Date : 20040128
Dossier : IMM-515-04
Référence : 2004 CF 137
Toronto (Ontario), le 28 janvier 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN
ENTRE :
CIHANGIR KIZIL
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION ET
LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE PHELAN
Nature de la procédure
[1] Le demandeur, un Turc, sollicite le sursis d'exécution de la mesure de renvoi prise contre lui en vertu de laquelle il doit être expulsé du Canada vers la Turquie le vendredi 30 janvier 2004.
[2] Le demandeur sollicite le sursis d'exécution eu égard à la demande principale d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section d'appel de l'immigration (la SAI) le 10 octobre 2001 selon laquelle le demandeur en l'espèce s'était désisté de son appel.
[3] Le demandeur a également présenté une demande de prorogation du délai imparti pour le dépôt de sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la SAI, en conformité avec l'alinéa 72(2)c) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR).
[4] Le défendeur a demandé que le Solliciteur général du Canada soit partie à l'instance à cause de la réorganisation des responsabilités ministérielles.
Faits
[5] Le demandeur, un homme âgé de 38 ans, est entré au Canada en tant que visiteur en 1989. Il a revendiqué le statut de réfugié et la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande le 22 avril 1993.
[6] Le demandeur a été déclaré coupable de plusieurs infractions criminelles entre 1999 et 2001.
[7] Compte tenu de la dernière déclaration de culpabilité concernant une introduction par effraction, le demandeur a été déclaré une personne visée à l'alinéa 27(1)d) de l'ancienne Loi sur l'immigration et une mesure d'expulsion a été prise contre lui le 13 juin 2001.
[8] Le demandeur a déposé un avis d'appel de la mesure de renvoi. L'avis contenait son adresse et précisait qu'il prenait les mesures nécessaires afin de retenir les services d'un avocat.
[9] La SAI a envoyé une lettre datée du 14 août 2001 à l'adresse du demandeur exigeant qu'il lui fasse parvenir une copie de la mesure d'expulsion et indiquant que s'il ne respectait pas cette exigence, elle prononcerait le désistement de l'appel. La lettre de la SAI a été retournée trois semaines plus tard et il y était indiqué que le demandeur ne résidait plus à cette adresse.
[10] Le 10 octobre 2001, conformément aux conséquences probables indiquées dans la lettre, la SAI, n'ayant reçu aucune nouvelle du demandeur, a déclaré que ce dernier s'était désisté de l'appel. La SAI a envoyé l'avis de la décision à la mauvaise adresse et le demandeur affirme qu'il n'en a pas été avisé.
[11] Environ 4 mois plus tard, Stephen Harvey a avisé la SAI qu'il représentait le demandeur. Malgré l'avis, le demandeur n'a déposé aucune requête en réouverture de l'appel.
[12] Le demandeur allègue toutes sortes de fautes, de fausses déclarations et de fautes professionnelles de la part de M. Harvey qui n'aurait pas pris les moyens de protéger ses intérêts. La Cour n'est saisie d'aucune preuve, si telle preuve existe, lui permettant de décider du bien-fondé de ces allégations.
[13] Ce qui peut être établi, c'est que le demandeur, après avoir été dûment avisé en 2003, ne s'est présenté à aucune des deux entrevues fixées par la Section des renvois parce que, comme il l'affirme dans son affidavit, il craignait d'être arrêté. En fin de compte, il a été arrêté parce qu'il ne s'était pas présenté.
[14] Le demandeur a également sollicité un examen des risques avant renvoi (ERAR) qui est venu contredire l'allégation selon laquelle il serait exposé à un risque s'il devait retourner en Turquie.
Motifs
[15] Pour l'essentiel, le demandeur affirme que la question sérieuse de droit qui se pose est celle du comportement de son avocat qui n'a pas contesté la décision de la SAI et le fait qu'il n'a pas reçu l'avis de la décision suivant laquelle il s'était désisté de l'appel.
[16] Le demandeur fait valoir qu'il subirait un préjudice irréparable parce qu'il serait malheureux de quitter le Canada et que ses droits d'appel seraient atteints au point qu'un redressement ne serait pas adéquat.
[17] Deux ans et demi se sont écoulés entre l'avis d'appel de la décision de la SAI et la présente demande d'autorisation. Aucune demande d'autorisation n'a été déposée à ce jour au regard de la décision de l'agent d'ERAR.
[18] Il est important de souligner qu'une mesure d'expulsion devait être prise eu égard aux déclarations de culpabilité inscrites contre le demandeur. Le demandeur n'a pas été en mesure de préciser les motifs pour lesquels il conteste la décision principale de la SAI. Tous les arguments visent des questions soulevées après la décision.
[19] Quant aux questions soulevées après la décision de la SAI, elles ont toutes un rapport avec les allégations exprimées contre l'ancien avocat du demandeur. En examinant cet aspect de la requête, je fais mien le raisonnement du juge Pelletier (maintenant juge à la Cour d'appel fédérale) dans l'affaire Nunez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 555, et en particulier le paragraphe 19 de la décision :
Je ne suis pas disposé à admettre une accusation de faute professionnelle grave contre un avocat, auxiliaire de la justice, sans une explication par celui-ci des agissements en question ou sans la preuve que l'affaire a été soumise à l'ordre des avocats pour enquête. En l'espèce, il y avait amplement de temps pour faire l'une ou l'autre de ces deux choses, mais ni l'une ni l'autre n'a été faite. Ce défaut ne s'accorde pas avec la gravité de l'allégation. Cette observation n'est nullement une manifestation de la sollicitude de la Cour à l'égard des avocats et aux dépens de leurs clients. La Cour ne fait que reconnaître qu'il est facile de faire des allégations de faute professionnelle et que, une fois jugées fondées, celles-ci aboutissent généralement au redressement demandé. La preuve administrée à l'appui d'une allégation de ce genre doit être à la mesure de la gravité des conséquences pour tous les intéressés.
[20] Concernant l'allégation de préjudice irréparable, je constate que la décision de l'agent d'ERAR était défavorable et par conséquent que soit le préjudice allégué était hypothétique, soit il découlait naturellement de la mesure d'expulsion.
[21] En outre, conformément à la décision Ward c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 86, le renvoi d'un demandeur ne constitue pas en soi un préjudice irréparable.
[22] Dans la mesure où il faut mentionner la prépondérance des inconvénients, le comportement du demandeur, depuis ses activités criminelles jusqu'à son refus de participer aux entrevues, révèle clairement qu'elle ne lui est pas favorable.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. Le Solliciteur général du Canada est partie défenderesse.
2. La requête de sursis d'exécution de la mesure de renvoi du demandeur est rejetée.
« Michael L. Phelan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-515-04
INTITULÉ : CIHANGIR KIZIL
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION ET LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 26 JANVIER 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE PHELAN
DATE DES MOTIFS : LE 28 JANVIER 2004
COMPARUTIONS :
Patrick T. McCool POUR LE DEMANDEUR
Andrea Hammell POUR LES DÉFENDEURS
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Patrick T. McCool POUR LE DEMANDEUR
Rexdale (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LES DÉFENDEURS
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
COUR FÉDÉRALE
Date : 20040128
Dossier : IMM-515-04
ENTRE :
CIHANGIR KIZIL
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION ET LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE