Date: 20001207
Dossier: IMM-4869-99
OTTAWA (ONTARIO), LE 7 DÉCEMBRE 2000
DEVANT : MONSIEUR LE JUGE NADON
ENTRE :
YASIR NOOR MOHAMED
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Marc Nadon
JUGE
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
Date: 20001207
Dossier: IMM-4869-99
ENTRE :
YASIR NOOR MOHAMED
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE NADON
[1] Le demandeur sollicite l'annulation de la décision par laquelle l'agente d'immigration June Levato a rejeté, le 7 juillet 1999, la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire qu'il avait présentée.
[2] Les faits pertinents peuvent être résumés comme suit. Le demandeur, qui est né le 12 juillet 1977, est citoyen du Kenya. Le 24 juillet 1998, il a présenté une demande en vue de résider en permanence au Canada; il a demandé que la demande soit traitée au Canada en se fondant sur des raisons d'ordre humanitaire. Il a invoqué à l'appui les motifs ci-après énoncés en vue de justifier la présentation de la demande depuis le Canada :
[TRADUCTION]
Avant d'arriver au Canada, je vivais avec ma mère, Halima Mohammed Bunu, à Monbasa, au Kenya. J'étudiais à plein temps; j'ai obtenu mon diplôme d'études secondaires du Kenya le 24 janvier 1996. À ce moment-là, ma grand-mère et deux de mes soeurs vivaient avec nous. L'une de mes soeurs, Lubna Noor Mohamed, vit avec ma mère. Mon autre soeur, Zahra Noor Mohamed, vit maintenant à Nairobi.
Ma mère ne travaille pas; elle ne serait pas en mesure de m'aider sur le plan financier si je retournais poursuivre mes études au Kenya. De plus, à cause de l'instabilité politique qui règne dans le pays, il est difficile de poursuivre des études à plein temps.
Mon père est un immigrant ayant obtenu le droit d'établissement; il vit avec sa deuxième conjointe (ma belle-mère) et ses enfants. J'habite chez eux depuis que je suis arrivé au Canada et mon père subvient à mes besoins. J'ai un demi-frère et une demi-soeur plus jeunes avec qui j'ai noué des liens étroits. Il serait difficile de quitter cette unité familiale et de retourner au Kenya. De plus, les possibilités de s'instruire sont bien meilleures au Canada qu'elles ne le sont au Kenya. J'aimerais poursuivre mes études postsecondaires au Canada étant donné que mon père continuerait à subvenir à mes besoins.
[3] En outre, le demandeur a déclaré qu'il ferait face aux difficultés ci-après énoncées s'il devait soumettre sa demande à un bureau des visas à l'étranger conformément aux exigences du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration (la Loi) :
[TRADUCTION]
Les difficultés auxquelles je ferais face si je retournais au Kenya pour soumettre ma demande seraient les suivantes : on me retirerait d'une unité familiale qui m'aide énormément sur le plan émotionnel et financier. J'engagerais des frais élevés en retournant au Kenya et en revenant ensuite au Canada, si ma demande était accueillie.
Le paragraphe 9(1) de la Loi se lit comme suit :
9. (1) Except in such cases as are prescribed, and subject to subsection (1.1), every immigrant and visitor shall make an application for and obtain a visa before that person appears at a port of entry. |
9. (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), sauf cas prévus par règlement, les immigrants et visiteurs doivent demander et obtenir un visa avant de se présenter à un point d'entrée. |
[4] Le demandeur est entré au Canada le 1er septembre 1997 à l'aide d'un permis de visiteur en vue de rendre visite à son père, un immigrant qui avait obtenu le droit d'établissement et dont le statut de réfugié avait été reconnu en 1991. Je devrais souligner que le 26 août 1996, le haut-commissariat du Canada à Nairobi a informé le demandeur que l'on ne pouvait pas procéder à l'examen de la demande qu'il avait présentée en vue de résider en permanence au Canada tant qu'un engagement d'aide provenant du Canada n'était pas reçu. Si j'ai bien compris l'avocat, le père du demandeur n'a pas pu fournir l'engagement nécessaire à ce moment-là et la demande du demandeur n'a donc jamais été traitée plus à fond. La lettre du 26 août 1996 du haut-commissariat du Canada se lit comme suit :
[TRADUCTION]
La présente fait suite à la visite que vous avez faite à notre bureau le 20 août 1996 au sujet de la demande que vous aviez présentée en vue de résider en permanence au Canada.
