Date : 20021212
Dossier : IMM-2642-02
Référence neutre : 2002 CFPI 1290
Ottawa (Ontario), le jeudi 12 décembre 2002
EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON
ENTRE :
KULWANT SINGH BHANGOO
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE DAWSON
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant une décision, en date du 6 mai 2002, par laquelle une agente des visas, au Haut-commissariat du Canada à New Dehli, Inde, a retranché le nom du demandeur de la demande de résidence permanente présentée par sa mère. L'agente des visas a conclu que le demandeur n'était pas un « fils à charge » au sens du paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172.
[2] Le demandeur a subi une entrevue menée par l'agente des visas. Pendant l'entrevue, le demandeur a confirmé qu'il a réussi à son examen de fin du premier cycle de l'enseignement secondaire et d'entrée au secondaire supérieur, à son premier essai en 1995, et qu'il a également réussi à son examen 10+1, à son premier essai en 1996. Cependant, le demandeur a eu d'énormes difficultés à réussir dans certaines matières au cours de son année scolaire 10+2.
[3] Le demandeur a échoué à son premier essai des épreuves 10+2 en mars 1997 ainsi qu'à son second essai en mars 1998. Aussi bien en 1997 qu'en 1998, les notes du demandeur dans les matières auxquelles il a échoué étaient trop faibles pour qu'il obtienne un droit de reprise. Un droit de reprise est conféré en Inde quand un élève n'obtient pas une note de passage dans une ou deux matières et que la note n'est pas faible au point d'entraîner un échec. On donne à l'élève la possibilité de se présenter deux autres fois à un examen pour cette matière ou ces matières afin qu'il puisse réussir son année scolaire. En essayant de réussir une matière, l'élève est autorisé à s'inscrire à un niveau supérieur mais l'élève ne peut se présenter à l'examen du niveau supérieur si il ou elle échoue à l'examen de reprise.
[4] En 1999, à son troisième essai, le demandeur a réussi aux examens dans toutes les matières qu'il a prises au cours de l'année scolaire 10+2.
[5] Durant l'entrevue, l'agente des visas a saisi ses notes d'entrevue en WordPerfect et les a transférées dans les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI). L'agente a déclaré dans son affidavit déposé en opposition à la demande de contrôle judiciaire que ses notes rapportaient toutes les informations pertinentes fournies par le demandeur durant l'entrevue et que toutes les informations pertinentes fournies étaient donc dans les notes du STIDI.
[6] Les notes du STIDI révèlent que pendant l'entrevue, les questions suivantes ont été posées et que les réponses suivantes y ont été apportées :
[TRADUCTION] Qu'avez-vous appris dans votre cours d'histoire? Ils nous ont parlé de la civilisation de l'Inde, des empereurs indiens. Vous souvenez-vous de quelque chose en particulier? Non. Vous souvenez-vous d'une des questions de l'examen final? Non.
[7] Le dossier du tribunal contient des relevés de notes fournis par le demandeur et qui montrent que celui-ci a obtenu les notes suivantes durant ses trois années au niveau 10+2 :
Matière (note de passage) 1996-1997 1997-1998 1998-1999
Anglais (25) 4 14 25
Punjabi (25) 28 50 43
Histoire (33) 13 37 42
Ed.phys. (10 + 23) 8 + 30 11+41 10+32
Science politique (33) 34 25 N/A
Punjabi (facultatif) (33) S/O S/O 33
3 échecs 2 échecs 0 échec
[8] À la suite de l'entrevue l'agente des visas a conclu que, contrairement à l'affirmation du demandeur, celui-ci n'a pas été aux études à temps plein au cours des années scolaires 1996-1997 et 1997-1998. L'agente des visas a tiré cette conclusion pour deux motifs. Premièrement, selon les termes employés par l'agente,
[TRADUCTION] « [I]l est hautement improbable qu'il réussisse pleinement après deux échecs complets. Normalement, les élèves exercent un droit de reprise pour une ou deux matières et obtiennent par la suite la note de passage. Ce contraste dans le progrès est si important que je ne suis pas convaincue qu'il a suivi à temps plein les cours pour les matières 10+2 pendant deux années : 96-97 et 97/98 » . Deuxièmement, selon l'agente des visas, l'insuffisance de connaissance du demandeur dans les matières qu'il a étudiées et ses échecs répétés confirment qu'il n'a pas suivi à temps plein des cours dans un programme d'études au cours des deux premières années.
