnaires en contexte d'immigration. Peu après l'arrêt Baker, le juge Rothstein, qui présidait dans le cadre de ses fonctions de juge de la Section de première instance de notre Cour, a tranché une affaire ayant trait à une décision discrétionnaire d'un agent des visas, quoiqu'elle ne portait pas sur une demande de visa de visiteur, dans Khairoodin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[5]. Il a écrit aux paragraphes 2 à 5 :


La norme de contrôle qu'il convient d'appliquer fait l'objet d'une question préliminaire. Le défendeur a soutenu que la norme applicable dans la présente affaire doit être celle de la décision manifestement déraisonnable vu qu'il ne s'agit pas d'une demande de résidence permanente présentée en sol canadien, la conséquence d'une telle demande étant qu'en cas de rejet, le demandeur est expulsé du Canada, ce qui constitue une conséquence plus grave que le seul fait de se voir nier le droit d'entrer au pays. Dans l'arrêt Baker c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, le juge l'Heureux-Dubé a déterminé que la norme de contrôle applicable aux décisions fondées sur le paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, et l'art. 2.1 du Règlement était celle de la décision raisonnable simpliciter. Au paragraphe 57, elle dit :

J'examine maintenant l'application de la démarche pragmatique et fonctionnelle pour déterminer la norme de contrôle appropriée à l'égard de décisions rendues en vertu du par. 114(2) et de l'art. 2.1 du règlement, et les facteurs à considérer mis en évidence dans l'arrêt Pushpanathan , précité.                                                                        

Voici les facteurs dont elle a tenu compte pour conclure que la norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable simpliciter : l'absence d'une clause privative, l'expertise du décideur, l'objectif du paragraphe 114(2) et celui de la Loi sur l'immigration dans son ensemble, le fait que le paragraphe 114(2) est une disposition de dispense et que la décision avait une incidence sur les droits et intérêts d'un individu, et la nature fortement discrétionnaire d'une décision fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. Tous ces facteurs interviennent dans les décisions de cette nature. Ces considérations laissent entendre que les demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire en vertu du paragraphe 114(2) sont assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter dans tous les cas.

Par contre, une analyse pragmatique et fonctionnelle en fonction du contexte laisse entendre que la gravité des questions en cause pourrait avoir une incidence sur la norme de contrôle applicable. Il est plus probable que le rejet d'une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire présentée en sol canadien ait des conséquences défavorables, comparativement au rejet d'une telle demande présentée depuis l'étranger. Sur ce fondement, on peut penser que la norme de contrôle applicable dans de tels cas est plus exigeante que celle de la décision raisonnable simpliciter, soit celle de la décision manifestement déraisonnable.

Compte tenu de la conclusion que je tire dans la présente affaire, soit que la décision de l'agent des visas satisfait au critère de la décision raisonnable, je peux trancher l'affaire sur le fondement que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter . Il reviendra à la Cour de déterminer dans une autre affaire s'il convient d'appliquer une norme de contrôle plus exigeante aux demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire présentée depuis l'étranger.

[références omises]                                  


[10]       Bien que la décision qui fait l'objet d'un contrôle et dont je suis saisi en l'espèce ne soit pas, à proprement parler, une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire présentée depuis l'étranger, les faits dont disposait l'agent décideur en l'espèce comportaient certains aspects d'ordre humanitaire. Les demandeurs cherchaient à obtenir des visas qui leur auraient permis ainsi qu'à leur jeune fils de rendre visite aux parents, au frère et à la soeur de la demanderesse, qui ont tous immigré au Canada quelque deux ans avant le dépôt de la demande de visas de visiteur.

[11]       L'article 3 de la Loi sur l'immigration est utile. Les dispositions pertinentes de cet article sont les suivantes :

3. La politique canadienne d'immigration ainsi que les règles et règlements pris en vertu de la présente loi visent, dans leur conception et leur mise en oeuvre, à promouvoir les intérêts du pays sur les plans intérieur et international et reconnaissent la nécessité_:

[...]

c) de faciliter la réunion au Canada des citoyens canadiens et résidents permanents avec leurs proches parents de l'étranger;

[...]

e) de faciliter le séjour au Canada de visiteurs en vue de promouvoir le commerce, le tourisme, les activités scientifiques et culturelles ainsi que la compréhension internationale;

[...]                                  [non souligné dans l'original]

3. It is hereby declared that Canadian immigration policy and the rules and regulations made under this Act shall be designed and administered in such a manner as to promote the domestic and international interests of Canada recognizing the need

[...]

(c) to facilitate the reunion in Canada of Canadian citizens and permanent residents with their close relatives from abroad;

[...]