Nous ne pouvons pas procéder au traitement de votre cas tant que nous n'aurons pas reçu un engagement d'aide provenant du Canada. Veuillez demander à votre père de communiquer avec le centre de traitement des données, C.P. 6100, succursale « A » , Mississauga (Ontario), L5A 4H4, Canada, no de télécopieur 905-803-7392, pour qu'un engagement soit soumis en votre nom.
Nous notons qu'aucune date d'expiration n'est mentionnée dans votre passeport; nous vous conseillons de porter la chose à l'attention du bureau des passeports du Kenya. Veuillez nous faire parvenir une photocopie de la page 4 de votre passeport lorsque la date d'expiration aura été insérée par le bureau des passeports.
Il ressort de l'affidavit du 18 septembre 1999 du demandeur que celui-ci est entré au Canada au mois de septembre 1997 parce que sa demande de résidence permanente n'avait pas été accueillie. Au paragraphe 9 de l'affidavit du demandeur, il est déclaré [TRADUCTION] « qu'étant donné que les tactiques de retard des agents d'immigration frustraient le demandeur, celui-ci est venu au Canada [...] » .
[5] Le 18 août 1999, une mesure d'interdiction de séjour a été prise contre le demandeur par un agent principal, conformément au paragraphe 27(4) de la Loi.
[6] Le 21 avril 1999, l'agente d'immigration a eu une entrevue avec le demandeur; le 7 juillet 1999, elle a écrit au demandeur en vue de l'informer du rejet de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. La lettre se lit en partie comme suit :
[TRADUCTION]
La présente fait suite à la demande que vous présentée en vue du traitement de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire depuis le Canada.
Pour que votre demande soit approuvée, il faut apprécier les raisons d'ordre humanitaire afin de déterminer si une dispense de l'application du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration, à savoir l'exigence selon laquelle il faut demander et obtenir un visa d'immigrant avant d'entrer au Canada, doit être accordée.
Le 7 juillet 1999, un représentant du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a examiné votre situation particulière en ce qui concerne la demande que vous avez faite en vue d'être dispensé de l'application du paragraphe 9(1); il a décidé qu'aucune dispense ne serait accordée dans votre cas.
[7] Telle est la décision dont le demandeur sollicite maintenant l'annulation. Le demandeur soulève deux questions à trancher. En premier lieu, il affirme que la conduite et la décision de l'agente d'immigration soulèvent une crainte raisonnable de partialité. Le demandeur déclare également que la preuve démontre que l'agente des visas était de mauvaise foi. À mon avis, les arguments du demandeur ne sont pas fondés.
[8] En second lieu, le demandeur affirme qu'en omettant de tenir compte de la totalité de la preuve, l'agente d'immigration a commis une erreur susceptible de révision. Il déclare plus précisément que l'agente d'immigration n'a pas évalué le risque auquel il serait exposé s'il était contraint à retourner au Kenya.
[9] À mon avis, les arguments que le demandeur a invoqués au sujet de la deuxième question doivent également être rejetés. M. Hoffmann, au nom du ministre, m'a référé à la demande de résidence permanente et aux renseignements additionnels que le demandeur avait fournis au sujet de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. J'ai déjà mentionné et cité les réponses que le demandeur avait données aux questions 3(A) et (B) du questionnaire officiel (voir les paragraphes 2 et 3 ci-dessus).
[10] M. Hoffmann m'a également référé à la recommandation ou à la décision de l'agente des visas et aux motifs fournis à l'appui, dans lesquels l'agente des visas fait les remarques suivantes :
[TRADUCTION]
J'ai minutieusement examiné les renseignements que vous avez fournis à l'entrevue et je ne suis pas convaincue que vous feriez face à des difficultés indues, injustifiées ou excessives si vous retourniez au Kenya.