[9] Il est de droit constant qu'un agent d'immigration peut prendre en considération les résultats scolaires du demandeur comme facteur pour évaluer si un demandeur a véritablement été inscrit et a réellement le statut d'étudiant à temps plein. Ainsi, dans Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2002), 287 N.R. 97 (C.A.F), M. le juge Sexton, dans son jugement rédigé au nom de la Cour, a confirmé au paragraphe 25 que :
un agent des visas a le pouvoir, aux termes du sous-alinéa 2(1)b)(i) du Règlement sur l'immigration de 1978, de déterminer si un prétendu « fils à charge » a véritablement été inscrit et a réellement et avec sérieux suivi à temps plein des cours dans un programme d'études.
[10] Cependant, le juge Sexton a également confirmé, au paragraphe 19, que le fait d'avoir de mauvaises notes n'est pas en soi un motif suffisant pour conclure qu'un demandeur n'a pas été inscrit à un programme d'études comme étudiant à temps plein.
[11] Au coeur de la décision de l'agente des visas se trouve sa conclusion que le contraste dans la progression entre les deux premiers essais et l'essai final pour réussir l'année scolaire 10+2 démontre que le demandeur n'était pas inscrit à temps plein lors de ses deux premiers essais. Cependant, l'examen des notes du demandeur mentionnées ci-dessus révèle un progrès graduel et non subit comme a conclu l'agente. Au cours de la première année d'études, le demandeur a échoué en anglais avec la note 4 qui s'est élevée à la note 14 au cours de la deuxième et à la note de passage 25 au cours du troisième essai. À son premier essai, il a réussi à deux cours sur cinq, à son deuxième essai il a réussi à trois cours sur cinq et à son troisième essai il a réussi à tous les cinq cours. Ce progrès est graduel et non subit; en concluant autrement, l'agente paraît avoir mal compris la preuve dont elle disposait.
[12] En outre, en tirant la conclusion qu'elle a tirée, l'agente des visas n'a pas tenu compte de la preuve que chaque année le demandeur a réussi à la partie pratique de son cours d'éducation physique. Ce fait contredit l'inférence de l'agente que le demandeur n'était pas présent physiquement à l'école et, à tout le moins, l'agente aurait dû donner les raisons pour lesquelles elle a ignoré cet indice de fréquentation scolaire.
[13] Pour ce qui est de la conclusion de l'agente des visas que le demandeur a démontré une connaissance insuffisante des matières qu'il a étudiées, cette conclusion était fondée sur les réponses du demandeur à trois questions sur un cours que le demandeur avait pris, pour la dernière fois, deux années avant l'entrevue.
[14] Une de ces questions, celle de savoir si le demandeur se souvenait d'une des questions de l'examen final, n'était pas pertinente. Ne pas se souvenir des questions posées à un examen deux années auparavant n'indique pas correctement si un élève s'est vraiment appliqué à la matière. Alors que l'agente des visas était fondée à poser des questions destinées à décider si le demandeur était un véritable étudiant, sérieux et de bonne foi, les questions posées et les réponses apportées sont à mon avis, insuffisantes en elles-mêmes pour appuyer l'inférence de l'agente que le demandeur n'a pas fréquenté l'école régulièrement pendant deux ans.
[15] En conséquence, la décision de l'agente des visas sera annulée et l'affaire renvoyée pour un nouvel examen par un autre agent des visas.
[16] Les avocats n'ont posé aucune question pour certification et aucune question ne découle du présent dossier.
ORDONNANCE
[17] LA COUR ORDONNE :
La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision du 6 mai 2002 de l'agente des visas est annulée. L'affaire est renvoyée pour un nouvel examen par un autre agent des visas.
« Eleanor R. Dawson »
Juge
Traduction certifiée conforme
Jean Maurice Djossou, LL.D.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2642-02
INTITULÉ : Kulwant Singh Bhangoo c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 20 novembre 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE DAWSON
DATE DES MOTIFS : Le 12 décembre 2002
COMPARUTIONS :
Sabrina Tozzi
POUR LE DEMANDEUR
Marcel Larouche
POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sabrina Tozzi
Toronto (Ontario) POUR LE DEMANDEUR
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
POUR LE DÉFENDEUR