(e) to facilitate the entry of visitors into Canada for the purpose of fostering trade and commerce, tourism, cultural and scientific activities and international understanding;

[...]                                                       [emphasis added]


Traditionnellement, l'alinéa 3c) trouve application dans des cas de réunification des familles par voie d'immigration au Canada. Cependant, je suis convaincu que le libellé de cet alinéa a une portée assez grande pour englober la réunion au Canada de citoyens canadiens et de résidents permanents, tels les parents, le frère et la soeur de la demanderesse en l'espèce, avec leurs proches parents de l'étranger, telle la demanderesse, son mari le demandeur, et leur fils, en utilisant le moyen de visas de visiteur délivrés à des personnes telles que ces demandeurs et leur fils. Donner une interprétation plus restrictive à l'alinéa 3c) aurait pour effet de mettre l'objectif qui sous-tend l'alinéa 3e), qui sert à promouvoir des objectifs économiques, culturels et scientifiques, ainsi que la compréhension internationale, à un niveau supérieur à celui de la facilitation des visites des membres d'une famille. Je suis convaincu qu'une telle interprétation serait incompatible avec la réputation d'ordre humanitaire établie de longue date qui est associée aux politiques et aux lois canadiennes en matière d'immigration.

[12]       Compte tenu de ce qui précède et étant donné l'objectif que visaient les demandeurs dans la présente affaire en tentant d'obtenir des visas de visiteur au Canada, la décision qui fait l'objet d'un contrôle en l'espèce peut raisonnablement être interprétée comme étant une « [...] demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire présentée depuis l'étranger [...] » selon le sens donné par le juge Rothstein et pour laquelle il a expressément laissé subsister la possibilité que la norme de contrôle dans un tel cas pourrait être la norme de la décision raisonnable simpliciter.


[13]       Dans la décision Li Wei Hao c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration)[6], Madame le juge Reed a examiné la question de la norme de contrôle dans le contexte d'un contrôle judiciaire de la décision d'un agent des visas qui refusait de délivrer au demandeur un visa à titre d'immigrant indépendant ou entrepreneur. Après avoir cité deux décisions récentes de la Section de première instance de notre Cour au sujet desquelles, dans ses propres mots, elle a dit « Deux de mes collègues ont adopté le critère de la décision déraisonnable simpliciter en tant que critère applicable au contrôle de la décision d'un agent des visas [...] » [7], Madame le juge Reed a écrit au paragraphe [5] :

La divergence d'opinion pour ce qui est de la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer [aux décisions des agents des visas] ne porte pas sur les questions de droit, à l'égard desquelles la norme applicable est celle de la décision correcte. De plus, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer ne fait habituellement pas l'objet d'une divergence de vues en ce qui concerne des questions d'équité procédurale ou de justice naturelle sur le plan de la procédure. La divergence de vues en ce qui concerne la norme de contrôle pertinente se rapporte au contrôle des conclusions que tire le décideur en appliquant le droit pertinent aux faits de l'affaire dont il est saisi.

Après avoir procédé à l'examen des divers facteurs identifiés dans l'arrêt Baker et les avoir appliqués au cadre législatif et à d'autres éléments de l'affaire dont elle était saisie, Madame le juge Reed a conclu au paragraphe [9] que :

Je suis disposée à conclure que la norme de la décision déraisonnable simpliciter est celle qu'il convient d'appliquer à la décision de l'agente des visas.


[14]       Je suis convaincu que la norme de la décision raisonnable simpliciter ou, selon les termes employés par Madame le juge Reed, la décision déraisonnable simpliciter, est une norme appropriée pour contrôler la décision d'un agent des visas, à tout le moins en ce qui concerne une demande de visa de visiteur dont l'objet consiste manifestement et sans équivoque à favoriser la réunion au Canada de citoyens canadiens et de résidents permanents avec des proches parents de l'étranger, même si ce n'est que pour une période temporaire. Je suis en outre persuadé qu'aucune autre conclusion ne serait compatible avec l'analyse pragmatique et fonctionnelle adoptée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Baker. Cela ne veut pas dire que la norme applicable pourrait être, ou demeurer, celle de la décision manifestement déraisonnable lorsque la demande de visa de visiteur est présentée pour une autre raison qu'on ne peut considérer comme étant de nature humanitaire. Mais, en l'espèce, la Cour n'est pas saisie de cette question qui sera tranchée à une autre occasion, à la lumière de faits différents.

CONTRÔLE RELATIF À LA NORME DE LA DÉCISION RAISONNABLE SIMPLICITER

[15]       Selon la norme de la décision raisonnable simpliciter, était-il loisible à l'agent des visas de prendre la décision qui fait l'objet d'un contrôle en l'espèce sur la base d'un examen complet des éléments de preuve dont il était saisi?


[16]       Il s'agit d'un principe fondamental de droit qu'en l'absence de preuve contraire, on doit présumer qu'un décideur a tenu compte de tous les éléments de preuve dont il était saisi au moment de prendre la décision[8]. Il existe une preuve contraire en l'espèce. Le dossier révèle clairement que le décideur disposait d'éléments de preuve faisant état de la famille nombreuse du demandeur en Inde. Ni les notes du STIDI, ni aucun autre élément de preuve dont disposait la Cour ne révèlent un quelconque motif sur lequel l'agent des visas aurait raisonnablement pu étayer une conclusion portant que les demandeurs avaient des liens familiaux plus étroits au Canada que ceux qu'ils avaient en Inde. De plus, même s'il aurait pu être raisonnablement loisible à l'agent des visas de ne pas tenir compte des liens d'affaires et économiques que les demandeurs ont avec l'Inde, ces liens auraient raisonnablement dû être évalués en fonction des liens familiaux du demandeur et de la totalité de la preuve, appréciée en fonction des liens familiaux de la demanderesse au Canada, qui ne reposaient clairement pas sur les liens d'affaires et économiques des deux demandeurs pris conjointement.   

[17]       En résumé, selon la norme de la décision raisonnable simpliciter, bien que l'agent des visas ait raisonnablement pu prendre la décision qui fait l'objet d'un contrôle en l'espèce, il ne lui était pas loisible de le faire sur la base de l'analyse dont font état les notes du STIDI, de l'affidavit de l'agent des visas et d'autres éléments de preuve dont la Cour disposait. Par analogie, le bref énoncé qui suit et qui est tiré des motifs de la Cour d'appel fédérale dans Frimpong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[9] résume l'erreur susceptible de contrôle en l'espèce :

À mon avis, l'espèce en est une dans laquelle il a clairement été établi que [l'agent des visas] a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la totalité des éléments de preuve qui lui avaient été régulièrement soumis. [Une référence à l' « agent des visas » a remplacé une référence à « la majorité de la Commission » ].

Je ne qualifierais pas l'erreur susceptible de contrôle en l'espèce d'erreur de droit, mais plutôt, pour paraphraser Madame le juge Reed qui est citée précédemment, d'erreur relative à la conclusion tirée par l'agent des visas en appliquant le droit pertinent aux faits de l'espèce.

CONCLUSION


[18]       Pour les motifs précités, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l'agent des visas qui fait l'objet d'un contrôle est annulée et l'affaire est renvoyée pour être réexaminée par un nouvel agent des visas. À part l'orientation que fournissent les présents motifs, aucune directive, comme l'a demandé avec insistance l'avocat du demandeur, ne sera fournie.

CERTIFICATION D'UNE QUESTION

[19]       Le défendeur dispose de quinze (15) jours à compter de la date à laquelle les présents motifs sont rendus pour présenter des observations quant à la certification d'une question, comme les motifs ont d'abord été signifiés à l'avocat du demandeur. L'avocat du demandeur disposera par la suite de quinze (15) jours au cours desquels il devra signifier et déposer la réponse à ces observations. Le défendeur peut, dans les trois (3) jours ouvrables où il reçoit signification de la réponse du demandeur, déposer une réponse.

DÉPENS

[20]       Aucune ordonnance ne sera rendue relativement aux dépens.

(Signé) « Frederick E.Gibson »

    J.C.F.C.

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 16 juin 2000.

Traduction certifiée conforme

Kathleen Larochelle, LL.B.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                 SECTION DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-3120-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Manish Gupta et Prachi Gupta

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 15 mai 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE GIBSON

EN DATE DU :                                   16 JUIN 2000

ONT COMPARU :

T. Viresh Fernando                                                        Pour les demandeurs

Marcel Larouche                                                           Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

T. Viresh Fernando

Avocats

Toronto (Ontario)                                                          Pour les demandeurs

Morris Rosenberg

Sous-procureur général

du Canada                                                                     Pour le défendeur



[1]            (1997), 46 Imm. L.R. (2) 160 (C.F. 1re inst.).

[2]            (1989), 26 F.T.R. 285.

[3]            [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8.

[4]            [1999] 2 R.C.S. 817.

[5]            (1999), 2 Imm. L.R. (3d) 275 (C.F. 1re inst.).

[6]            [2000] A.C.F. no 296 (Q.L.) ( C.F. 1re inst.)

[7]            Zheng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2000] A.C.F. no 31                                       (Q.L.)(C.F. 1re inst.) et Lu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1999] A.C.F.                                 no 1907 (Q.L.)(C.F. 1re inst.).

[8]            Voir à titre d'exemple Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1997] 2 C.F. 646, à la page 664. (C.A.).

[9]            (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 183.

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