L'intéressé n'est à l'extérieur du Kenya que depuis le mois d'août 1997, soit depuis moins de deux ans. La mère et les soeurs de l'intéressé résident au Kenya.
L'intéressé déclare vouloir vivre avec son père au Canada, avec qui il a vécu au Kenya tant que celui-ci n'est pas venu au Canada en 1990. Avant de venir au Canada, le père et le fils avaient été séparés pendant sept ans.
Le père de l'intéressé n'est pas en mesure de subvenir aux besoins de l'intéressé. Il habite dans un logement subventionné, il a quatre enfants et il poursuit ses études.
L'intéressé n'a pas poursuivi ses études et n'a pas travaillé depuis qu'il est arrivé au Canada.
L'intégration de l'intéressé dans la société canadienne semble minime.
Cela étant, je refuse la demande de résidence permanente.
[11] En se fondant sur la preuve dont disposait l'agente des visas, M. Hoffmann souligne que le demandeur n'a pas soumis de preuves au sujet du risque auquel il pourrait être exposé s'il retournait au Kenya. La raison pour laquelle le demandeur veut rester au Canada est évidente. Ses motifs ressortent d'une façon passablement claire des réponses qu'il a données aux questions 3(A) et (B) du questionnaire. Le demandeur ne mentionne nulle part dans ces réponses le risque possible auquel il serait exposé s'il retournait au Kenya.
[12] Eu égard aux circonstances, je ne puis souscrire aux arguments avancés par Me Sirlin pour le compte du demandeur. Me Sirlin a soutenu que l'agente des visas n'avait jamais examiné d'une façon appropriée le facteur « risque » . À mon avis, si l'agente des visas n'a pas examiné le facteur « risque » , c'est simplement parce que le demandeur n'avait pas soulevé la question devant elle.
[13] Les préoccupations du demandeur semblent se rapporter à ses études. En réponse à la question 3(A) du questionnaire, le demandeur déclare que s'il retournait au Kenya, sa mère ne serait pas en mesure de subvenir à ses besoins. D'autre part, il déclare que son père subvient à ses besoins depuis qu'il est au Canada. Je ne sais pas pourquoi son père ne pourrait pas subvenir à ses besoins s'il retournait au Kenya. Le dossier ne renferme aucun élément de preuve à ce sujet. Le demandeur affirme qu'il aimerait poursuivre ses études postsecondaires au Canada, mais il ne semble pas avoir étudié pendant qu'il était ici. L'agente des visas dit avec raison dans les motifs qu'elle a énoncés à l'appui du rejet de la demande, que le demandeur [TRADUCTION] « n'a pas poursuivi ses études et n'a pas travaillé depuis qu'il est arrivé au Canada » .
[14] Comme l'agente des visas, j'estime que le père du demandeur ne semble pas être en mesure de subvenir aux besoins de son fils, si ce n'est de le loger et de le nourrir. Je devrais peut-être ajouter qu'en ce qui concerne la situation de la famille du demandeur, j'ai l'impression que le demandeur n'a pas été tout à fait sincère devant cette cour.
[15] En conclusion, j'estime qu'il n'existe tout simplement pas suffisamment d'éléments de preuve à l'appui des arguments convaincants avancés par Me Sirlin qui, dans des circonstances difficiles, a fait honneur au Barreau. Malheureusement, Me Sirlin n'a pas réussi à me convaincre du bien-fondé de sa position. Par conséquent, j'estime que compte tenu de la preuve dont elle disposait, l'agente d'immigration n'a pas commis d'erreur susceptible de révision, et ce, qu'il s'agisse d'une erreur de fait ou de droit, en concluant qu'elle n'était pas convaincue [TRADUCTION] « que [l'intéressé] fer[ait] face à des difficultés indues, injustifiées ou excessives [s'il] retourn[ait] au Kenya » .
[16] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Marc Nadon
JUGE
OTTAWA (Ontario),
le 7 décembre 2000.
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : IMM-4869-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : Yasir Noor Mohamed c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATES DE L'AUDIENCE : les 12 septembre et 27 octobre 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Nadon en date du 7 décembre 2000
ONT COMPARU :
Avi Sirlin pour le demandeur
Toby Hoffmann pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avi Sirlin pour le demandeur
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada